LOI  DU  4  AOÛT  1994,  dite loi Toubon

 

LOI N° 94-665 DU 4 AOÛT 1994

 

RELATIVE À L'EMPLOI DE LA LANGUE FRANÇAISE

 

L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 94-345 DC en date du 29 juillet 1994.

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

 

Cette version tient compte des modifications apportées par la décision du Conseil constitutionnel du 29 juillet 1994 ainsi que de la modification introduite au deuxième alinéa de article 5 par la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières.

 

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Art 1er.

Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France.

Elle est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics.

Elle est le lien privilégié des États constituant la communauté de la francophonie.

 

 

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Art. 2.

Dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances, l'emploi de la langue française est obligatoire. Les mêmes dispositions s'appliquent à toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à la dénomination des produits typiques et spécialités d'appellation étrangère connus du plus large public.

La législation sur les marques ne fait pas obstacle à l'application des premier et troisième alinéas du présent article aux mentions et messages enregistrés avec la marque.

 

 

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Art. 3.

Toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et destinée a l'information du public doit être formulée en langue française.

Si l'inscription rédigée en violation des dispositions qui précèdent est apposée par un tiers utilisateur sur un bien appartenant à une personne morale de droit public, celle-ci doit mettre l'utilisateur en demeure de faire cesser, à ses frais et dans le délai fixé par elle, l'irrégularité constatée.

Si la mise en demeure n'est pas suivie d'effet, l'usage du bien peut, en tenant compte de la gravité du manquement. être retiré au contrevenant, quels que soient les stipulations du contrat ou les termes de l'autorisation qui lui avait été accordée.

 

 

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Art. 4.

Lorsque des inscriptions ou annonces visées à l'article précédent, apposées ou faites par des personnes morales de droit public ou des personnes privées exerçant une mission de service public font l'objet de traductions, celles-ci sont au moins au nombre de deux.

Dans tous les cas où les mentions, annonces et inscriptions prévues aux articles 2 et 3 de la présente loi sont complétées d'une ou plusieurs traductions, la présentation en français doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langues étrangères.

Un décret en Conseil d'État précise les cas et les conditions dans lesquels il peut être dérogé aux dispositions du présent article dans le domaine des transports internationaux.

 

 

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Art. 5.

Quels qu'en soient l'objet et les formes, les contrats auxquels une personne morale de droit public ou une personne privée exécutant une mission de service public sont parties sont rédigés en langue française. Ils ne peuvent contenir ni expression ni terme étrangers lorsqu'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française. Ces dispositions ne sont pas applicables aux contrats conclus par une personne morale de droit public gérant des activités à caractère industriel et commercial, la Banque de France ou la Caisse des dépôts et consignations et à exécuter intégralement hors du territoire national. Pour l'application du présent alinéa, sont réputés exécutés intégralement hors de France les emprunts émis sous le bénéfice de l'article 131 quater du code général des impôts ainsi que les contrats portant sur la fourniture de services d'investissement au sens de l'article 4 de la loi no 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières et qui relèvent, pour leur exécution, d'une juridiction étrangère. Les contrats visés au présent article conclus avec un ou plusieurs cocontractants étrangers peuvent comporter, outre la rédaction en français, une ou plusieurs versions en langue étrangère pouvant également faire foi. Une partie à un contrat conclu en violation du premier alinéa ne pourra se prévaloir d'une disposition en langue étrangère qui porterait préjudice à la partie à laquelle elle est opposée.

 

 

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Art. 6.

Tout participant à une manifestation, un colloque ou un congrès organisé en France par des personnes physiques ou morales de nationalité française a le droit de s'exprimer en français.

Les documents distribués aux participants avant et pendant la réunion pour en présenter le programme doivent être rédigés en français et peuvent comporter des traductions en une ou plusieurs langues étrangères.

