Sommet de Cotonou :
Quand francophonie rime avec démocratie
Du 2 ou 4 décembre 1995 s’est réunie à Cotonou (Bénin) la VIe Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays « ayant le français en partage ». Dans une atmosphère chaleureuse et fraternelle, ce sommet a été l’occasion pour la francophonie, et ses 49 membres, d’affirmer sa dimension politique et son rôle sur la scène internationale. Une étape clé dans la construction de cette communauté qui se veut solidaire et active.
« La francophonie n’est pas seulement un constat, un outil, une chance de promotion pour nos peuples. Elle est un idéal politique », a proclamé avec ferveur le Président français, Jacques Chirac, à l’ouverture du sommet. La langue « que nous partageons, a-t-il continué, prédispose à une certaine vision des rapports entre les hommes et entre les communautés. Une vision qu’inspirent les valeurs de la solidarité, de la fraternité ; un sens de l’universel ».
Le ton était donné. Restait au sommet à doter le mouvement des moyens d’exprimer sa dimension politique. C’est ce qu’il a fait en créant un poste de Secrétaire général. Représentant officiel de la francophonie sur la scène internationale, ce porte-parole sera élu pour quatre ans lors du prochain sommet. Il aura aussi à animer et à coordonner les actions multilatérales de coopération francophones. M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général des Nations unies, a chaudement approuvé cette innovation, « bénéfique à la démocratisation et à la diversité des relations internationales ». La francophonie aura ainsi, comme s’en félicitait Jacques Chirac, « un visage, une voix et une autorité ».
Éducation de base et inforoutes
De gauche à droite, le président français Jacques Chirac, la secrétaire d’État déléguée à la francophonie Margie Sudre, le ministre des Affaires étrangères Hervé de Charette et le président de Bénin Nicéphore Soglo.
Réaffirmant avec conviction les principes de la coopération francophone, les 49 pays, qui ont adopté plusieurs résolutions, ont décidé de concentrer les programmes autour de cinq thèmes : « un espace de savoir et de progrès », « un espace de culture et de communication », « un espace de liberté et de démocratie », « un espace de développement » et «ala francophonie dans le monde ». Un choix qui permet d’éviter le saupoudrage des crédits tout en maintenant un réel multilatéralisme. En vedette : l’éducation de base, souvent menacée bien que prioritaire, et les nouveaux réseaux de communication.
« On ne parle plus que d’Internet. On n’écrit plus que sur Internet. Il y a là un enjeu capital pour la langue française et la francophonie : technologique, économique, financier, culturel, social, pour tout dire politique », a rappelé le Président sénégalais Abdou Diouf. Ce qu’a confirmé Jacques Chirac, pour qui cette révolution de l’information recèle le danger « de voir se creuser encore, et de manière irréversible, l’écart entre pays riches et pays pauvres », mais aussi celui de « l’uniformisation culturelle ». Tout en refusant « un bras de fer avec l’anglaisa», le président français a appelé « la francophonie à prendre la tête d’une vaste campagne pour le pluralisme linguistique et la diversité culturelle sur les inforoutes ». À ce titre, les participants ont inscrit dans la Déclaration de Cotonou leur volonté de promouvoir concrètement un espace francophone dans ce domaine.
Les pays se sont aussi particulièrement concertés sur la prévention diplomatique des conflits et l’aide au développement. La francophonie s’est engagée, selon l’axe donné au sommet par le Bénin et son Président, Nicéphore Soglo, à œuvrer en faveur d’un développement durable et visant à éradiquer la pauvreté. Elle entend propager ainsi une certaine idée de la solidarité et la consolidation de l’État de droit.
À la clôture du sommet régnait un climat d’optimisme. D’autant que Jacques Chirac a promis de compenser les 180 millions de francs (36 millions de dollars) gelés récemment dans le budget 1996 de l’action culturelle extérieure française, et annoncé que « les fonds de l’action francophone ne seront plus amputés ». Rendez-vous a enfin été pris pour le VIIe Sommet de 1997, à Hanoï (Vietnam). Une première pour l’Asie et la preuve de l’universalité de la langue de Montaigne. Celle aussi de Léopold Sédar Senghor, Tahar Ben Jelloun, Gilles Vigneault, Cioran ou Norodom Sihanouk.
Florence Raynal