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Paris, le 02 MAI
2007
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Monsieur le Président,
Votre aimable lettre m'est bien parvenue et je
vous en remercie chaleureusement.
J'ai pris bonne note de l'ensemble de vos
observations relatives à la politique culturelle de notre pays, et
en particulier à la promotion de la francophonie. Cette question
est, à mes yeux, essentielle car la langue française est l'âme de la
France, sa culture, sa pensée et plus encore sa liberté. La
diversité linguistique a toujours été un facteur de liberté de
pensée et la condition du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Je ne crois pas à la langue unique, y compris au prétexte de son
efficacité. Chaque langue a des subtilités d'interprétation. La
politique de la langue unique est, en réalité, un leurre qui masque
la volonté de domination de la pensée unique.
Nous avons le devoir, pour nos enfants et la
défense des valeurs de notre pays, de promouvoir la langue
française. Si je suis élu, je mettrai la francophonie au rang des
priorités diplomatiques de la France. Je renforcerai tout à la fois
le dispositif de l'action culturelle de la France à l'étranger et
l'aide à la création, parce que c'est par la création que le
Français rayonne. Je veillerai à ce que dans les entreprises
installées sur le territoire français la langue de travail soit le
Français dès lors qu'il n'y a aucune nécessité économique ou
commerciale qui oblige à s'exprimer dans une autre langue. Je me
battrai pour que dans les instances européennes et à l'ONU le
Français continue d'être employé. Ce sera naturellement une
obligation absolue pour tout représentant de la France dans des
organisations internationales. Surtout je me battrai pour que soit
généralisé partout en Europe l'enseignement de deux langues
étrangères parce que c'est la seule façon efficace pour se préserver
de l'hégémonie de l'anglais.
J'ai bien conscience que le patrimoine
linguistique de la France, ce n'est pas seulement le Français. C'est
aussi l'extraordinaire richesse de ses langues régionales.
L'ignorer, se résigner à leur disparition, constituerait un immense
appauvrissement, y compris pour la langue française. Je souhaite que
leur enseignement soit correctement pris en charge par l'éducation
nationale. Je souhaite que l'on soutienne leur pratique et leur
diffusion.
Pour autant, il n'est pas question de confronter le Français aux
autres langues régionales. Nous avons le devoir de veiller à l'unité
française que nous avons mis si longtemps à construire et qui reste
le bien le plus précieux mais aussi le plus fragile que nous ayons à
léguer à nos enfants.
Si je suis élu, je ne serai pas favorable à la charte européenne des
langues régionales. Je ne conteste pas les langues régionales. Au
contraire, je veux les soutenir et les développer. Mais je crains
que l'adoption de cette charte n'ait des conséquences sur le Pacte
national.
Force est de constater que la question des
minorités en France n'est pas celle des minorités en Europe. Et je
crains que le juge européen chargé d'appliquer cette charte, en
considérant des expériences historiques du problème des minorités
différentes des nôtres, ne conclue qu'une langue régionale peut être
considérée comme langue de la République au même titre que le
Français. Au-delà de la lettre des textes, il y a la dynamique des
interprétations et des jurisprudences qui peut aller très loin. La
question des langues et de la place du Français est consubstantielle
à notre pacte national. Elle n'a rien à voir avec la construction de
l'Europe.
Vous m'interrogez sur mon programme en matière
de développement de la langue et de la culture française à
l'étranger. L'organisation de notre présence culturelle à l'étranger
n'a pas changé depuis 1960. Je souhaite que nous puissions revoir
cette organisation, en réduisant les effectifs de nos ambassades
dans l'Union européenne au profit d'une plus forte présence
culturelle et en redéployant géographiquement l'ensemble du réseau
afin que nous soyons plus présents en Asie et en Amérique. Nos
dépenses devront être davantage consacrées à l' enseignement du
français, à la diffusion des artistes français à l'étranger et à la
coopération avec les grandes institutions culturelles
internationales.
De même, notre réseau d'Écoles françaises à
l'étranger il' a pas vocation, lui non plus, à rester figé dans le
passé. Les pensionnaires de la Villa Médicis doivent tirer une
réelle plusvalue de leur passage. Il faudrait par ailleurs
permettre à de jeunes artistes français d'aller étudier et créer
dans des conditions comparables à New York et en Asie. Je propose de
créer une école française d'archéologie en Afrique noire, comme nous
avons su autrefois le faire avec les écoles du Caire, d'Athènes et
d'Orient.
Enfin, à l'image du Goethe Institut ou du
British Council, je suis favorable à la désignation d'un pilote de
la politique culturelle extérieure de la France qui souffre
aujourd'hui de la trop grande dispersion d'une multitude
d'opérateurs différents.
Tels sont les éléments que je souhaitais
porter à votre attention. Mon ambition est que la culture soit aussi
le moteur du dynamisme et de la fierté de la France. Votre soutien
et votre confiance me sont, plus que jamais, indispensables et
précieux pour engager cette action.
En espérant que ces précisions répondent à vos
attentes légitimes et restant à votre écoute, je vous prie d'agréer,
Monsieur le Président, l'expression de ma considération distinguée.
Nicolas SARKOZY,
Candidat à l'élection présidentielle
Monsieur Régis RAVAT
Président
Association Francophonie Avenir
Parc Louis Riel
2811 chemin de Saint-Paul
30129 MANDUEL