Lorsqu'une manifestation, un colloque ou un congrès donne lieu à la distribution aux participants de documents préparatoires ou de documents de travail, ou à la publication d'actes ou de comptes rendus de travaux, les textes ou interventions présentés en langue étrangère doivent être accompagnés à moins d'un résumé en français.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux manifestations, colloques ou congrès qui ne concernent que des étrangers, ni aux manifestations de promotion du commerce extérieur de la France.

Lorsqu'une personne morale de droit public ou une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public a l'initiative des manifestations visées au présent article, un dispositif de traduction doit être mis en place.

 

 

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Art. 7.

Les publications, reçues et communications diffusées en France et qui émanent d'une personne morale de droit public, d'une personne privée exerçant une mission de service public ou d'une personne privée bénéficiant d'une subvention publique doivent, lorsqu'elles sont rédigées en langue étrangère. comporter au moins un résumé en français.

 

 

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Art. 8.

Les trois derniers alinéas de l'article L. 121-1 du code du travail sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédiges :

- Le contrat de travail constaté par écrit est rédigé en français.

- Lorsque l'emploi qui fait l'objet du contrat ne peut être désigné que par un terme étranger sans correspondant en français, le contrat de travail doit comporter une explication en français du terme étranger.

- Lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit, une traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier. Les deux textes font également foi en justice.
En cas de discordance entre les deux textes, seul le texte rédigé dans la langue du salarié étranger peut être invoqué contre ce dernier.

- L'employeur ne pourra se prévaloir à l'encontre du salarié auquel elles feraient grief des clauses d'un contrat de travail conclu on violation du présent article.

 

 

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Art. 9.

I.

L'article L. 122-35 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

- Le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères.

Il.

Il est inséré, après l'article L. 122-39 du code du travail, un article L 12-39-1 ainsi rédigé :

- Art. L. 122-39-1. - Tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire a celui-ci pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français.
Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères.

- Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers.

III.

Aux premier et troisième alinéas de l'article L. 122-37 du code du travail, les
mots :
-- articles L.122-34 et L.122-35” sont remplacés par les mots :
-- articles L.122-34, L. 122-35 et L.122-39-1'.

IV.

Il est inséré, après l'article L.132-2 du code du travail, un article L. 132-2-1 ainsi rédigé :

-- Art. L. 132-2-1. - Les conventions et accords collectifs de travail et les conventions d'entreprise ou d'établissement doivent être rédigés en français. Toute disposition rédigée en langue étrangère est inopposable au salarié à qui elle ferait grief.

 

 

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Art. 10.

Le 3° de l'article L. 311-4 du code du travail est ainsi rédigé :

- 3° Un texte rédigé en langue étrangère
- Lorsque l'emploi ou le travail offert ne peut être désigné que par un terme étranger sans correspondant en français, le texte français doit en comporter une description suffisamment détaillée pour ne pas induire en erreur au sens du 2o ci-dessus.

- Les prescriptions des deux alinéas précédents s'appliquent aux services à exécuter sur le territoire français, quelle que soit la nationalité de l'auteur de l'offre ou de l'employeur, et aux services à exécuter hors du territoire français lorsque l'auteur de l'offre ou l'employeur est français, alors même que la parfaite connaissance d'une langue étrangère serait une des conditions requises pour tenir l'emploi proposé. Toutefois, les directeurs de publications rédigées, en tout ou partie, en langue étrangère peuvent, en France, recevoir des offres d'emploi rédigées dans cette langue.

 

 

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Art. 11.

I.

La langue de l'enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et
mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement est le français, sauf exceptions justifiées par les nécessités de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers.

Les écoles étrangères ou spécialement ouvertes pour accueillir des élèves de nationalité étrangère, ainsi que les établissements dispensant un enseignement à caractère international, ne sont pas soumis à cette obligation.

II.

Il est inséré, après le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation, un alinéa ainsi rédigé :

- La maîtrise de la langue française et la connaissance de deux autres langues font partie des objectifs fondamentaux de l'enseignement.

 

 

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Art. 12.

