Au Rwanda, le français, longtemps mis de côté, fait un discret retour

Kigali, le jeudi 27 novembre 2014 (AFP)

Par Stephanie AGLIETTI

Réapprendre le français au Rwanda"Education breeds confidence, hope and peace". Dans le centre de Kigali, l'ONG Plan vante, en grand et en anglais, les vertus de l'éducation pour la "confiance, l'espoir et la paix". L'affiche est traduite en kinyarwanda. Pas en français.

Quasiment inusité avant le génocide de 1994 et l'arrivée au pouvoir de Paul Kagame, l'anglais a progressivement gagné en puissance dans l'ex-colonie belge. Certains prédisaient même la disparition du français. Qui effectue pourtant aujourd'hui un discret retour.

L'annonce de Plan est un exemple parmi d'autres : devantures et affiches ont adopté l'anglais dans la capitale. Quand le soleil se lève sur le petit pays d'Afrique centrale, ce n'est plus "Bonjour", mais "Good morning" que les enfants lancent aux étrangers.

C'est Paul Kagame, arrivé au pouvoir à la tête d'une rébellion basée en Ouganda anglophone et lui-même davantage à l'aise dans la langue de Shakespeare que celle de Molière, qui a propulsé l'anglais langue officielle.

Le français, comme le kinyarwanda, seule langue parlée par toute la population, est restée langue officielle. Mais il a perdu du terrain à mesure que les relations entre le Rwanda et la France, accusée par Kigali d'avoir joué un rôle dans le génocide, se dégradaient.

En 2008, Kigali a remplacé le français par l'anglais comme langue d'enseignement obligatoire dans le public. L'année suivante, le pays, toujours membre de la Francophonie, rejoignait le Commonwealth.

- Frustration -

Ces changements ne se sont pas faits sans mal, notamment pour les enseignants, largement francophones.

« J'arrive à enseigner en anglais maintenant, mais je ne peux pas dire que j'enseigne efficacement », reconnaît Laurent, professeur de sciences humaines. « La plupart des enseignants mélangent l'anglais et le kinyarwanda pendant les cours ».

le RwandaAssis derrière son ordinateur du kLab, centre pour jeunes entrepreneurs, Pacome Munyaneza, reconnaît l'utilité de l'anglais pour travailler avec les voisins kényans ou ougandais.

Mais son apprentissage lui a « demandé beaucoup d'énergie » pour un résultat médiocre : « je suis (d'un niveau) moyen dans les deux langues », estime-t-il, regrettant d'avoir « perdu (son) français ».

L'abandon du français en a aussi frustré certains, qui se sont sentis marginalisés.

« Lorsque l'anglais est devenu une langue dominante (...) j'étais sans emploi et je n'ai pas pu rejoindre l'administration (car) vous étiez obligés de passer le test en anglais », raconte un journaliste francophone. «aJ'ai été écarté et j'ai rejoint la presse privée ».

Il y a aussi les nostalgiques du français, langue surtout parlé par une élite avant 1994.

« C'est un acquis que l'on voudrait sauvegarder », dit un Rwandais né au Burundi, ex-colonie belge restée très francophone, et revenu après le génocide.

« C'est un univers de pensée et de symboles », renchérit le journaliste, énumérant ses références littéraires - « Racine, Voltaire, Camus... ».

Pour Pacome Munyaneza, le français a aussi une valeur sentimentale : « Mon grand-père et ma grand-mère utilisent quelques mots de français dans leurs phrases en kinyarwanda. Dans notre village, nous avons grandi avec le français (...) Je ne peux pas souhaiter le perdre. »

Pour la défense du français, ces nostalgiques avancent son côté pratique: mieux vaut parler deux langues étrangères. D'autant que le Rwanda est entouré de pays anglophones et francophones.

- Revirement -

Signe de temps qui changent à nouveau, l'argument est repris par les anglophones.

« Pour être compétitifs sur le marché du travail nous devons pouvoir parler les deux langues », reconnaît Pierre Mugisha, laborantin né en Ouganda qui apprend le français.

Autre changement : en 2016, une heure de cours de français par semaine sera réintroduite dès la 4e année de primaire.

« On a constaté que (les élèves) n'ont pas de bagage suffisant » à la sortie du secondaire pour faire des études supérieures en français, explique Joy Musabe, chef des programmes scolaires au ministère de l'Education.

Elle se défend d'un rétropédalage, mais Evariste Ntakirutimana, de l'Université nationale du Rwanda, note que « le revirement est sensible » : le gouvernement a entendu « les réclamations tacites » des Rwandais favorables à la diversité linguistique.

