Daniel DE POLI
(67) ILLKIRCH
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Nous aussi, bien sûr, écrivons à ces messieurs
Pas surprenant que les universitaires algériens projettent d'angliciser leurs universités, puisqu'en France, nous leur montrons l'exemple. Voir, en cela, l'hyper-vendu à la langue de l'Empire, Richard Descoings JPC
L'anglais bouscule le français dans les universités en Algérie
La langue anglaise suscite des remous à l’université Algérienne. Le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique s’apprête à faire introduire la langue de Shakespeare dans les branches scientifiques et technologiques. En effet, Rachid Harraoubia, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, a reconnu jeudi lors d’une séance plénière de l'Assemblée populaire nationale (APN), que son département travaille sérieusement sur la possibilité d'introduire la langue anglaise au lieu du français dans les universités, en particulier dans les branches scientifiques et technologiques. La suprématie de la langue anglaise à l'ère actuelle dans les sciences exactes et techniques a incité les responsables du département de Harraoubia à repenser l'architecture de l'enseignement universitaire dans notre pays. Ce processus est aujourd'hui une nécessite vitale pour l'université Algérienne dont la crédibilité des diplômes et la qualité de l'enseignement sont de plus en plus remis en cause dans le monde. Cela dit, pour le ministre, « plusieurs pays tiennent encore à éditer leurs publications scientifiques dans leur propre langue, puis les traduire ». Rachid Harraoubia tient donc à préciser que les langues étrangères « n'envahiront pas toutes les spécialistes », comme le craignent certains défenseurs de la langue Arabe. Mais cette position n'a pas manqué de susciter les critiques des chercheurs qui demandent la généralisation du français et de l'anglais dans toutes les spécialistes y compris les sciences humaines et sociales dont, aujourd'hui, toutes les « trouvailles » sont publiées en anglais et en français. Pour de nombreux autres observateurs, cette revendication reste encore un vœu pieux, car le niveau médiocre en langues étrangères des étudiants tire, en ce moment, toute l'université vers le bas. Une introduction d'une autre langue étrangère ne permettra donc pas d'atteindre les objectifs escomptés. « Il faut leur apprendre ces langues au Lycée avant de nous les envoyer à la fac complètement ignorants », dénoncent quelques responsables de départements scientifiques pour lesquels nos étudiants ne sont encore que des « zérolingues » ! Preuve en est, 85 % des étudiants inscrits en Tronc commun Technologie abandonnent leurs cursus pour des problèmes de langues, soulignent de récentes statistiques. Décidément, l'université Algérienne n'est pas encore sortie de l'auberge.
El Watan Source : algerie-monde.com, le 19 septembre 2010
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Réponse de M. Daniel De Poli
à M. Rachid Harraoubia, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (r.harraoubia@mesrs.dz) Copie à des membres de son Cabinet : (cab@mesrs.dz) (a.guerfi@mesrs.dz) Copie à M. Abderrahmane Semmar (asemmar@elwatan.com) et à la rédaction d'El Watan (redaction@elwatan.com),
Monsieur,
Je me permets de vous écrire car j'ai lu l'article
suivant concernant l'introduction éventuelle de l'anglais dans les
branches scientifiques universitaires : Je pense cependant qu'il serait extrêmement contre-productif pour l'Algérie d'introduire l'anglais à l'université, ce qui induirait ensuite des publications en anglais de la part des scientifiques algériens. En effet, l'imposition de l'anglais dans le domaine scientifique entraîne le pillage généralisé de la recherche par les Américains, comme cela a été brillamment démontré par l'universitaire Charles Durand dans son fameux argumentaire intitulé « Le français, une langue pour la science » : Pour s'en convaincre, il suffit de lire les propos effarants d'un de ces chercheurs américains pilleurs de la recherche non-américaine, extraits de l'argumentaire : « Au moins 90% des articles que nous recevons ne valent rien. 2 % sont originaux et méritent d'être publiés. 5% sont des développements de travaux antérieurs que nous devons publier également. Enfin, moins de 1% de ces articles donnent des idées sur des nouvelles directions de recherche pouvant quelquefois conduire à des applications commerciales. Nous recevons ces articles en première exclusivité, antérieurement à toute publication. Ils nous arrivent sur un plateau d'argent, écrits dans notre langue, sans que nous demandions quoi que ce soit à quiconque. Comment voulez-vous que nous nous empêchions d'en exploiter les meilleures idées ? Même avec les meilleures intentions du monde, nous ne pouvons nous empêcher d'être influencés, de changer nos objectifs de recherche et d'utiliser les idées les plus prometteuses à notre profit. N'oubliez pas qu'une majorité