Avant le chapitre 1er du titre II de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 20-1 ainsi rédigé :

- Art. 20-1. - L'emploi du français est obligatoire dans l'ensemble des émissions et des messages publicitaires des organismes et services de radiodiffusion sonore ou télévisuelle, quel que soit leur mode de diffusion ou de distribution, à l'exception des œuvres cinématographiques et audiovisuelles en version originale.

- Sous réserve des dispositions du 2 bis de l'article 28 de la présente loi, l'alinéa précédent ne s'applique pas aux œuvres musicales dont le texte est, en tout ou partie, rédigé en langue étrangère.

- L'obligation prévue au premier alinéa n'est pas applicable aux programmes, parties de programme ou publicités incluses dans ces derniers qui sont conçus pour être intégralement diffusés en langue étrangère ou dont la finalité est l'apprentissage d'une langue, ni aux retransmissions de cérémonies culturelles.

- Lorsque les émissions ou les messages publicitaires visés au premier alinéa du présent article sont accompagnés de traductions en langues étrangères, la présentation en français doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langue étrangère.

 

 

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Art. 13.

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :

I.

Après le sixième alinéa du II de l'article 24, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

- le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie.

II.

À l'article 28, il est inséré, après le 4 , un 4 bis ainsi rédigé :

- 4 bis. Les dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie.

III.

À l'article 33, il est inséré, après le 2 , un 2 bis ainsi rédigé :

- 2 bis. Les dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie.

 

 

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Art. 14.

I.

L'emploi d'une marque de fabrique, de commerce ou de service constituée
d'une expression ou d'un terme étrangers est interdit aux personnes morales de droit public dès lors qu'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française.

Cette interdiction s'applique aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public, dans l'exécution de celle-ci.

II.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux marques utilisées pour la première fois avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

 

 

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Art. 15.

L'octroi, par les collectivités et les établissements publics, de subventions de toute nature est subordonné au respect par les bénéficiaires des dispositions de la présente loi.
Tout manquement à ce respect peut, après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations, entraîner la restitution totale ou partielle de la subvention.

 

 

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Art. 16.

Outre les officiers et agents de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, les agents énumérés aux 1 , 3 et 4 de l'article L. 215-1 du code de la consommation sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application de l'article 2 de la présente loi.

À cet effet, les agents peuvent pénétrer de jour dans les lieux et véhicules énumérés au premier alinéa de l'article L. 213-4 du même code et dans ceux où s'exercent les activités mentionnées à l'article L. 216-1, à l'exception des lieux qui sont également à usage d'habitation.

Ils peuvent demander à consulter les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission, en prendre copie et recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et justifications propres à l'accomplissement de leur mission.

Ils peuvent également prélever un exemplaire des biens ou produits mis en cause dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État.

 

 

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Art. 17.

Quiconque entrave de façon directe ou indirecte l'accomplissement des missions des agents mentionnés au premier alinéa de l'article 16 ou ne met pas à leur disposition tous les moyens nécessaires à cette fin est passible des peines prévues au second alinéa de l'article 433-5 du code pénal.

 

 

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Art. 18.

Les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application de la présente loi sont constatées par des procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve du contraire.
Les procès-verbaux doivent, sous peine de nullité, être adressés dans les cinq jours qui suivent leur clôture au procureur de la République. Une copie en est également remise, dans le même délai, à l'intéressé.

 

 

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Art. 19.

Après l'article 2-13 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-14 ainsi rédigé :

- Art. 2-14. - Toute association régulièrement déclarée proposant par ses statuts la défense de la langue française et agréée dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application des articles 2, 3,4, 6, 7 et 10 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

 

 

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Art. 20.

La présente loi est d'ordre public.

Elle s'applique aux contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur.

 

 

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Art. 21.

Les dispositions de la présente loi s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage.

 

 

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Art. 22.

Chaque année, le Gouvernement communique aux assemblées, avant le 15 septembre, un rapport sur l'application de la présente loi et des dispositions des conventions ou traités internationaux relatives au statut de la langue française dans les institutions internationales.

