Le
rockeur français a "cassé la baraque" au Festival de Baalbeck
Johnny
au Liban, trente-cinq ans après
Expulsé
du pays dans les années soixante, l’idole des jeunes (et des moins
jeunes) est revenue triompher dans les ruines millénaires du temple de
jupiter
C
'est par un pied de nez à ses mésaventures passées au Liban que
Johnny Hallyday, le roi du rock français, a ouvert samedi soir son
concert dans les ruines millénaires de Baalbeck devant des milliers de
jeunes enthousiastes.
« Ma venue au Liban a été si longtemps compromise, mais je suis enfin
parmi vous », a-t-il clamé dès son entrée en scène sur les marches
du temple romain de Jupiter, pour l'avant-clôture de sa tournée «
Spécial 60 ans ».
Il voulait par là rappeler à son public de «croulants» et apprendre
aux plus jeunes qu’au milieu des années soixante, le ministre de l’Intérieur
de l’époque, le puritain chef druze Kamal Joumblatt, l’avait fait
expulser manu militari du Liban, sous prétexte que ses chansons et sa
tenue sur scène constituaient une « atteinte aux bonnes moeurs ».
Trente-cinq ans plus tard, Johnny, devenu sexagénaire, a pris sa
revanche en faisant « twister », « rocker », « woogi boogi »,
près de 4 000 personnes, en majorité des femmes et des jeunes. Dès la
première chanson, le slow « Que je t’aime! », le public commence à
se dandiner.
À « Fils de personne », il monte sur les chaises, et lorsque
surgissent les premiers rythmes rock de « Qu’est-ce qu’elle a ma
gueule ? », les jeunes assis au haut des gradins, les places les moins
chères, basculent vers le bas et se précipitent à l’avant-scène,
où sont lotis des officiels. Dès lors, tous les spectateurs suivront
le concert debout, reprenant en coeur ses anciens tubes comme « Carole
», « Tennessee « Gabrielle », « Retiens la nuit » ou « Le
pénitencier ».
Mais Johnny découvrira avec surprise qu’au Liban, où la chanson
française a cédé la place aux Anglo-Saxons, les jeunes connaissent
par coeur jusqu’aux paroles de son dernier tube, « M’arrêter là
», composé pour sa dernière épouse, Laetitia.
Malgré sa double fracture à la hanche, qui lui donne désormais l’air
figé d’une statue du Commandeur, Johnny, ravi par l’enthousiasme du
public, esquissera quelque pas de twist et de woogi boogi, avant de s’accrocher
au micro pour reposer ses longues jambes.
Le spectacle étant sans entracte, un intermède d’un air du Caruso,
chanté par le choriste italien Francesco Verekia, calme un temps le
public.
Mais les trépignements recommencent de plus belle lorsque Johnny, ayant
repris son souffle, entame « Aussi dur, minuit seul », et provoque des
«oui ! oui !» coquins chez les femmes quand il chante « Voulez-vous
passer la nuit avec moi ?».
Aux trois-quarts du spectacle, il fera ovationner sa marraine de scène,
Line Renaud, 75 ans, star du Music-hall des années 50 et 60, devenue
actrice, à qui il dédie une interprétation du «Loving You», d'Elvis
Presley.
Mais contre toute attente, il n arrivera pas à mobiliser son public «
contre toutes les guerres » avec son « Essayer l’amour », qui sera
la moins applaudie de son répertoire.
À la sortie, paradoxalement les jeunes sont enthousiastes et les baba
cool beaucoup moins. « Je suis déçu, Johnny ne m’a pas fait vibrer
après toutes ces années », regrette Kamal, un rescapé des années
twist, devenu yogi à Katmandou et reconverti aux plantes médicinales.
« Moi je me fous des jugements de valeur. Avec sa gueule, sa gouaille
quand il prononce, comme s’il le crachait, le mot “amour”, Johnny
était ce soir l’empereur romain du festival », rétorque Nadia, 20
ans, étudiante en architecture.
Samedi soir, Johnny, était en tête du palmarès des entrées du
Festival de Baalbeck.
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Johnny au Liban (photo AFP) |
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Source : Midi Libre, journal du
lundi 4 août 2003