Confédéralisme
et concubinage peuvent faire bon ménage
Lorsqu’on
met face à face l’actuel président du parlement wallon, Robert
Collignon (PS) et le ci-devant ministre-président flamand, Luc Van
den Brande (CD&V), l’on n’est, évidemment, pas étonné de
constater une certaine concordance dans leurs analyses face à l’évaporation
de la Belgique, même s’ils ne sont, forcément, pas d’accord sur
tout.
Le Cercle franco-wallon de Paris, dans le cadre de sa mission d’information
au bon peuple de France sur le sentiment réunioniste wallon (et
bruxellois), les avait donc réunis lundi soir dans une petite salle du
Sénat dans la capitale française. À en croire l’ancien ministre
gaulliste Jean Charbonnel qui tira les conclusions de la soirée, le
débat fut courtois, éclairé, lucide, mais sans concessions. En
amenant deux ténors, certes un peu moins à l’avant-scène dans
leurs partis respectifs, Claude Jadoul et ses amis ont voulu montrer au
public français combien à leurs yeux, l’unité belge n’était plus
que de façade. Et qu’il faudrait donc un jour en arriver à la
conclusion qu’il n’y a plus moyen de vivre ensemble dans la maison
Belgique.
Rusés comme deux vieux matous, Robert Collignon et Luc Van den Brande
ont, évidemment, évité le vocabulaire choquant. Pas question de
montrer une certaine attirance pour le séparatisme mais plutôt
insister sur l’inéluctable confédéralisme qui ferait dans l’Europe
de demain, de la Flandre et de la Wallonie des partenaires quasi
obligés.
En fait, il faudrait donc se séparer pour mieux apprécier les plaisirs
d’un concubinage. Se présentant comme un Flamand éclairé, l’ancien
ministre-président se dit favorable à ce que sa région et la Wallonie
collaborent encore ensemble quand bon leur semblerait. On est donc loin
du divorce... Pince-sans-rire, Luc Van den Brande admettra qu’il n’est
pas sympathisant du rattachement de la Flandre à la France.
Au contraire, avec le brio qu’il faut lui
reconnaître, Robert
Collignon décrivit une Belgique connaissant les névroses anxieuses
face à son délitement. Et de souligner, «con amore», les
différences croissantes entre le nord et le sud. Un fossé de plus en
plus abyssal entre des Flamands qui n’aiment plus la Belgique, mais qui
continuent à la contrôler et des francophones qui l’aiment encore,
mais qui ont peu à y dire. Et de s’en prendre à la Communauté
française qui empêche la Wallonie de s’épanouir tout en attaquant
Hervé Hasquin au passage pour avoir osé s’attaquer à certains
mythes du Mouvement wallon.
Sa conclusion coule de source : nous n’avons pas vocation à la
soumission, encore moins au protectorat. C’est quelquefois de la
minorité traitée avec irrespect que surgissent des signes d’exaspération
qui peuvent se muer en volonté de séparation.
Christian
Laporte
Source
: Le Soir, journal du 11 février 2004