 

 

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Art. 23.

Les dispositions de l'article 2 entreront en vigueur à la date de publication du décret en Conseil d'État définissant les infractions aux dispositions de cet article, et au plus tard douze mois après la publication de la présente loi au Journal officiel.

Les dispositions des articles 3 et 4 de la présente loi entreront en vigueur six mois après l'entrée en vigueur de l'article 2.

 

 

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Art. 24.

La loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975 relative à l'emploi de la langue française est abrogée, à l'exception de ses articles 1er à 3 qui seront abrogés à compter de l'entrée en vigueur de l'article 2 de la présente loi et de son article 6 qui sera abrogé à la date d'entrée en vigueur de l'article 3 de la présente loi. La présente loi sera exécutée comme loi de l'État.

 

Fait à Paris, le 4 août 1994.

 

François MITTERRAND

Par le Président de la République :

Le Premier ministre, Édouard BALLADUR

Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et de l'aménagement du territoire,

Charles PASQUA

Le ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la Justice, Pierre MÉHAIGNERIE

Le ministre des Affaires étrangères, Alain JUPPÉ

Le ministre de l'Éducation nationale, Français BAYROU

Le ministre de l'Économie, Edmond ALPHANDÉRY

Le ministre de l'Équipement, des Transports et du Tourisme, Bernard BOSSON

Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Michel GIPAUD

Le ministre de la Culture et de la Francophonie, Jacques TOUBON

Le ministre du Budget, porte-parole du Gouvernement, Nicolas SARKOZY

Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, François FILLON

 

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PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA LOI DU 4 AOÛT 1994

 

RELATIVE À L'EMPLOI DE LA LANGUE FRANÇAISE

 

 

 

 

I. Les principales dispositions de la loi.

 

· L'information du consommateur

· Le monde du travail

· L'enseignement

· L'audiovisuel

· Les manifestations, colloques et congrès

· Les obligations particulières des services publics

 

II. L'application de la loi.
 

La loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française s'est substituée à la loi du 31 décembre 1975, dont elle élargit le champ d'application et renforce les dispositions.

Ce texte, en traduisant le principe constitutionnel selon lequel la langue de la République est le français, vise à doter la France d'une véritable législation linguistique, comme c'est le cas dans bien d'autres pays. La loi de 1994 n'a pas été inspirée par le souci de préserver la pureté du français en faisant la chasse aux mots étrangers : elle porte sur la présence du français et non sur son contenu. Elle marque la volonté de maintenir le français comme élément de cohésion sociale et moyen de communication internationale, dans une France qui se veut ouverte sur l'extérieur et partie prenante de la mondialisation des échanges.

Elle a pour objet de garantir aux Français le droit d'utiliser leur langue et de la faire utiliser dans un certain nombre de circonstances de leur vie courante et professionnelle. Elle pose le principe que la langue française est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics, et « le lien privilégié des États constituant la communauté de la francophonie ».

Les débats qui ont eu lieu lors du vote de la nouvelle loi ont permis de souligner que la vigilance à l'égard du français devait s'accompagner d'une ouverture sur les langues et cultures régionales et étrangères. Certains de ses articles visent d'ailleurs à généraliser l'apprentissage d'autres langues dans les systèmes éducatifs et de formation, et à développer le plurilinguisme dans l'accueil des touristes étrangers.

Son adoption a été l'occasion, pour les Français, de prendre conscience de ces enjeux. Selon un sondage de mai 1994 de la SOFRES, 65% d'entre eux se déclaraient favorables à l'idée d'une politique volontariste de défense de la langue, 70% se déclaraient fiers de l'existence de la francophonie, enfin 78% affirmaient préférer le plurilinguisme en Europe au tout anglais.

L'élaboration d'une nouvelle loi a, en outre, répondu à l'attente des 52 États de la Communauté francophone, qui souhaitaient depuis longtemps que la France adopte une attitude plus volontariste à l'égard de sa langue.

