En anglais dans le texte

Musique. Les Français passent la Manche.

 

« Un artiste aujourd’hui est bilingue ». Emmanuel de Burtel, patron du label Because, basé à Londres et à Paris, ne croyait pas si bien dire en 2006. Les chanteurs français se font rares. Chauvinisme à part, la tendance, corollaire à l’explosion de MySpace, nous livre ses nouveaux poulains transmués : le tout à l’anglais. Sur le modèle de Phoenix, après Keren Ann, Aaron, Sébastien Schuller, Moriarty, Soko, Cocoon ou The Do, ils se nomment ces jours-ci FM, Syd Matters, Kolja. Le premier croise des reprises de Blondie ou The Cure sur une musique de chambre aux accents de Costello. Le deuxième renoue avec une veine contemplative Nick Drake. Le troisième se présente à la manière d’un Tom McRae, voix mélodieuse des graves aux aigus.

Fils d’un journaliste allemand d'origine russe et d’une hôtesse de l’air française croisée à Cologne au temps de la bande à Baader, ce trentenaire est le plus convaincant des trois. Reset Junior, label EMI analysant les flux du Net par territoires, lui a signé un contrat pour le monde. Mais, en défiant les quotas de 40 % de la chanson francophone sur les radios, Kolja se facilite-t-il la vie ? « Il y a toujours eu des Français chantant en anglais, résume Vincent Frèrebeau, du label Tôt ou Tard (Vincent Delerm, Yael Naim). Mais je continue à penser que ce n’est pas une très bonne idée : au lieu de se singulariser (pour ceux qui arrivent à dire ce qu'ils ont à dire), ils entrent en concurrence avec le monde. Adolescent, j’adorais Joe Jackson et The Clash parce qu’il y avait aussi Higelin et Téléphone ».

Age d’or. « Le français, ce n’est pas ce qui me vient quand je prends une guitare, rétorque Jonathan Morali, alias Syd Matters. Je ne me reconnais pas dans toute cette nouvelle chanson française, avec ses chatoiements sur des histoires d’incommunicabilité. Une chanson c’est autant des mots que des notes. Si je veux un bon texte, je vais au théâtre ou j’ouvre un bouquin ».

Nourris à la pop, ces artistes trentenaires, s’ils revendiquent l’héritage des Trente Glorieuses, n’en ont pas connu l’âge d’or à l’heure de signer avec l’industrie du disque. Débarqués en pleine chute du marché, entre la fin de l’édifiante French Touch et l’accélération du Net, ils semblent regagner espoir avec le nouvel intérêt des Anglais pour la France via les productions du label Ed Bangers. « Le succès de groupes comme Justice ou Nouvelle Vague nous montre juste que le monde est plus petit », explique Ben Osborne, DJ et journaliste (Mix Mag). Mais le cas Justice est-il si fréquent ? Son tube Dance, tout comme les succès de Daft Punk, a fait oublier que depuis Je t’aime moi non plus, Ça plane pour moi, Voyage Voyage ou Joe le Taxi, la francophonie a peu réussi à « breaker » en Albion : le style France « reste un marché de niche, dit Corinne Micaelli, du French Music Bureau à Londres. Mais les invitations plus régulières de salles et de festivals en vue laissent espérer ».

« T’es qui, toi ? » Londres, c’est la plateforme européenne de la musique. Mais « difficile de s’y intégrer. Les Anglais sont comme les Parisiens, un peu snobs : "T’es qui, toi ?" » relate Jonathan Morali. « Des artistes comme Katerine sont uniques quelle que soit leur langue », corrige Ben Osborne. « J’en suis un gros fan, acquiesce Kieron Tyler, du mensuel anglais Mojo. Ce type pourrait être populaire comme un Jarvis Cocker à la française. Il a juste fallu attendre que sa maison de disques daigne nous l’envoyer ! »

En 2007, 763 concerts d’artistes français ont eu lieu en Angleterre (contre 589 l’année précédente). Quant aux disques, pour la plupart issus de labels indépendants, le marché a vu 456 productions répertoriées (352 albums, 84 compilations, 20 singles), dont 24 % pour la chanson, pop, rock. Après les Rita Mitsouko, Manu Chao ou Carla Bruni, il semble que ce soit au tour de Camille d’être la coqueluche frenchie. Sorti d’abord en circuit alternatif, son album le Fil a été repris par une licence en distribution. Comme Carla Bruni après le succès de Quelqu’un m’a dit, la fille de prof d’anglais vient d’enregistrer la suite dans la langue de Shakespeare (mais chœurs en français). Music Hole paraît début avril. Et après un sold-out au Shepherd’s Bush Empire (1 500 places), il pourrait rencontrer un écho au-delà des 200 000 Français à Londres.

