Il faut rendre à Mitterrand...

Frédéric Mitterrand et Jacques Legendre.

 

Je ne saurais trop remercier notre locale de Cambrai d'avoir hier fait état, dans son « Billet du jour » (1), des réserves que Frédéric Mitterrand a émises, alors qu'il visitait l'abbaye de Vaucelles, sur l'appellation "Learning Center" (2).

Si le projet d'accueillir dans ces lieux empreints de spiritualité une bibliothèque spécialisée en faits religieux et des sessions de formation universitaire en sciences des religions a semblé au ministre de la Culture « une idée merveilleuse », il n'en a pas moins regretté le nom que le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais – que je n'appellerai plus, à dater d'aujourd'hui, que "Regional Council" – a cru devoir reprendre pour ces bibliothèques du XXIe siècle (3).

Et encore bravo pour la promotion de notre langue ! Je n'imaginais pas que la Région pût, en ce domaine, faire plus mal qu'un État qui, dans le sillage des Pécresse et des Kouchner, pour m'en prendre aux saints plutôt qu'à Dieu, me semblait avoir mis la barre très bas. Il faut croire que l'on pouvait encore ramper, la preuve !

Je ne prévois que trop ce que l'on va m'objecter. Que le concept est international, que l'expression n'a pas sa pareille en français, qu'une traduction littérale (« centre d'apprentissage ») ne rendrait en rien compte de l'originalité de l'entreprise. Parce qu'en anglais, sans doute, l'expression est originale ? Quant aux commissions de terminologie, elles ont donc été créées pour les chiens ? Ont-elles seulement, pour l'occasion, été consultées ?

Notre langue, celle de Voltaire et de Zola, celle dont Rivarol chantait l'universalité, celle dans laquelle ont été rédigés les droits de l'homme, est-elle si pauvre, si arriérée, si atrophiée qu'elle ne puisse trouver d'équivalent à une formule qui fleure moins la culture que le magasin de bricolage du coin ?

À l'heure où notre ministre de l'Éducation nationale, Luc Chatel, propose de faire apprendre l'anglais aux enfants de trois ans, ne serait-il pas plus judicieux, et pour tout dire plus efficace, de ne plus leur enseigner que la langue de Shakespeare ? Pour peu, de toute façon, que le savoir-faire français trouve encore à s'exercer dans certains secteurs – l'architecte Dominique Perrault vient de remporter le premier prix d'un concours pour la construction d'un édifice emblématique sur le campus de l'École polytechnique fédérale de Lausanne –, le « faire savoir », lui, reste la chasse gardée de l'anglo-américain : le bâtiment sera baptisé "Teaching bridge" (4) !

J'aurais aimé avoir là-dessus le sentiment de Jacques Legendre, ex-maire de Cambrai, ancien conseiller régional, actuel président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, et grand défenseur de la cause francophone devant l'Éternel.

Aux pieds de Frédéric Mitterrand, je voudrais déposer, à défaut du 7 d'or que l'on ne me décernera jamais, et devant les séides de l'anglomanie triomphante, un peu de ma considération. Il n'en a que faire, et je lui accorde volontiers que c'est là payer bien chichement son si salutaire sursaut de bon sens. Du moins est-elle sincère et sans arrière-pensée aucune.


(1) 
http://www.lavoixdunord.fr/Locales/Cambrai/Bonjour/2011/02/24/article_do-you-speak-le-francais.shtml
(2) Ou "Learning Centre", on ne sait pas très bien s'il faut adopter la graphie anglaise ou l'américaine. Gageons que cette dernière l'emportera !
(3) Trois autres sont prévues dans le Nord-Pas-de-Calais.
(4) 
http://www.24heures.ch/vaud-regions/actu-vaud-regions/learning-center-teaching-bridge-2011-02-01

 

 

Source : alafortunedumot.blogs.lavoixdunord.fr, le 25 février 2011

Possibilité de réagir sur :

http://alafortunedumot.blogs.lavoixdunord.fr/archive/2011/02/24/titre-de-la-note.html

 

 

 

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Écrire :

 

à Frédéric Mitterrand :

http://www.culture.gouv.fr/culture/comment-ministre.htm

 

 

au Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais

http://www.nordpasdecalais.fr/default.asp?rub=contact

 

 

 

 

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