Le lac Ontario dans un jour de tempête

Désempara la goélette

De Sir John Macdonald. L'illustre paria

Se trouvait à la belle étoile

Parmi les naufragés, quand Ryan le pria

De venir remonter sa voile

S'il pouvait, à tout risque, au marais du cajeu,

Au milieu

Des grenouilles

Qui chantent jour et nuit à l'ombre des quenouilles.

Sir John accepta. Mais quelque Ave Maria

L'a sans doute chassé du comté de Marquette

Car à peine essoufflé, le grand homme à la quête

Se rendit à l'appel d'un gueux qui lui cria

Et s'en fut respirer l'air de Victoria.

 

Chassé des bords de l'Atlantique

Il peut se reposer sur ceux du Pacifique.

En vérité, c'est consolant.

Mais à tout prendre, c'est tout de même étrivant.

Sir John n'a pas grand poids, si Kingston le garroche

Sans forcer, par-dessus les montagnes de roche.

 

Je ne souhaite pas, Sir John, que votre mort

Soit pleine de tourments, mais ce que je désire

C'est que vous connaissiez et souffriez le remords,

Parce que vous m'avez mangé comme un vampire.

 

L'horizon, tout le ciel m'apparaissait vermeil.

 

Vous avez accablé de soucis mon jeune âge.

Et vous êtes sur moi comme un épais nuage

Qui dérobe à mes yeux la clarté du soleil.

 

J'espère voir la fin de vos pensées altières.

Vous avez fait le mal : et c'est ce qui détruit.

Vous tomberez peut-être avec le même bruit

Qu'on entend l'Ottawa bondir dans les Chaudières.

 

Vos moyens d'action, John, ne sont pas les miens.

Mes amis ont souffert de ma grande folie.

Ils s'en consoleront car elle fut jolie.

Vous n'effacerez pas mon passé, car j'y tiens.

 

Vous, vous serez comme pour le hardi mensonge.

C'est à vous que j'en veux pour ma proscription.

Je fais mon temps d'exil, et je mange mon ronge

Et je suis, malgré vous, chef de ma Nation.

 

Je n'abandonne pas mon plan, je l'étudie.

Et je l'ai travaillé d'une façon hardie.

J'ai trouvé ce que je voulais.

Je vous connais à fond maintenant, peuple anglais.

 

Le Bas-Canada n'est pas libre

Avec vous, comme on le prétend,

Vous souffrez quand un nom canadien-français vibre,

Vous tâchez de l'abattre en le persécutant.

 

Vous avez rempli d'amertume

La grande âme de Papineau.

 

Et notre historien Garneau

Ne vous a pas encore mis assez sous sa plume,

Quoiqu'il ait buriné souvent la vérité

Sur votre compte avec beaucoup de netteté.

 

Nous sommes, grâce à Dieu, nés dans les idées belles

Pour les actes d'honneur et de beau dévouement,

Nous avons de l'essor pour les vertus réelles,

Mais votre faux gouvernement

Pèse sur nous sans cesse et nous coupe les ailes.

 

Vous voudriez remplacer notre religion

Par vos idées philanthropiques.

Vos journaux possédés avec leur philippiques

Grondent, chacun leur tour, contre la légion

Des Canadiens français d'élite, hommes et femmes,

Qui travaillent pour Dieu, pour le salut des âmes.