Ceux
qui savent, ceux qui se battent et... les autres
« OÙ PRENDS-TU tes cours d’anglais ? » La scène se passe avant le Conseil des ministres de mercredi. Lors du
traditionnel café qui précède le rituel de l’Élysée, Frédéric de Saint-Sernin s’adresse à son collègue Xavier Bertrand. Le
secrétaire d’État à l’Aménagement du territoire vient d’apprendre
que son homologue en charge de l’assurance maladie s’adonnait
depuis la rentrée à cette discipline. Comme lui, il est arrivé à la
même conclusion : on ne peut plus être ministre et ne pas maîtriser
la langue de Tony Blair...
« Cela vous isole terriblement ». « Ce n’est pas
indispensable à titre officiel, explique Serge Lepeltier. Dans les
conseils européens ou les entretiens bilatéraux, vous vous exprimez
en français. En revanche, c’est très important pour nouer des
relations personnelles avec vos homologues. Parfois vous avez besoin de
leur parler sans interlocuteur pour régler des problèmes importants ».
Jeudi dernier, le ministre de l’Écologie était à Londres pour
rencontrer son homologue britannique. Lors de la réunion bilatérale, il a donc parlé français, en
présence d’un interprète. Mais pour le dîner moins formel qui a suivi, il s’est
exprimé en anglais (une langue qu’il travaille tous les matins un
quart d’heure). « Une partie de notre boulot est relationnelle,
approuve Laurent Hénart, secrétaire d’État à l’Insertion
professionnelle. Parler la langue universelle est un sacré avantage».
«Si vous ne la maîtrisez pas, cela vous isole terriblement»,
complète Xavier Bertrand, qui prend désormais une heure trente de
cours par semaine et lit tous les jours l’« International Herald
Tribune ».

Note de l'A.FR.AV : tableau
d'honneur ou tableau d'horreur ?
« My wife is afra id.... »
Mais le maniement de la langue
anglaise est loin d’être de tout repos pour nombre de ministres de
Jean-Pierre Raffarin. Hervé Gaymard raconte ainsi avoir eu une sacrée
trouille à l’occasion de son discours de cinquante minutes en
janvier 2003 à Oxford. « C’est même la fois où j’ai eu le plus
les chocottes depuis que je suis ici, confie le ministre de l’Agriculture.
Mais cela s’est bien passé. Mon traducteur avait rédigé mon
discours comme une partition de musique, avec des couleurs. Le prince
Charles en a même repris des morceaux». Xavier Darcos lui non plus n’était
pas sans quelque angoisse avant son déplacement à Washington au
début du mois, où, pour la première fois, il devait enchaîner
discours, déjeuner de presse... en anglais. «Les gens avaient l’air
de comprendre», raconte le ministre délégué à la Coopération, qui
prend lui aussi des cours. Quant à Nicolas Sarkozy, il n’est pas
très doué non plus. Lors d’un de ses récents voyages aux États-Unis, le ministre des
Finances, planchant devant un institut
new-yorkais, a tenté de s’éloigner de son texte. « My wife is afraid because I speak
English without
a paper (NDLR : ma femme a peur, car je parle sans papier) », a-t-il
rigolé.
« Il parle anglais comme un Pakistanais ». Certains vivent des
aventures inverses. Alors qu’ils sont très à l’aise dans cette
discipline, on les interroge, croyant leur faire plaisir, en
français. C’est le cas de François d’Aubert, ministre délégué
à la Recherche, qui en voyage à Nouméa a eu la « désagréable »
surprise d’entendre une interprète traduire la question d’un
journaliste néo-zélandais qu’il avait parfaitement comprise.
Résultat : d’Aubert vexé, lui a répondu en anglais et poursuivi tout
le reste de la conférence de presse dans cette langue. Cela ne risque
pas d’arriver à son ministre de tutelle, François Filon. Pourtant
fils d’une prof d’anglais et époux d’une Galloise, le ministre de l’Éducation,
s’il se risque à lire un discours, ne se lance jamais dans une
conversation. Pas assez de vocabulaire et grammaire hésitante. Lors de
leur première rencontre, son beau-frère britannique avait eu
ce jugement : « Il parle anglais comme un Pakistanais »
Source
: Aujourd'hui en France, lundi 25 octobre 2004