Le ministre de la Communication marocain a assuré mardi que la langue française « occupera toujours sa place » sur les deux chaînes publiques du Maroc, rejetant des accusations selon lesquelles le gouvernement islamiste prône « l'arabisation » généralisée du paysage médiatique au Maroc.

Le ministre, Mustapha El Khalfi, répondait à la levée de boucliers, y compris au gouvernement où les islamistes modérés sont majoritaires, face à l'interdiction de la publicité pour les jeux de hasard, une plus grande arabisation des programmes sur les chaînes publiques et la diffusion de l'appel aux cinq prières quotidiennes -- conformément aux cahier des charges.

« La langue française se maintiendra avec un pourcentage de 20 à 25% dans les programmes de la télévision 2M », la deuxième chaîne, a affirmé M. El Khalfi, dans un entretien avec l'AFP.

« Le bulletin d'information en français sur 2M reste maintenu, sauf que sa diffusion sera décalée de peu si la chaîne le juge nécessaire », a-t-il dit.

La 1ère chaine reste majoritairement en langue arabe (dialectal et classique), le reste étant en français et en amazigh (berbère), notent les experts de l'audiovisuel.

« Le Maroc a choisi la voie de l'ouverture, il le restera, car il est appelé à consolider cette ouverture dans les domaines de l'audiovisuel, des langues, de l'économie, du commerce et des technologies », insiste M. El Khalfi en réponse aux critiques qui l'accusent de vouloir opérer un « retour en arrière » dans l'audiovisuel, avec une fin programmée du "multilinguisme.

Ces mesures, annoncées fin mars, ont suscité l'inquiétude notamment dans les milieux francophones, très influents au Maroc et alors qu'une importante communauté marocaine vit en France.

Le ministre des Sports - qui préside aussi le Conseil d'administration de la Marocaine des jeux et des sports - Mohamed Ouzzine a critiqué l'approche de M. Khalfi, « qui est un ministre de la communication et non un Mufti ou un Fqih (théologien) qui interdit et autorise ».

Or, selon M. Khalfi, « il n'y a pas une arabisation plus large mais un réajustement » lié entre autres à la concurrence des grandes chaînes satellitaires arabes, comme Al Jazeera.

Pour le ministre, « le pluralisme linguistique et les libertés seront (mêmes) renforcées », sur la chaîne 2M avec « 50% des programmes en arabe, 30% en amazigh, et autres dialectes et 20% en langue française ».

« Nous avons un million de Marocains qui vivent en Français en plus de trois autres qui résident dans le monde et il faut bien communiquer avec eux en employant les langues qu'ils maîtrisent selon les pays dans lesquels ils vivent », a-t-il précisé.

Il précisé que la chaîne satellitaire marocaine Al Maghribia pour l'étranger « va diffuser des bulletins d'information en français, en anglais et en espagnol ». Elle le fait actuellement en arabe et en amazigh.

Concernant l'interdiction de la publicité pour les jeux du hasard, le ministre l'a justifiée en se référant à l'article de la constitution qui appelle à « la protection des mineurs », et en s'inspirant des exemples de la BBC britannique et des chaînes publiques françaises.

Il a également indiqué qu'aucun changement n'interviendra dans les programmes des radios privées « libres de choisir leurs langues et leurs programmes ».

Selon un expert, le pourcentage du français équivaut à celui de l'arabe sur la dizaine de radios privées que compte le Maroc, regrettant l'absence de statistiques officielles sur ce sujet.

Le bilinguisme arabe-français y est pratiqué, de même que chez la majorité des citadins au Maroc, ainsi que les titres de la presse écrite sont publiés en  arabe classique et en français.

M. El Khalfi a par ailleurs promis que l'apprentissage de la langue française et des autres langues étrangères sera renforcé dans les programmes de l'Institut supérieur du journalisme, ainsi qu'à l'Institut des métiers de l'audiovisuel et du cinéma dont la création est prévue au Maroc en 2013.

 

Source : challenges.fr, le 17 avril 2012

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