Une pensée pour les 118 victimes de la
catastrophe aérienne d'Air Algérie
Le jeudi 24 juillet 2014, dans le désert malien, un
avion affrété par la compagnie aérienne Air Algérie
s'est écrasé. Cet avion faisait la correspondance
régulière entre Ouagadougou, capitale du Burkina
Faso et Alger, capitale de l'Algérie. Tous les
passagers sont morts, faisant ainsi 118 victimes,
118 victimes francophones qui plus est, puisque nous
sommes là en Afrique francophone de l'Ouest et que
ces personnes, de près ou de loin, étaient liés à
ces pays de la Francophonie. Il est bien triste pour
nous de voir ainsi mourir des femmes, des hommes et
des enfants qui faisaient vivre au concret la langue
française dans cette Afrique si prometteuse pour
l'avenir de notre langue.
Bien évidemment, nous compatissons pleinement à la
peine des familles des victimes et les assurons de
nos sincères condoléances.
Juste avant cet accident aérien, les 17, 18 et 19
juillet, le président Hollande était en visite
officielle dans trois pays de l'Afrique francophone
: le Tchad, le Niger et la Côte d'Ivoire. Pourquoi
cet événement a-t-il été totalement occulté des
journaux télévisés de 20 heures, autant sur TF1 que
sur France 2 ? Pourquoi cette omerta de la
francophonie vive et dynamique qui se construit tant
bien que mal en Afrique ? Pourquoi toujours
systématiquement des reportages, souvent
insignifiants, de ce qui se passe aux États-Unis
d'Amérique ou en Grande-Bretagne et rien de ce qui
se passe d'important en Afrique francophone ?
Ensemble, refusons la dictature des médias qui
consiste à nous bourrer le cerveau d'anglo-niaiseries
pour ne pas nous faire penser à la grandeur et aux
beautés de la Francophonie.
Régis Ravat
***
C’est avec effroi que j’ai appris la disparition de
l’avion AH5017 d’Air Algérie
ce jeudi 24 juillet, alors qu’il effectuait un trajet
régulier entre Ouagadougou et Alger.
Force a été de constater également que ce tragique
accident a fait la une de nos journaux télévisés,
eux qui d'habitude ignorent si grassement l'Afrique
francophone. Mais pourquoi donc, cependant, faut-il
qu'il y ait des guerres, des catastrophes aériennes,
des épidémies ou autres drames pour que nos médias
parlent de l'Afrique de langue française ?
L’avion s’est écrasé autour de Gao, avec à son bord plus de 50 Français, ainsi que des personnes de 14 autres nationalités.
J’adresse toutes mes pensées émues aux proches et aux familles de mes compatriotes et des personnes de toutes nationalités présentes à bord de l’avion, voyageurs de passage ou résidents d’Afrique de longue date.
En lien avec les autorités des pays concernés, le gouvernement met tout en œuvre pour accompagner les familles des victimes, qui seront reçues demain au Quai d'Orsay.
Pouria Amirshahi
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Voyage présidentiel en Afrique : un déplacement stratégique
Trois capitales : Abidjan, Niamey, NDjamena. François Hollande a choisi de relier 3 sujets : le développement économique, le renforcement des capacités et la guerre engagée en Afrique entre les États et des milices djihadistes.
Vous trouverez le compte-rendu officiel de chacune de ces étapes sur le site Internet de l’Élysée, en particulier les discours prononcés et les accords de partenariat signés. Je veux pour ma part retenir plusieurs enseignements de ce déplacement, auquel le président de la République a bien voulu me convier, deux des trois étapes se situant dans la 9e circonscription des Français établis hors de France.
Premier enseignement :
La course de
vitesse est désormais engagée en Afrique subsaharienne
entre possibilité de développement économique d’un côté
et risque d’effondrement des États fragiles de l’autre.
De ce point de vue, le vis-à-vis entre la Côte d’Ivoire
et le Niger est très parlant. Au-delà de ce que doit et
peut faire la France, alliée et amie francophone des
deux peuples, beaucoup reposera aussi sur les
coopérations régionales, particulièrement au sein de la Cedeao. L’intégration renforcée de l’Afrique de l’Ouest
est à même sans doute de répondre à l’essentiel des
défis. Autrement dit, si elle veut vraiment être une
locomotive du développement, la Côte d’Ivoire doit
s’inscrire aussi pleinement dans une stratégie de
coopération régionale. Deux grands défis s’imposent : la
souveraineté alimentaire d’une part, meilleur rempart
contre les émeutes de la faim qui ont sévi, notamment au
Mali et au Niger (qui connaît depuis plusieurs années
presque une année de sécheresse sur deux) ; et la mise
en œuvre d’une ambition éducative qui n’a guère
rencontré le soutien de la communauté internationale. À
ce stade, le grand projet du président nigérien
Mahamadou Issoufou – l’école démocratique républicaine
et mixte – n’a pas eu suffisamment de fonds d’aide
internationale (le pays n’ayant pas, loin s’en faut, de
ressource fiscales suffisantes)…et se voit supplanté sur
le terrain par des Madrassas hors de contrôle du
ministère de l’éducation nationale. Mon échange avec
Mohamed Bazoum, ministre des affaires étrangères, n’a
fait que confirmer les craintes pour le futur du Niger,
selon le sort qui sera réservé à ce domaine crucial
qu’est l’éducation. Dans un pays qui connaît un taux de
croissance démographique les plus élevés au monde, la
catastrophe écologique, culturelle et agricole est
annoncée : d’un côté, exode rural de masses illettrées
vers une capitale sans infrastructure capable d’absorber
; de l’autre des terres arables menacées soit
d’appauvrissement du fait de monocultures intensives
soit d’accaparement par des puissances, privées et
publiques, prédatrices.
