9e  SOMMET  DE  LA FRANCOPHONIE

(À Beyrouth au Liban)

 

9SOMMET  DE  LA 

FRANCOPHONIE

À  BEYROUTH

LE  18, 19 et  20  octobre  2003

 

(Photo, MAXPPP : M. Chirac et son homologue libanais M. Lahoud)

  Paradoxe

Le sait-on encore dans l'Hexagone ? Le français est langue d'ouverture et de résistance.

Ouverture au monde moderne de l'Afrique, où 24 États la parlent. Cette langue y est non seulement une clé d'accès aux réseaux des pays développés, de Marseille à Montréal, de Genève à Paris, mais aussi vecteur du rayonnement de la pensée africaine. Langue de résistance, aussi.

Dans l'océan anglophone nord-américain, Québécois, Acadiens, Louisianais ont maintenu l'héritage d'un pays qui les avait abandonnés. Les Suisses romands du Jura se sont battus dans la rue pour faire valoir leurs droits linguistiques face à Berne.

En Algérie, la population, la presse, l'université ont évité que l'arabisation n'efface l'acquis culturel d'une langue devenue vecteur d'égalité avec l'ancien colonisateur. Paradoxe: pendant ce temps les Français, culpabilisés par le passé colonial, fascinés par le grand fourre-tout anglophone, paraissent tétanisés. Ils se ruent sur le premier anglicisme venu. Leur Académie en est encore à considérer leur langue comme un chef d'œuvre en péril. Leurs scientifiques et patrons s'affichent anglophones en plein Paris. Le français hors de France résiste et s'enrichit à leur insu. Le mérite de Chirac est de donner à cette langue une vocation : porter la voix du monde en développement. Et un horizon : refuser l'uniformité anglophone. Il lui restera, à son retour, à rappeler à ses concitoyens que leur langue, c'est leur liberté d'être.

Gabriel LÉON

 

Source : Midi Libre, journal du samedi 19 octobre 2002

 

La Francophonie se veut communauté exemplaire.

 

Refus des recours à la force illégitimes, alternative au « tout-anglais »

 

La francophonie est un sujet cher à Jacques Chirac. Jadis outil déterminant de l'influence de la France, elle est devenue un moyen d'échange et d'élaboration d'une culture commune, tentative d'une alternative au « tout anglais ». Aussi au IXe sommet de la francophonie qui s'est ouvert hier à Beyrouth - pour la première fois en terre arabe -, la communauté des pays représentés a-t-elle pris à bras le corps les grands problèmes du temps : la question irakienne et proche-orientale, le développement, la mondialisation.

L'Irak, d'abord. S'exprimant en ouverture du sommet, Jacques Chirac a mis en garde contre « les tentations aventuristes » pour régler les conflits actuels, la crise Irakienne au premier chef, et a souligné que la « logique du droit » devait prévaloir. « La Francophonie a vocation à faire progresser la paix », a-t-il lancé devant les représentants de 55 pays et provinces francophones.

« Le dialogue des cultures, facilitant le partage des expériences humaines, est le meilleur antidote au risque d'un choc des civilisations. Il nous aidera à poser les fondements d'une paix durable. Mais il nous faut aussi agir pour mettre fin aux conflits actuels », a estimé Jacques Chirac. « Dans le monde moderne, le recours à la force ne saurait être qu'un ultime et exceptionnel recours. Il ne saurait être admis qu'en cas de légitime défense ou de décision des instances internationales compétentes », a réaffirmé le président français à l'adresse des Américains.

« Qu'il s'agisse de faire respecter ses obligations par l'Irak, de relancer le processus de paix israélo-palestinien ou de régler les conflits en Afrique, la même logique du droit doit nous inspirer ».

Une nouvelle mise au point de la France au moment où les tractations au Conseil de sécurité de l'Onu semblent progresser vers un compromis franco-américain sur une résolution relative au désarmement irakien. Les États-Unis accepteraient qu'une éventuelle intervention militaire contre l'Irak, dans l'hypothèse d'un manquement grave de Bagdad à ses obligations, n'intervienne qu'après une réunion du Conseil de sécurité.

