BHV ? Let’s do business ! (Faisons des affaires !)

 

Presque un an après les élections de juin 2007, le spectre BHV continue de hanter les esprits politiques. Pour beaucoup de néerlandophones, BHV est devenu le symbole de la poursuite de la « défrancisation ». La circonscription électorale et l’arrondissement judiciaire de BHV offre aux francophones, sur le territoire néerlandophone, des avantages dont les néerlandophones ne bénéficient pas en Brabant wallon. Les francophones de Halle et de Vilvorde sont autorisés à voter pour leurs frères francophones à Bruxelles et sont jugés par des magistrats qui s’expriment dans leur langue. Les néerlandophones défendent bec et ongles leur précieux territoire, acquis en 1962 : « Sur notre territoire, pour les actes officiels, notre langue ! ». Tel est le principe de territorialité. Les francophones veulent parler le français partout où ils circulent. A leurs yeux, il s’agit là d’un droit personnel fondamental. Tel est le principe de personnalité. BHV n’est rien d’autre que le résultat de l’affrontement du principe de territorialité néerlandophone et du principe de personnalité francophone. Tant que chaque partie campera sur ses positions, il sera difficile de trouver une solution. Quelle issue peut-on proposer ?

D’aucuns pourraient par exemple insister pour que les néerlandophones acceptent la personnalité des francophones. Ces derniers pourraient alors s’exprimer et être servis en français pour toute question officielle et partout dans le pays. Non seulement dans les communes à facilités, mais également à Gand, Ostende et Hasselt. De la même manière, les néerlandophones pourraient s’exprimer et être servis en néerlandais sur toute la surface du territoire. Non seulement à Bruxelles, mais également à Charleroi, Namur et Arlon. Cela ne requiert « que » le parfait bilinguisme de tous nos fonctionnaires publics. La législation linguistique des années vingt pointait dans cette direction, mais cela s’est cependant avéré inacceptable pour les francophones des années trente, qui ont exigé un système basé sur une dualité mono-linguistique (à l’exception de Bruxelles, qui devient bilingue). Maintenant que les francophones semblent s’éloigner, depuis quelques années, de ces exigences territoriales, il est peut-être l’heure de la deuxième chance : le bilinguisme partout en Belgique, pour toutes questions officielles, administratives, juridiques et politiques.

Trêve de plaisanterie. Soyons réalistes. Il est illusoire d’exiger de tous nos compatriotes francophones qu’ils maîtrisent le néerlandais ou de tous nos compatriotes néerlandophones qu’ils maîtrisent le français. De la perspective d’un francophone, qui communique dans une langue pour ainsi dire mondialement pratiquée et issue d’une énorme tradition culturelle, il n’est pas évident de consacrer du temps et d’investir l’énergie à l’apprentissage du néerlandais. Cela n’est peut-être pas louable. Mais on peut le comprendre. Aussi dynamisantes que soient la langue et la culture néerlandophones, il faut bien admettre que lorsqu’on laisse libre choix à un francophone quant à la pratique d’une seconde langue, celui-ci s’arrête rarement sur le néerlandais. Les néerlandophones peuvent bien crier qu’il le faut, que les francophones vivent en Belgique et que pour cette seule et unique raison, leur seconde langue doit être le néerlandais. Toujours est-il que dans les faits, tel est rarement le cas ; et que nos enfants néerlandophones oublient le français. Jour après jour, francophones et néerlandophones sont donc de moins en moins en mesure de communiquer et de se comprendre.

Dans le monde du commerce, de l’industrie, du tourisme, de la culture, de la recherche et même dans l’enseignement universitaire, il existe une langue qui nous réunirait tous, néerlandophones, francophones, européens et citoyens du monde. Beaucoup d’entre nous utilisent déjà cette lingua franca internationale dans leur milieu professionnel. Il s’agit de l’anglais. Avec l’anglais comme seconde langue, nous pourrions mettre un terme à la problématique BHV, à nos problèmes linguistiques d’une manière générale et tous autant que nous sommes, nous en sentir mieux.

Cessons donc ces discussions linguistiques interminables et envisageons l’avenir de façon pragmatique. Mettons les choses en perspective. Soyons solidaires. Respectons, grâce à l’anglais, le principe de territorialité et le principe de personnalité. Sur le territoire néerlandophone, la première langue officielle serait le néerlandais et sur le territoire francophone, la première langue officielle serait le français. Mais dans le même temps, nous accepterions sur l’ensemble du territoire, tant en Flandre qu’en Wallonie, une seconde langue officielle : non pas le français en Flandre, ni le néerlandais en Wallonie, mais l’anglais.

Chaque Belge devrait donc, outre sa langue maternelle, apprendre l’anglais. Cela est possible. Nous parlons déjà l’anglais. Les néerlandophones investissent de moins en moins de temps dans l’apprentissage du français ? No problem. Qu’ils perfectionnent leur anglais ! Les francophones n’apprennent pas le néerlandais ? Ce n’est rien. Ils peuvent apprendre l’anglais. Car si le français est dans une certaine mesure une langue internationale, l’anglais l’est encore plus. Le « return on investment » pour un francophone serait bien supérieur à ce que lui rapporterait l’apprentissage du néerlandais.

Quel atout pour tous les Belges ! Un pays où toute la population maîtrise l’anglais. Nous serions plus forts et plus présents sur la scène internationale et nous en porterions mieux sur le plan économique. Let’s do business. En interne, nous pourrions laisser voguer les émotions et frustrations linguistiques. Fini le complexe d’infériorité du néerlandais. Finie la supériorité du français. L’anglais deviendrait notre langue commune, le lien entre les Flamands et les Wallons. Nous pourrions nous parler et nous comprendre. Enfin.

 

Alain Verbeke Professeur ordinaire aux Universités de Leuven et Tilburg,

Visiting Professor of Law à Harvard,

avocat au barreau de Bruxelles

 

 

Source : LeSoir.be, le mardi 27 mai 2008

Possibilité de réagir à l'adresse :

http://www.lesoir.be/forum/cartes_blanches/carte-blanche-bhv-let-s-do-2008-05-27-601196.shtml

 

 

 

Réactions :

 

Vicky2 : Un vrai flamingant ; une fausse bonne idée

Comme il se sent incapable d'imposer le néerlandais ( langue sous-régionale) face au français langue internationale et de grande culture alors il propose aux francophones d'abandonner cette grande culture et de s 'angliciser. Étant moi-même de culture anglaise, je puis affirmer que cette proposition n'est autre que du flamingantisme habillé ou travesti en solution « de la raison ».CE qu'on demande c'est le respect des populations de leur culture. La périphérie de Bruxelles n'est pas flamande et les habitants vous le hurlent à chaque élection depuis 45 ans et si vous êtes un démocrate (ace dont je doute) respectez cette volonté et finissez-en avec vos discours qui puent l'etnico-racisme.

 

 

Asti :Verbeke

Visiblement, ce pauvre M. souffre du « complexe du converti ». Il est prof (visiteur) à Harvard et en est très fiers au point que, tout « intellectuel » qu'il est, il ne pense que affairisme et anglais partout. N'a-t-il jamais lu un livre sur la diversité linguistique, ses atouts, ses avantages? Ignore-t-il le lien étroit qui existe entre langues et cultures? Si les flamands veulent faire de l'anglais la langue officielle de leur nouvel État indépendant, qu'ils le fassent, visiblement, à ce niveau ils n'ont plus grand chose à perdre. Triste carte blanche pour un « intellectuel  ».