Le ministre-président Wallon évoque "l'encerclement flamand autour de Bruxelles"

 

Van Cau réfléchit tout haut. Si la Flandre reprend ses billes, il faudra franciser Rhode, commune flamande, pour créer un couloir entre Wallons et Bruxellois.

Rhode-Saint-Genèse en Wallonie ?


Dimanche midi, Jean­Claude Van Cauwen­berghe (PS), le ministre-président de la Région wallonne, était l’invité de Pascal Vrébos, sur RTL-TVi. À l’écran, quelques images du Gordel (la ceinture, en français), cette annuelle promenade politico-cycliste autour de Bruxelles, destinée pour beaucoup à s'aérer les bronches, destinée à l’origine à rappeler le «caractère flamand de Bruxelles.»
Interrogé à ce propos, Van Cau évoque son peu de goût pour l’événement, marquant, dit-il, l’«encerclement flamand autour de Bruxelles, qui est quelque chose qu’il faudra un jour briser.»
Point-barre. La petite phrase s’évapore dans le générique.
On passe à autre chose.
Rappelé l’après-midi, le Premier wallon nous a précisé le sens qu’il donnait au juste à cette déclaration, tout sauf anodine.
J’ai réagi à chaud, jette-t-il d’emblée. J’ai réagi à des images montrant des Flamands se glorifiant de tourner autour de Bruxelles...
Deuxième fournée de précautions : ni Elio Di Rupo, ni moi, ni le PS, ni aucun francophone, ne souhaite une nouvelle aventure institutionnelle. Il faut laisser mûrir le fédéralisme. Nous ne voulons pas le séparatisme. Mais, nous, Wallons et Bruxellois, nous ne pouvons pas être belges tout seuls. Sur l’avenir du pays, je vous dirait même que je suis moins pessimiste que Charles Picqué. Mais l’évolution des débats, ces derniers mois, la pression des Flamands, leurs revendications sur la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde, leurs revendications institutionnelles comme la régionalisation de la fiscalité des entreprises — l’Europe essaie de lutter contre les disparités fiscales et la Flandre, elle, en créerait de nouvelles ! — tout ça, ça amène forcément un homme politique comme moi à réfléchir. Et je ne peux m'empêcher de réfléchir aux implications d’une Flandre qui reprendrait ses billes, qui attaquerait la solidarité, la Sécurité sociale, au point que nous ne pourrions plus vivre en commun...


«Nous ne voulons pas le séparatisme. Mais Bruxellois et Wallons ne peuvent être belges tout seuls»

La réflexion, la voici Si la Flandre obtient son indépendance, nous n’admettrons pas de coupure entre Bruxelles et la Wallonie. Le fait est là : il n’y a pas, aujourd’hui, de continuité territoriale entre Bruxelles et la Wallonie. Il faudrait donc créer un couloir...
À quoi pense-t-il ? À Rhode­Saint-Genèse ? À cette commune flamande pouvant faire le lien entre le sud de Bruxelles et le Brabant wallon ? Et qu’il s’agirait de franciser ?
Réponse : évidemment.
Rhode est une commune flamande, à facilités pour les francophones. Il faudrait donc modifier son statut, et ainsi, l’annexer à la Région wallonne (ou... bruxelloise) pour créer un couloir entre les deux régions.
Politique-fiction ? Bien sûr. Je me borne à réfléchir à laisser galoper mon mental. Mais je pense aussi que nous ne pouvons tout accepter. Et que rester ensemble ne doit pas signifier plus de Flandre et moins de Wallonie et moins de Bruxelles. Une chose est certaine : si la Flandre devait prendre son indépendance, les Wallons n’accepteraient pas que Bruxelles reste enclavée en Flandre. Voilà... C’est une réflexion de Wallon, pas demandeur de séparatisme, mais décomplexé. Je n’avance aucune revendication nouvelle. Je dis que, si la Flandre va trop loin, il y aura des mesures à prendre pour ne pas rompre le lien entre les Régions bruxelloise et wallonne.

 

 


«Je fais galoper mon mental. Les Wallons n’accepteront pas que Bruxelles reste enclavée en Flandre »

Dans la foulée, le chef du gouvernement régional wallon étrille Louis Miche !, ancien patron du MR. Celui-ci a relancé la (vieille) idée de fusionner la Région wallonne et la Communauté française (nos éditions de la semaine passée) .Il dit que, ainsi, en fusionnant les deux entités, en fusionnant les deux gouvernements, les francophones présenteraient un front uni devant les Flamands. C’est évidemment tout le contraire qui risque de se passer puisqu’il n'y a pas de consensus, entre francophones, à propos de ce scénario (le PS est contre, CDH et MR sont pour, NDLR).
Sa proposition est un coup tactique, visant à essayer de semer le trouble et la division dans les majorités PS-CDH. À l’heure où les Flamands chargent sur l’institutionnel,je ne trouve pas cela très opportun... C’est, de la part de Louis Michel, un pur jeu politicien... 

 

 

Pierre Bouillon

 

Source : Le Soir, journal du lundi 6 septembre 2004