Deuxième enseignement :
La France doit être conséquente. En affirmant le couple « sécurité et développement » la diplomatie doit donc assumer aussi et de manière au moins égale la part de ses moyens consacrés développement. La présence militaire française en Afrique, revue à travers le dispositif Barkhane dans la Bande Saharo-sahélienne, pour utile et légale qu’elle soit, ne doit pas faire oublier aux français qu’ils ont été une Nation parmi les plus aidées au monde dans l’Histoire de l’aide au développement. Le chaos est en train de se dessiner en Afrique, et les taux de croissance mirobolants de certains pays ne sont qu’un mirage de courte vue si les montants astronomiques, publics et privés, ne sont pas mobilisés. Aux risques identifiés, sur lesquels progressent les pires groupes sectaires et mafieux s’ajoute le danger d’un basculement écologique irréversible. Le prochain sommet sur la lutte contre le réchauffement climatique, qui se tiendra au Bourget en 2015, sera de ce point de vue décisif pour l’avenir de nos amis d’Afrique, qui sont en première ligne des bouleversements en cours. Dès lors que notre présence militaire est inscrite dans des coopérations mutuellement souhaitées, transparentes, aux objectifs et aux moyens clairement définis, loin de la culture des barbouzards ou du post colonialisme, alors je soutiendrai. Mais n’ayons cesse d’affirmer qu’elle relève de notre principe républicain qui consiste à permettre à des nations amies de se défendre contre des agressions extérieures et non de défendre des prébendes. De ce point de vue, les discours de François Hollande auront été clairs. Reste malheureusement cette relation, discutable, avec les autorités tchadiennes. Je comprends que nous disions notre reconnaissance à un pays dont les soldats sont venus aux côtés des nôtres à l’appel du Mali et de de la Cedeao. Mais je sais aussi ce qu’il peut coûter aux oppositions démocrates tchadiennes de voir le régime de M. Deby ainsi conforté par tant de reconnaissance extérieure. Cette contradiction de la géopolitique ne doit pas fermer nos yeux : la France peut agir pour aider les démocrates. Par-delà le long terme des politiques de coopérations, dont il faut toujours veiller à ce qu’elles ne viennent pas nourrir les circuits de la corruption, la diplomatie doit mieux assumer le droit d’asile offert aux opposants, ainsi que la conduite des programmes de renforcements de capacité des sociétés civiles (et donc pas seulement des États).
Troisième enseignement :
La France doit assumer sa relation avec l’Afrique et les africains. À l’occasion de chacun de ses discours prononcés devant les communautés françaises réunies pour l’occasion, le président de la République a exposé les enjeux géopolitiques, les principes ainsi que les termes des coopérations françaises. J’en témoigne volontiers. Malheureusement, ces discours ne sont pas assumés en France. Entend-on, au retour d’un déplacement en Algérie, au Sénégal, au Maroc, en Tunisie ou plus récemment au Niger ou en Côte d’Ivoire, François Hollande dire aux français ce qu’en notre nom à tous il a dit à nos amis africains ? Silence gêné et pour moi gênant, car il en dit long sur la perception que les élites françaises – dont l’exécutif – ont du peuple français. Nos compatriotes ne sont pas jugés « mûrs » ou assez « ouverts d’esprits » ? C’est bien mal connaître des citoyens qui ne demandent qu’à mieux connaître leur voisinage – qui n’est pas qu’allemand mais aussi latin et africain – et qui, par leur culture profonde montre sa disponibilité pour l’échange et l’inter compréhension : le taux – le plus élevé au monde – de mariages mixtes en témoigne… Il se joue dans cette absence du discours intérieur sur la politique étrangère africaine quelque chose d’essentiel sur lequel je reviendrai dans les prochaines semaines.
Pour l’heure, si je salue un déplacement qui a été préparé avec sérieux, qui a utilement combiné les trois piliers de la nouvelle approche française en Afrique, qui a une fois de plus accordé une pleine reconnaissance aux Français de l’étranger de ces pays (et à travers eux 2,5 millions de nos concitoyens), je reste attaché à une démarche critique qui ne confond pas relation diplomatique et coopération politique. Le chantier, déterminant pour l’avenir, est encore en friche…