Ce début de retour en grâce est cependant loin de refléter les relations franco-rwandaises, qui se sont même encore refroidies en avril quand le président Kagame a de nouveau accusé la France de participation au génocide.

Dans la foulée, Kigali fermait le centre culturel français, invoquant un problème d'urbanisme. Les cours de français qu'il dispensait se déroulent depuis dans l'école française.

© 2014 AFP

 

Source : tv5monde.com, le jeudi 27 novembre 2014

http://www.tv5monde.com/cms/chaine-francophone/info/p-1911-au-rwanda-le-francais-longtemps-mis-de-cote-fait-un-discret-retour.htm?rub=4&xml=141127072830.smqn87k8.xml

 

 

 

************************

 

 

Histoire des langues au Rwanda

 

 

 

*********************

 

 

 

 

La langue française en 2050

La langue française deviendra la 2e ou 3e langue internationale à l'horizon 2050. Et le nombre de francophones devrait tripler. 

En déclin ces dernières décennies, le français, longtemps langue de la diplomatie et de la culture, va-t-il prendre sa revanche sur l'anglais et devenir la langue la plus parlée au monde en 2050 ?

Les langues dans le mondeC'est ce que dit une une étude de la banque d'investissement Natixis, citée par Challenges et reprise par de nombreux sites depuis. Intitulée «aLa francophonie, une opportunité de marché majeure », cette étude que nous nous sommes procurée date en fait de septembre 2013. Elle était destinée aux groupes de communication (Vivendi, Lagardère), et présentait la langue française comme une opportunité de marché pour l'industrie des médias français. Natixis concluait que « le français pourrait être [en 2050] la langue la plus parlée dans le monde, devant l'anglais et le mandarin ».

 

 

La réalité est plus complexe

La méthodologie du rapport est toutefois contestée par de nombreux sites : « Il compte comme francophone tous les habitants des pays dont la langue officielle est le français, ce qui n'est probablement pas le cas », estime par exemple Forbes.

Les projections de Natixis ne tiennent également pas compte de la pratique de plusieurs langues dans un certain nombre de pays considérés comme francophones, précise à L'Express, Alexandre Wolff, responsable de Observatoire de la langue française ; « dans d'autres, le français est la langue nationale, mais pas la plus parlée. Il n'empêche que le français est souvent la langue commune dans des pays aux nombreux idiomes. C'est la langue des médias, de l'administration et des échanges économiques », explique-t-il. 

 

760 millions de francophones en 2060

Répartition des Francophones dans le monde« Si le processus de scolarisation se poursuit dans les pays africains, et si ces pays continuent à enseigner le français aux enfants au cours prochaines années, on comptera 715 millions de locuteurs du français, en 2050, soit 8% de la population mondiale prévue en 2050 (9 milliards) », ajoute Alexandre Wolff. L'observatoire établit ses propres projections, qui s'appuient sur les prévisions d'évolution démographiques de la population mondiale. Elles prévoient aussi 760 millions de francophones en 2060.

Aujourd'hui, quelque 220 millions de personnes répartis sur plus de 75 pays et territoires parlent la langue de Molière, selon l'organisation internationale de la Francophonie  (OIF).

 

Merci l'Afrique

Pour Alexandre Wolff, le français, pour l'instant la quatrième langue internationale, se classera certainement au deuxième ou au troisième rang en 2050. La langue de Shakespeare « restera très probablement la langue la plus usitée du monde à cette échéance ». Il ne met en revanche pas le mandarin, la langue parlée par la majorité des Chinois, sur le même registre, puisqu'il ne s'agit pas d'une langue transnationale comme l'anglais, l'espagnol, l'arabe ou le portugais.

Cette belle performance ne sera en tout cas possible que grâce à l'Afrique : 85% des francophones seront en Afrique en 2050, estime l'OIF. Compte tenu du vieillissement prévisible de la population en Europe, l'Afrique comptera plus de 90% des jeunes francophones de 15-29 ans en 2050.

 

 

 

Ecoliers maliens apprenant le français

 

 

Estimé à 220 millions en 2010, le nombre de francophones pourrait atteindre les 715 millions en 2050, dont 85% en Afrique selon l'Observatoire de la langue française.

 

 

Reuters/Unicef/Finnbar O'Reilly


 

 

 

 

 

 

Source : lexpress.fr, le mercredi 26 mars 2014

Possibilité de réagir à cet article sur :

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/non-le-francais-ne-sera-pas-la-langue-la-plus-parlee-en-2050_1503412.html

 

 

 


 

Haut de page