« Si vous m’aviez posé la question il y a quinze ans à propos des chanteurs français, je ne vous aurais cité que Gainsbourg ou Hallyday, confirme Ben Osborne. La situation a évolué depuis. Laurent Garnier, Saint Germain, Daft Punk ou Air, hors genres, ont ouvert les Anglais à un nouveau son. Et Camille a encore fait bouger les lignes. C’est d’abord son succès en France qui a éveillé notre curiosité. Comment n’en avions-nous pas entendu parler ? Mais ce sont ses fans français qui l’ont portée avant d’être réellement adoptée ».

Retour à la maison. Vincent Frèrebeau, producteur de Yael Naim, demande à voir. Promue par une « synchro » pour Apple, comme Feist avant elle (quatre nominations aux Grammy Awards et 1 million de ventes dans le monde pour l’album Reminder), l’artiste franco-israélienne est en voie de traverser l'Atlantique. Selon Frèrebeau, une distinction est à faire entre « artistes » français et « productions » françaises. « Les succès internationaux d’Ayo ou Feist ont révélé des productions françaises d’artistes ayant une attache anglophone. C’est ce qui nous permet d’être reconsidérés aux États-Unis. À part cela, je reste dubitatif, comme dans la chanson de Tom Waits, Big in Japan. Les "carrières" au Japon, il faut juste aller vérifier. La France offre encore la possibilité de produire des artistes. Beaucoup de pays d’Europe ont perdu, avec leur langue, leur culture. Il ne faut pas se laisser berner par MySpace : on peut être le premier en terme de visites et ne pas rencontrer son public.»

Un retour à la raison qui rappelle un autre exemple. Au milieu des années 80, Richard Branson, patron de Virgin, enjoint Julien Clerc de faire carrière en anglais. « Tu as eu la malchance d’être né français», lui dit-il. Deux albums-échecs plus tard, le chanteur conviendra : « Nous avons dépensé beaucoup d’énergie pour en définitive être humiliés par les Anglais. Ça m’a guéri du rêve américain ».

 

LUDOVIC PERRIN

 

 

Source : Libération.fr, le mardi 4 mars 2008

http://www.liberation.fr/culture/313454.FR.php
 

 

Les Victoires de la Musique (en anglais !)

 

Il y a de plus en plus de chanteurs français qui trahissent leur langue en chantant en anglais : Aaron, Cocoon, Hey Hey My My, Daft Punk, Air, David Guetta, Keren Ann, Sébastien Schuller, Moriarty, Soko, The Do, FM, Syd Matters, Kolja, Yael Naim, etc.

Hélas, l'anglais précocement enseigné à l'école ne va rien arranger à la chose.


 

Gilles Bressand

Président des Victoires de la Musique (en anglais !)

(3 Rue Clairaut - 75017 Paris)

 

 

Tous nommés aux Victoires de la Musique 2008 et pourtant tous anglophones !

 

     

David Guetta, en anglais, Justice en anglais, Bob Sinclair en anglais, Aaron en anglais !

 

 

     

Wax Tailor en anglais, Feist en anglais, Karen Ann en anglais, Yael Naim en anglais !

 

 

   

Daft Punk en anglais, Justice en anglais, Hocus Pocus en anglais  !

 

 

Et        Nagui,

le présentateur des Victoires de la Musique 2008,

comme s'il n'y avait pas assez d'anglais dans l'émission,

en rajoute avec ses « live » pour nous dire que tout se passe en direct,

 et son « medley » pour annoncer un pot-pourri d'un artiste.