Comment Sarkozy impose le « tout à l'anglais»

Secrétaire de l’académie de la Carpette anglaise et Administrateur de Défense de la langue française, Marc Favre d’Échallens, dénonce la dérive du sarkozysme qui conduit à marchandiser les services publics en imposant de plus en plus massivement l'usage de l'anglais comme langue du management.


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La crise financière et maintenant économique montre en pleine lumière l’indécence de nos   « élites » à vouloir nous imposer le modèle économique mis en place à la fin du 20e siècle dans les pays anglo-saxons, modèle qui est le meilleur des systèmes comme le Titanic était le meilleur des paquebots en 1912…

Ce système se résume, dans une large mesure, à la marchandisation de tous les domaines de l’activité humaine. Il s’attaque maintenant et notamment en France aux structures de type Sécurité sociale et Services publics par la mise en place de la New Public Management qui consiste comme l’on disait en XIIIe siècle à « exposer en proie » tous les domaines de l’activité humaine qui ne sont pas encore privatisés, soit directement par cession, soit par la mise en place au sein même de Services publics de rapports d’échange de type commercial en privilégiant la satisfaction des citoyens pris en leur seule qualité de consommateur ; les tarifs actuels de la SNCF en sont l’illustration édifiante.

La RGPP version française des politiques publiques anglo-saxonnes

La révision générale des politiques publiques (RGPP) mise en place en France depuis l’élection de Nicolas Sarkozy est la version locale de la New Public Management déjà appliquée au Royaume-Uni et que l’on retrouve aussi bien dans le projet de réforme de l’État comme celui de la privatisation annoncée de secteurs entiers de la sécurité publique par «coproduction de sécurité public-privé*». La carte de paiement remplacera alors la carte d’identité comme elle remplace déjà la carte d’assuré social dans les services de soins états-uniens.

Un signe apparent de cette société de proie est l’injonction de l’anglais comme vecteur du changement que l’on retrouve par exemple dans le projet de réforme de l’Ecole Nationale de la Magistrature dont l’un des objectifs est « de permettre aux magistrats de s’exprimer avec aisance en anglais juridique** ». Un magistrat qui parle anglais est-il un meilleur juge ? Tout à l’anglais - tout en anglais, c’est la marque ostentatoire de la soumission à ce nouvel ordre.

Du tout à l'anglais au tout en anglais

Mais ce capitalisme financier ravageur des subprimes avec ses dérives frauduleuses « madoffiennes », en passe aujourd’hui d’imploser, est aussi le produit de l’anglophonisation de nos élites qui ont suivi les mêmes cursus universitaires, qui sortent des mêmes écoles. Écoles qui imposent des filières en anglais, collaborent avec des universités américaines et sont classées et notées par des revues, journaux ou instituts anglo-saxons qui jouent le rôle, mutatis mutandis, des agences de notation financière (cf. le classement du Financial Times des Masters en management).

Là aussi, tout à l’anglais - tout en anglais, cette pensée unique a contribué à la crise actuelle par panurgisme idéologique et linguistique ; aucune pensée indépendante, aucune approche économique novatrice. Car la diversité linguistique, c’est aussi la diversité des pensées et des visions du monde. Tout ce qui n’est pas en anglais est déprécié. L’aliénation linguistique et l’humiliation culturelle ont toujours comme effet l’assujettissement économique et le déclassement social.

Les slogans et publicités pour parler anglais s’étalent sur les murs de nos villes et dans le métro. Nos zélateurs ne rêvent que d’Amérique ; de l’éducation à la sécurité intérieure en passant par le sport et la santé.

Une France bilingue ?

C’est, en fait, la mise en pratique zélée de la volonté affichée par président de la République de faire de la France une nation bilingue*** et de nos enfants des zombies gorgés d’anglais, dociles à la langue des maîtres du moment.
Un monde anglophone ne sera, on le voit, pas le meilleur des mondes sauf à la manière d’Aldous Huxley ou de George Orwell qui est aussi l’inventeur de la « common decency » la décence ordinaire****, celle qui s’exprime par la simplicité dans le comportement et le rejet de l’humiliation de l’autre. L’homme ordinaire ne s’habille pas en Prada, ne roule pas en véhicule tout-terrain et ne souhaite pas que ses enfants deviennent les (petits) maîtres de la globalisation financière et ne parle pas la novlangue.
L’homme ordinaire n’est pas en priorité un consommateur mais un Citoyen ; rude tâche dans notre société globale que de remettre l’homme ordinaire au cœur de la société. C’est, il est vrai, moins drôle, en termes médiatiques, que notre société du spectacle, mais la vraie valeur travail devrait y gagner.
 

* Livre blanc présenté  le 15 décembre 2008 par le ministère de l’intérieur

** Mesure 14 de la réforme de l’ENM.

*** « Le président de la République m'a donné comme mission de faire de la France une nation bilingue » Xavier Darcos 11/09/2007,

**** Bruce Bégout, De la décence ordinaire. Essai sur une idée fondamentale de la pensée politique de George Orwell - Éditions Allia, septembre 2008, 6,10

 

Marc Favre d’Échallens

 

 

Source : marianne2.fr, le dimanche 8 février 2009

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