Le président libanais Émile Lahoud, hôte du sommet, a fait écho aux mises en garde de Jacques Chirac, en ciblant ses attaques contre Israël, qu'il a accusé de « terrorisme d'État ». Pour Lahoud, les arguments invoqués à l'appui d'une action contre l'Irak « resteront peu convaincants aussi longtemps qu'Israël, qui s'est doté de l'arme nucléaire, continuera d'ignorer impunément un grand nombre de résolutions votées par l'Onu depuis 1948 ».

Tempérant la tonalité polémique de l'intervention du président libanais, Chirac a dit que « le monde est solidaire du peuple américain », mais qu'il combattra aussi « ces injustices, ces frustrations et ces fléaux qui servent de prétexte aux terroristes ».

Le président français a ainsi proposé que la Francophonie affirme sa vocation politique, définie à Hanoi en 1997, et s'engage plus dans des missions de médiation et de prévention. Les participants réaffirmeront dans une déclaration finale, leur préoccupation face à la persistance de la menace terroriste. Pour la première fois, le président algérien Bouteflika participe, bien que l'Algérie ne soit pas membre de l'Organisation internationale de la francophonie. Il a affirmé que « l'arabité » de son pays était « suffisamment affirmée pour ne courir aucun risque » avec le français. Le patron de la Ligue arabe, l'Égyptien Amr Moussa, a dit que la coopération entre francophonie et arabité fera barrage à la haine.

Le Premier ministre canadien Jean Chrétien a, quant à lui, insisté sur la nécessité d'une convention internationale protégeant la diversité culturelle face à la mondialisation commerciale. À ce sujet, Jacques Chirac a suggéré aux pays francophones l'ambition, en plaidant pour la diversité culturelle face à la mondialisation, d'inventer « une éthique universelle ». Il a proposé que le prochain sommet, en 2003 à Ouagadougou, soit consacré au développement durable.

M. Chirac s'est également « engagé à ce que l'éducation soit une priorité de l'augmentation de l'aide publique au développement de la France ». Enfin, il a proposé la tenue à Paris en 2006 d'un « festival des cultures du monde francophone ».


Source : Midi Libre, journal du samedi 19 octobre 2002

 

 
 

Même face au terrorisme, l'exemplarité du droit.

 

  Chirac : « Bafouer les principes» serait «faire le jeu » de l'adversaire.

 

La francophonie en sommet à Beyrouth est partagée entre deux urgences :
l'urgence politique, qui lui commande de peser de tout son poids dans la résolution des conflits en cours, et l'urgence fonctionnelle, qui lui commande de travailler à approfondir la coopération entre les pays de langue française.

Le volet politique a été dominé hier par la question du terrorisme lors d'un débat à huis clos des dirigeants francophones. Les responsables de 55 des 56 pays de la communauté francophone - seule l'île antillaise de la Dominique est absente - ont débattu des thèmes de la situation au Proche-Orient et en Afrique, mais surtout de la lutte antiterroriste.

Bien que les débats fussent à huis clos, le circuit de télévision interne du sommet les a montrés discutant dans les salons d'un grand hôtel du front de mer.

On a ainsi pu voir le président algérien Abdelaziz Bouteflika, dont le pays n'appartient pas à l'Organisation internationale de la Francophonie, mais qui est l'invité des autorités libanaises.

Ces discussions étaient, selon le porte-parole du sommet, Charles Rizk, à chaque fois introduites par des interventions liminaires présentées par un chef d'État. Les participants au sommet ont tout d'abord entendu une allocution du président français Chirac qui les a appelés à mener une lutte «asans merci » contre le terrorisme « dans le respect des droits de l'Homme et des règles de l'État de droit ». «Après les odieux attentats de Bali ou au Yémen, je souhaite redire notre détermination face au terrorisme », a-t-il dit. Comme pour la question irakienne, Jacques Chirac a souligné la primauté du droit international et de l'ONU dans cette « croisade ». « Prendre prétexte du terrorisme pour bafouer ces principes serait faire le jeu de ceux-là mêmes que nous prétendons combattre », a-t-il estimé.