 

 

 

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Les principales dispositions de la loi

 

L 'information du consommateur

 

Sur ce point, la loi reprend les dispositions de la loi du 31 décembre 1975, en prévoyant pour la désignation, la présentation et la publicité des biens, produits ou services, l'emploi obligatoire de la langue française. Les mêmes exceptions sont prévues pour la dénomination des produits typiques et spécialités d'appellation étrangère connus du plus large public.

Une ou plusieurs traductions en langues étrangères sont toujours possibles, mais dans ce cas, la présentation en français doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langue étrangère. Il n'est pas exigé de parallélisme des formes.

Ces dispositions sont étendues aux inscriptions et annonces apposées ou faites sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public (cafés, restaurants, commerces, salles de spectacles) ou dans un moyen de transport en commun, alors que la loi de 1975 limitait celles-ci aux biens appartenant à des personnes morales de droit public.

Cette réglementation ne s'applique ni aux raisons sociales, ni aux marques de fabrique, de commerce ou de service. En revanche, les mentions descriptives et messages publicitaires doivent, pour être utilisés en France, être accompagnés d'une traduction en français, même s'ils sont enregistrés avec une marque.

La législation française respecte pleinement le droit communautaire. En ce domaine, celui-ci repose sur l'idée qu'il convient d'établir un équilibre entre d'une part la liberté des échanges et d'autre part la protection du consommateur et de la santé, qui impose la présence d'informations (étiquetage, mode d'emploi, etc.) dans une langue compréhensible par l'utilisateur. Cette langue est, sauf rare exception pour certains termes, la ou l'une des langues officielles de l'État de commercialisation.

 

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Le monde du travail

 

Les entreprises issues de groupes internationaux ou bien ouvertes sur l'exportation doivent, pour être compétitives, élaborer des stratégies linguistiques complexes qui impliquent de plus en plus souvent la maîtrise et l'usage de plusieurs langues : langue(s) de la communication interne, usage de la langue du client ou du partenaire étranger pour la vente ou la négociation, etc. Pour que le français conserve la place qui lui revient au sein de l'entreprise, et que les salariés et leurs représentants ignorant ou maîtrisant mal une langue étrangère ne soit pas pénalisés, mais aussi dans le souci de limiter les risques de litiges et de protéger la santé et la sécurité des personnes, la nouvelle loi étend sensiblement les cas d'emploi obligatoire du français.

Outre les contrats de travail et les offres d'emploi, déjà visés par la loi du 31 décembre 1975, sont désormais concernés le règlement intérieur, les conventions, accords collectifs de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement, les documents comportant des obligations pour le salarié (par exemple, en matière d'hygiène et de sécurité, ou en matière disciplinaire) et, à titre général, tout document comportant des dispositions nécessaires au salarié pour l'exécution de son travail. Les exceptions visent les contrats des salariés étrangers non francophones, les documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers, certaines offres d'emploi. Ici encore, dans tous les cas, les documents peuvent être accompagnés de traductions en une ou plusieurs langues étrangères.

 

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L 'enseignement

 

C'est une des innovations de la loi du 1994, qui affirme le caractère obligatoire de l'enseignement en français et de son emploi pour les examens, concours, thèses et mémoires, dans les établissements publics et privés. Bien entendu, des dérogations sont prévues pour l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ainsi que pour certaines écoles spécialisées.

Ce texte modifie, en outre, la loi du 10 juillet1989 d'orientation sur l'éducation pour souligner que la maîtrise de la langue française et la connaissance de deux autres langues font partie des objectifs fondamentaux de l'enseignement.

En effet, l'affirmation du rôle privilégié de la langue française va de pair avec l'ouverture aux autres langues et cultures, et traduit le souhait de construire un monde pluraliste respectueux des diversités. La maîtrise du français et de deux autres langues étrangères contribue, également, dans un contexte marqué par l'internationalisation des échanges, à armer les jeunes pour s'insérer dans le marché du travail et à favoriser la mobilité professionnelle.