de ces articles nous vient de l'étranger et que ce qu'ils décrivent n'a jamais fait l'objet de publication antérieure, en anglais ou d'autres langues. D'autre part, nous passons facilement un tiers de notre temps, voire la moitié, à chercher de l'argent pour financer notre travail. Beaucoup d'entre nous n'ont aucune sécurité d'emploi. La concurrence pour les octrois de recherche, qui ont fondu comme neige au soleil ces dernières années, est féroce. Tout le monde essaye de briller, même si ce n'est que dans les apparences. Nos collègues européens ou asiatiques n'ont pas cette obligation et peuvent vraiment se consacrer à leur recherche scientifique et produire quelque chose. Dans ce contexte, vous pensez bien que nous allons exploiter toute idée intéressante pour laquelle on sollicite notre avis. Il est arrivé à certains de mes collègues de refuser la publication d'un article, lorsqu'ils voulaient « pirater » son contenu de façon à s'attribuer l'antériorité d'une idée qui les intéressait particulièrement. Toutefois, dans la plupart des cas, ça n'est même pas nécessaire. Nous approuvons la publication de ces articles mais notre réseau de contacts avec l'industrie nous permet d'exploiter les meilleures idées et d'en tirer les bénéfices commerciaux en premier. Nous ne sommes pas des saints. Comment voulez-vous qu'il en soit autrement ? Dans la quasi-totalité des cas, on ne peut même pas nous accuser de plagiat faute de preuves. Gallo a perdu dans ses démêlés avec l'Institut Pasteur, car il avait reçu des échantillons, parce qu'il y avait une trace matérielle. Dans la plupart des cas, seule compte l'information, qui est dématérialisée par essence. Si vous faites la copie d'un logiciel existant, vous violez les droits d'auteur. Si vous volez une idée à quelqu'un alors que celle-ci n'a pas encore fait l'objet d'une publication antérieure et que vous travaillez dans le même domaine de recherche que celui à qui vous l'avez volée, comment voulez-vous que ce dernier soit en mesure de prouver quoi que ce soit ? ». Le système des publications en anglais est donc aberrant et à changer radicalement. Il faudrait par exemple s'inspirer du système de recherche japonais, bien plus intelligent que celui qui est pratiqué dans de nombreux pays, et où les chercheurs publient d'abord les résultats de leurs recherches au Japon en japonais, ce qui permet à leurs industries d'exploiter en premier les bonnes idées et évite ainsi le pillage. Autre extrait : « Au Japon, on peut constater que les chercheurs japonais qui reçoivent des deniers publics sont souvent dans l'obligation contractuelle, lorsqu'ils veulent et qu'ils peuvent légalement publier leurs travaux, de les communiquer en priorité à des journaux et revues scientifiques publiés au Japon, en japonais. Ces derniers n'acceptent et ne publient que les meilleurs articles décrivant des travaux qui contribuent réellement au développement scientifique et technique, dans la discipline considérée. Les articles qui sont refusés sont généralement traduits en anglais par leurs auteurs qui cherchent alors à les publier dans des revues américaines ou européennes. Cette pratique n'a pas augmenté le nombre d'abonnements aux revues scientifiques japonaises des bibliothèques étrangères (à l'exception de la Chine et de la Corée), mais elle a accompli l'équivalent. Bon nombre de succursales de compagnies étrangères et de délégations gouvernementales diverses traduisent sans relâche pratiquement tout ce qui est publié en japonais dans les domaines scientifique et technique. Les Japonais sont les premiers bénéficiaires de cette activité, car c'est souvent eux qui effectuent ce travail de traduction qui est, comme il se doit, très bien rémunéré. Il implique d'être bilingue et d'avoir des connaissances techniques très spécialisées. De plus, la publication en langue japonaise permet tout simplement de communiquer les informations les plus intéressantes à la fraction des chercheurs et ingénieurs japonais initiés au sujet de la manière la plus efficace possible. Son but n'est pas d'exclure la traduction et la diffusion de l'information aux puissances industrielles concurrentes, mais elle introduit un délai qui est souvent suffisant pour que l'exploitation des résultats publiés puisse être démarrée, en priorité, par un homologue japonais quand ce n'est pas par l'auteur de l'article lui-même. Le problème d'antériorité vis-à-vis de chercheurs étrangers concurrents est ainsi évité et les bénéfices éventuels sont immédiatement réinjectés dans l'économie japonaise. L'argent du contribuable est ainsi utilisé de manière optimale. Il n'importe pas à un pays producteur de connaissances de payer le coût de la diffusion du savoir dans une langue autre que sa langue nationale, mais bien aux utilisateurs des nouvelles idées scientifiques... » Bien à vous
Nous aussi, bien sûr, écrivons à ces messieurs
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