Abdou Diouf :

 « Oser parler français, même si ce n'est pas dans le vent »

PARIS - Le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, déplore le déclin de la langue française dans les organisations internationales et exhorte à « Oser parler français, même si ce n'est pas dans le vent », avant un sommet de son organisation ce samedim à Montreux (Suisse).

 

Le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, le 15 octobre 2010 à Paris.

AFP/Archives/Joel Saget

 

« Il y a un problème de volonté politique », constate l'ex-président sénégalais dans un entretien à l'AFP.

« Tous les ans, nous formons au français 12000 à 13000 fonctionnaires, notamment de pays d'Europe centrale et orientale. Ce que nous constatons, c'est que malgré cette formation, le français n'est pas plus utilisé au niveau de l'Union européenne », déplore-t-il.

« Si les quinze États à la fois membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et membres de l'Union européenne -- donc la majorité -- parlaient français, le français gagnerait ses lettres de noblesse en Europe. Mais ce n'est pas le cas », regrette-t-il, alors que la chef de la diplomatie de l'UE, la Britannique Catherine Ashton, a été critiquée dans le passé pour ne parler qu'anglais.

« L'anglais est dans le vent, c'est une sorte de solution de facilité. Malheureusement nous constatons que même des hauts fonctionnaires de nos pays membres se laissent aller à cette solution de facilité et ce n'est pas acceptable », juge Abdou Diouf.

Pourtant les pays membres de la Francophonie avaient signé en 2006 un vade-mecum dans lequel ils s'engageaient à parler français à chaque fois qu'il ne s'exprimaient pas dans leur langue nationale, rappelle le secrétaire général.

« Il faut oser parler français, même si ce n'est pas dans le vent », dit-il.

D'un autre côté, assure le secrétaire général, « le français est demandé à travers le monde et nous n'avons même pas les moyens de répondre à la demande » de davantage de lycées ou centres culturels français.

Et ce, alors que des défenseurs du français - politiques, diplomates ou universitaires - appellent régulièrement les pays francophones, au premier rang desquels la France, à investir plus d'argent dans l'éducation, les projets culturels et les médias.

Par ailleurs, le secrétaire général déplore l'absence de l'Algérie, « pays très francophone », qui n'est pas membre de l'OIF qu'elle perçoit comme une extension de la sphère d'influence de son ancienne puissance coloniale.

Abdou Diouf se déclare aussi favorable à l'entrée d'Israël, mais reconnaît qu'« il y a des États qui ne sont pas d'accord ».

Il justifie l'ouverture à des pays de moins en moins francophones : « Il y a des pays qui, sans avoir beaucoup de locuteurs francophones, sont très francophonophiles ». Des pays comme les Émirats arabes unis et l'Estonie sont candidats comme observateurs à l'OIF.

Évoquant l'action de l'OIF en matière de défense de la démocratie et de l'état de droit dans l'espace francophone, il insiste sur l'assistance électorale et notamment la gestion du contentieux électoral.

Dans la gestion des conflits, Abdou Diouf veut promouvoir la prévention et l'« alerte précoce ». « Il faut que nous ayons un système d'information fiable, que nous ayons une interaction entre les différentes organisations internationales », dit-il.

« Nous pouvons dire "Attention", "alerte", mais est-ce que nous avons la force politique de dire à un chef d'État "Halte là !"  ? -- Non. Il faut que toute la communauté internationale solidaire puisse agir », ajoute-t-il.

Son rôle, Abdou Diouf le définit comme « une magistrature d'influence » : « c'est le pouvoir de convaincre et non pas de contraindre, d'ailleurs je n'ai pas les moyens de contraindre ».

 

© 2010 AFP

 

 

Source : lepoint.fr, le 21 octobre 2010

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