Au niveau européen, notamment lors de la Présidence française au premier semestre 1995, des textes en faveur du pluralisme linguistique en Europe ont été adoptés. Une résolution du conseil de l'éducation du 31 mars 1995 souligne ainsi le besoin de “prendre des mesures incitatives en vue de diversifier les langues enseignées dans les États membres, en donnant aux élèves et aux étudiants des possibilités pour acquérir, au cours de leur scolarité ou de leurs études supérieures, une compétence dans plusieurs langues de l'Union européenne. Plusieurs programmes européens favorisant la mobilité et les échanges de personnes prennent en compte l'apprentissage des langues étrangères (SOCRATES par exemple).

En France, l'amélioration de la maîtrise de la langue française passe par la révision des programmes scolaires et universitaires, avec des mesures d'accompagnement (ateliers d'écriture, interdisciplinarité, nouveaux instruments pédagogiques sous la forme de cédéroms, etc.), ainsi que par les dispositifs de formation continue et d'aide à l'insertion et à l'intégration. D'autre part, l'initiation à une langue vivante devient progressivement systématique dans l'enseignement primaire, et la généralisation de l'enseignement obligatoire d'une seconde langue étrangère s'opère dans l'enseignement secondaire.

 

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L 'audiovisuel

 

Le rôle des médias, en particulier de la télévision, est essentiel pour la diffusion de la langue française, puisqu'ils complètent ou concurrencent souvent les structures éducatives, notamment auprès des jeunes et des personnes les plus défavorisées. C'est pourquoi la loi prévoit l'emploi obligatoire du français ou de traductions en français dans tous les messages publicitaires et émissions des services de radio et de télévision, à l'exception des œuvres cinématographiques et audiovisuelles en version originale, des programmes conçus pour être diffusés en langue étrangère, de ceux dont la finalité est l'apprentissage d'une langue, et des retransmissions de cérémonies cultuelles.

En outre, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est modifiée afin de renforcer les obligations incombant aux chaînes de radio et de télévision en matière de langue française et de francophonie.

Le contrôle de l'application de ces dispositions comme de celles de l'ensemble des textes qui régissent l'audiovisuel est confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le Bureau de vérification de la publicité a une importante activité de conseil auprès des annonceurs en ce domaine.

 

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Les manifestations, colloques et congrès

 

L'une des dispositions de la nouvelle loi qui a suscité le plus de débats est l'article imposant l'usage du français dans les manifestations, colloques et congrès tenus en France.

En effet, La France est l'un des pays organisant le plus grand nombre de manifestations internationales, culturelles, scientifiques ou techniques, mais de plus en plus fréquemment, celles-ci se déroulent uniquement en anglais alors même que certains des participants et intervenants sont francophones.

Les mesures finalement adoptées sont le résultat d'un compromis entre ceux qui craignaient que des règles trop strictes n'entraînent la diminution du nombre de congrès tenus en France et ceux qui estimaient abusive l'interdiction de l'emploi du français dans une réunion se déroulant en France.

Les obligations fixées aux personnes de nationalité française organisant une manifestation en France sont désormais de trois sortes : tout participant francophone doit pouvoir s'exprimer en français ; les documents de présentation du programme doivent exister en version française ; les documents distribués aux participants ou publiés après la réunion doivent comporter au moins un résumé en français.

 

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Les obligations particulières des services publics

 

Si les structures éducatives et les médias ont un rôle important à jouer dans la diffusion de la langue française, il en est de même pour les personnes morales exerçant une mission de services public. Celles-ci ont un devoir d'exemplarité, et la loi leur impose des contraintes particulières.

C'est ainsi que les services publics, lorsqu'ils procèdent à la traduction dans une langue étrangère d'une inscription ou d'une annonce destinées au public, doivent le faire en au moins deux langues, afin de développer le plurilinguisme, notamment pour l'accueil des touristes étrangers.