Les dirigeants ont ensuite écouté un discours sur la situation au Proche-Orient du président libanais Émile Lahoud qui, dès le début du sommet, avait exprimé avec force la condamnation de principe par les pays arabes de toute attaque militaire contre l'Irak et stigmatisé l'attitude d'Israël envers les Palestiniens. Puis ils ont entendu un rapport du président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou N'guesso, sur « la paix et la sécurité en Afrique ».

 Un vaste sujet.

Le président de la Confédération helvétique Kaspar Villiger a, pour sa part, évoqué « l'action politique de la francophonie, grâce à une action plus importante de son secrétaire général et une meilleure coopération dans le cadre de l'ONU ».

Le débat sur le conflit israélo-arabe a été « extrêmement riche » et la position libanaise reprenant la position arabe de relations normales avec Israël en échange de la restitution des territoires et d'un règlement global de la question palestinienne a été « écoutée avec sympathie ».

Le sommet s'achèvera par l'adoption d'une déclaration finale et la désignation, par consensus, d'un secrétaire général de l'Organisation Internationale de la Francophonie, en remplacement de l'ancien secrétaire général de I'ONU Boutros Boutros-Ghali. Le favori est l'ancien président sénégalais Diouf. L'autre candidat est l'ambassadeur du Congo-Brazzaville en France, Henri Lopès. Les délégations travaillent sur le fonctionnement de la francophonie, un ensemble de 600 millions de locuteurs, soit 10 % de la planète. La communauté francophone mondiale avec un budget global annuel de 130 M€, dispose de nombreux programmes à destination des pays du Sud dans les domaines universitaires et de l'information en particulier.

Ce budget est financé à 80 % par la France, le reste étant fourni par le Canada et le Québec, la Belgique et la Suisse.
L'agence internationale francophone met en œuvre des programmes de coopération dans les domaines culturel, des nouvelles technologies, de l'appui à la presse écrite, du développement durable et du renforcement de l'État de droit. Une agence universitaire, une association de maires, une télévision internationale (TV5) et l'université internationale en langue française Senghor d'Alexandrie, en Égypte, complètent une panoplie souvent jugée encore insuffisante.


Source : Midi Libre, journal du dimanche 20 octobre 2002

 

 

  La francophonie, un partenaire décidé, dans l'arène internationale.

Appui au plan arabe de paix, rôle primordial de I'ONU.

 

Les dirigeants francophones se sont prononcés, hier, pour la clôture du sommet de la Francophonie à Beyrouth, sur des problèmes de politique internationale. Ils ont affirmé être contre l'automaticité d'une attaque contre l'Irak et ont appelé à une solution négociée en Côte d'Ivoire et au Proche-Orient. Un sommet qualifié de « tournant historique » par le Liban.

En effet, les responsables de 55 pays et provinces des cinq continents ont inclus dans leur déclaration finale un passage sur l'Irak qui défend « la primauté du droit international et le rôle primordial de l'Onu » et appelle Bagdad « à respecter pleinement toutes ses obligations ».

Toutefois, les pays francophones ont condamné « énergiquement » le terrorisme, tout en insistant sur la nécessité de lutter contre ce « fléau » dans le respect des droits de l'homme. Ils ont donné également leur appui au dernier plan arabe de paix, qui constitue, selon eux, « le cadre le plus approprié pour arriver à une solution juste, durable et globale dans la région » du Proche-Orient. Par ailleurs, les francophones ont rejeté « la tentative de prise de pouvoir par la force et la remise en cause de l'ordre constitutionnel en Côte-d'Ivoire », qui a contraint le président Gbagbo à annuler sa participation au sommet.

Le sommet a aussi été marqué par un net rapprochement de l'Algérie avec la famille francophone mondiale.

Le président libanais Émile Lahoud s'est félicité de ce que la francophonie ait porté à sa tête « un fils de l'Afrique ». L'ancien président sénégalais Abdou Diouf a été élu hier secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Enfin, Jacques Chirac s'est entretenu hier soir à Damas avec son homologue syrien Bachar Al-Assad, poursuivant ses consultations avec les dirigeants du Moyen-Orient sur le conflit israélo-palestinien et la crise irakienne.


Source : Midi Libre, journal du lundi 21 octobre 2002

 

 



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