« Je n’ai pas de traduction » 

 

BRUXELLES (BELGIQUE)

DE NOTRE CORRESPONDANT

 

BRUXELLES, CAPITALE de la Belgique francophone... sauf dans les institutions européennes. Le trait est un rien caricatural, mais l’anecdote qui suit ne l’est pas. C’était il y a quelques semaines, en salle de presse de la Commission européenne. À la tribune, une Française. Fonctionnaire à la direction générale des affaires économiques et financières, elle entame un discours entièrement formaté... en anglais.

Le cas Barrot

 

Problème ce jour-là, son auditoire n’est composé que de journalistes français. « Pourquoi ne nous parlez-vous pas en français ? », ose-t-on dans la salle. Réponse de l’intéressée « Mon discours a été préparé en anglais et je n’ai pas de traduction en français ».  Et de poursuivre... en anglais ! Le recul du français à Bruxelles est impressionnant.  Alors qu’il y a dix ans les documents diffusés par la Commission étaient d’abord publiés en français, c’est l’anglais qui a pris le dessus dans près de 60 % des cas (contre 28 % pour la langue de Molière et seulement 3,8 % pour l’allemand, pourtant troisième langue de travail officielle). Palpable avant même l’arrivée des dix nouveaux pays, la tendance ne va pas s’améliorer avec l’entrée en fonction de la nouvelle Commission Barroso : près des deux tiers des 25 nouveaux commissaires ne parlent pas ou très peu le français. Un mur d’incompréhension en perspective. Au point que Paris et la Commission ont dû financer en urgence des stages intensifs pour tenter d’inverser la tendance.

Une gageure de plus pour Jacques Barrot, désormais unique commissaire français à Bruxelles. Raillé pour son anglais approximatif Barrot (67 ans) a pourtant retroussé ses manches : cours intensifs depuis six mois et séances de conversations quotidiennes... Maigre consolation pour les francophones contrairement à Romano Prodi, totalement inaudible en français comme en anglais, le nouveau président de la Commission, José Manuel Barroso, est parfaitement trilingue (français, portugais, anglais). Et c’est une Bretonne (Françoise Le Bail) qui lui sert de porte-parole officiel et aura la lourde tâche de défendre la francophonie dans une tour de Babel au bord de l’implosion linguistique. 


Christophe Garach

 

 

Les notes de la BBC

VOUS NE LE SAVEZ PAS, mais pour les Anglais et les Américains, ils sont la « voix de la France ». Leur fait d’armes ? Ils parlent très, très bien l’anglais. Du coup, les télévisions et les radios se les arrachent.  Le premier de la classe s’appelle Hervé Mariton. « Fantastic English », jugent les journalistes de la BBC. Son créneau cet élu UMP de la Drôme, qui parle aussi couramment le russe, est le plus libéral des députés français. Ex aequo : Jacques Myard, député UMP des Yvelines, lui aussi « very fluent », mais dans le style du français gaulliste que les Anglo­Saxons regardent comme une bizarrerie historique. Et aussi Pierre Lellouche, député UMP de Paris, qui a, dit-on à la BBC, « l’avantage de comprendre l’humour anglais ».

À gauche, les chouchous des médias s’appellent Daniel Cohn-Bendit, aussi flamboyant en anglais qu’en français ou en allemand et Claude Allègre. Grosse cote pour Élisabeth Guigou, diplômée en littérature américaine, mais qui refusait de parler anglais en situation officielle lorsqu’elle était ministre. Et aussi pour les deux éléphants polyglottes Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn.
 



Myriam Lévy

 

Source : Aujourd'hui en France, lundi 25 octobre 2004