Les contrats passés par ces personnes morales doivent être rédigés en français. Une exception est cependant prévue pour les organismes gérant des activités à caractère industriel et commercial quand il s'agit de contrats exécutés intégralement hors de France. À l'occasion de la loi de modernisation des activités financières du 2 juillet 1996, dans un souci de sécurité juridique, il a été précisé que cette exception concernait également la Banque de France et la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que certains contrats financiers dont l'exécution est soumise à une juridiction étrangère.

Les services publics, lorsqu'ils sont à l'initiative d'une manifestation, d'un colloque ou d'un congrès international se déroulant en France, doivent prévoir un dispositif de traduction. L'emploi d'une marque constituée d'une expression étrangère possédant un équivalent français leur est interdit, et les publications en langue étrangère qu'elles diffusent en France doivent être accompagnées d'au moins un résumé en français.

Par ailleurs, des circulaires du Premier ministre et de chacun des ministres rappellent à tous les agents publics les responsabilités particulières qui leur incombent à l'égard de la langue française, au delà de la loi, tant dans leurs activités en France que dans leurs relations avec l'étranger : clarté des documents d'information destinés aux usagers, contribution au respect de la diversité linguistique dans la communication avec les touristes étrangers et sur l'internet, vigilance sur le statut du français langue officielle et de travail dans les organisations internationales, etc.

 

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L'application de la loi

 

Elle a fait l'objet d'un décret et d'une circulaire d'application, datés respectivement du 3 mars 1995 et du 19 mars 1996. La loi, comme prévu, est entrée en vigueur pour l'ensemble de ses dispositions le 7 septembre 1995. Ce délai a permis de donner aux agents économiques et aux services publics le temps de prendre les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec les nouvelles réglementations. Par ailleurs, un décret du 1er juillet 1998 a permis de compléter le dispositif réglementaire d'application de la loi dans le domaine des transports internationaux.

L'une des originalités de la nouvelle loi est de prévoir pour la plupart de ses articles un dispositif de contrôle et de sanctions adapté, qui devrait permettre une bonne application de la législation. En effet, les difficultés d'application de la loi du 31 décembre 1975 tenaient au fait que celle-ci ne prévoyait pas de sanctions pénales spécifiques, les infractions étant constatées seulement à l'occasion d'autres infractions au code de la consommation, et relevant du régime de sanction de la répression des fraudes. Les peines encourues sont désormais des peines contraventionnelles de la quatrième classe. Certaines relèvent du droit de la consommation, d'autres du droit du travail, ou du pouvoir de contrôle et de sanction du Conseil supérieur de l'audiovisuel. En outre, un lien est établi entre le bénéfice d'une subvention accordée par une collectivité publique et l'usage de la langue française dans les divers cas prévus par la loi (colloques, annonces ou inscriptions, publications de travaux d'enseignement ou de recherche, etc.).

Enfin la loi a également prévu l'agrément d'associations de défense de la langue française, en vue de leur permettre d'exercer les droits de la partie civile devant les tribunaux dans les litiges relatifs à plusieurs articles de la loi. Cette innovation est calquée sur ce qui existe déjà en matière d'associations de consommateurs. Un arrêté du 27 mai 1998 a permis d'agréer, pour trois ans, trois associations qui participent activement à l'application des textes.

Un rapport sur l'application de la loi doit être remis par le Gouvernement au Parlement le 15 septembre de chaque année. Il fait le point sur l'ensemble des mesures en faveur du français qui accompagnent et complètent le dispositif législatif: soutien aux revues scientifiques, aide à la traduction simultanée dans les colloques internationaux, actions de sensibilisation, dispositif d'enrichissement terminologique, promotion du plurilinguisme dans la société de l'information, etc. Il est disponible sur le serveur de l'Internet de la délégation générale à la langue française, ainsi que les textes juridiques (la loi, le décret et la circulaire d'application sont également disponibles en anglais et allemand). La D.G.L.F., service du ministère de la culture et de la communication chargé de la coordination interministérielle pour la langue française, est à la disposition des professionnels et du public pour toute information complémentaire.

 

 

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