La France bouderait-elle la Francophonie ?

 

Le 20 mars 2010 la Francophonie célébrera ses 40 ans. C'est ce jour là en 1970, que 21 pays francophones ont signé le traité instituant l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), sous l'impulsion des présidents Léopold Sédar Senghor (Sénégal), Hamani Diori (Niger), Habib Bourguiba (Tunisie) et du Prince Norodom Sihanouk (Cambodge). En 2005 cette agence s'est transformée en Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Selon les statistiques, les locuteurs francophones vont tripler en un demi-siècle. L'OIF prévoit que leur nombre passera de 200 millions à 700 millions d'ici 2050. Un nombre important, qui sera atteint surtout grâce à la croissance démographique dans les pays du Maghreb, de l'Afrique sub-saharienne et du bassin des Caraïbes. Les francophones sont 35% à résider en Afrique sub-saharienne, 27% en Europe, 22% en Afrique du Nord et les pays du Moyen-Orient, et 12,5% à vivre dans les Amériques et les Caraïbes. Le français, c'est la deuxième langue parlée dans l'Union Européenne, 3e langue de l'internet et la 9e langue la plus parlée en Europe. De quoi se féliciter et rester optimiste, car 60% des francophones ont moins de 30 ans et 110 millions de personnes « apprennent le français ou en français » dans le monde. Mais ces chiffres ne représentent pas grand chose, s'ils sont pris hors contexte. En comparaison, les locuteurs anglophones sont plus de deux milliards, et les locuteurs sinophones, le continent chinois et diaspora chinoise inclus, approcheraient d'un milliard et demi, selon les estimations. 

Depuis sa création, la Francophonie a connu une époque de gloire, avec surtout deux grandes périodes d'embellie. La première suivait la création de l'ACCT, dont les créateurs considéraient la langue de Molière non seulement comme un outil de communication internationale, mais également comme un atout essentiel grâce auquel les différents pays du Tiers-monde espéraient faire leur entrée de plein pied dans la communauté internationale. La seconde période de popularité de la Francophonie date de la fin des années 80 du siècle dernier, lorsque certains pays d'Europe Centrale et Orientale, notamment la Roumanie et la Bulgarie, une fois entrés dans une phase de transition économique, ont trouvé dans la Francophonie une sorte de rampe d'accès à l'Union Européenne et un moyen de s'identifier à une langue, à un discours et à une culture d'un pays européen qu'est la France.

Dans les années 90, le contexte économique et politique a considérablement changé avec un durcissement de la compétition mondiale, et l'accentuation des Etats et des peuples en faveur de la diversité culturelle. La position de la France dans le monde a également changé. Plongée dans une crise économique sur le fond des diverses tentions sociales, elle ne renvoie plus de message consolidé. L'union des pays de la Francophonie aujourd'hui, c'est plutôt un ensemble de pays du monde, qui ont la langue française « en partage », sans une acceptation mutuelle des diversités culturelles au sein de cet ensemble. Et aujourd'hui l'OIF du mal à renouveler ses idées et son action, avec un manque de visibilité et un manque d'efficacité, lié à un contexte de l'affaiblissement général de l'influence de la langue française dans le monde. 

À ce manque de visibilité de la francophonie s'ajoute un problème de l'ignorance. On en parle peu dans les médias, et nombreux sont ceux qui ignorent ce qu'est la francophonie. Un concept « dépassé » dit-on dans les blogues, que certains associent à la France uniquement, ignorant que d'autres pays francophones participent activement à cette union. Certes, la France est très présente par son influence et son financement dans la Francophonie, déboursant à elle seule près de 50% du budget de 79,3 millions d'euros de l'OIF. Mais la Francophonie, c'est surtout une collaboration de plusieurs États et gouvernements, avec 55 membres (dont deux membres associés) et 13 observateurs repartis dans différentes régions du monde. 

La France avait à l'origine le rôle d'un des principaux acteurs de la francophonie, mais n'assumant pas la diversité culturelle au sein de la communauté francophone, le pays reste replié sur lui-même. La société française a du mal à voir en la diversité culturelle une source d'enrichissement. Cela s'illustre notamment par le débat sur l'identité nationale ou la question du port du voile à l'école, qui ont provoqué une vive polémique dans le pays récemment. La France reste donc universaliste dans les mots et les valeurs, mais elle l'est beaucoup moins dans la pratique. 

À une époque, où les institutions culturelles des différents pays, comme le British Council pour le Royaume-Uni, l'Institut Confucius pour la Chine, ou l'Institut Cervantès pour l'Espagne augmentent fortement les moyens consacrés à l'influence culturelle, on aurait pu faire de la Francophonie un atout linguistique et culturel de taille, mais la France est en train de réduire les crédits consacrés à son action culturelle à l'étranger et, notamment, dans le cadre des projets francophones. À la place, un projet de loi, paru en février de cette année, prévoit la création des Instituts Victor-Hugo, qui regrouperaient les centres français à l'étranger et les filiales de la structure Cultures-France. 

La façon dont se positionne la France est paradoxale, car le pays reste le premier contributeur au fonctionnement des institutions francophones. L'époque de la Francophonie n'est pas révolue, elle demeure largement orientée vers l'avenir, surtout grâce à l'internet et les nouvelles technologies. Et la question de la diversité culturelle est incontestablement une partie intégrante des enjeux majeurs de la mondialisation des cultures et de la communication. Comme l'avait indiqué le secrétaire général de l'OIF Abdou Diouf lors d'une entrevue à la chaîne TV5, le rôle de l'OIF, c'est justement de ce battre pour une diversité culturelle au sein de la francophonie.

Les détails des différentes manifestations dans le cadre de la journée de la Francophonie dans le monde sont sur le site www.20mars.francophonie.org et pour la Chine, sur le site de l'Ambassade de France en Chine www.ambafrance-cn.org. 
 

Eugène Zagrebnov
 

Source : Le Quotidien du Peuple en ligne, le 18 mars 2010

http://french.peopledaily.com.cn/96593/6923694.html

 

 

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Réaction :

Traduisons simplement : l' « élite » française ne croit plus, ni en son pays, ni à sa langue.

Déjà, avant 1940, elle disait « Plutôt Hitler que le Front populaire ». La lecture du « Choix de la défaite », de l'historienne Annie Lacroix-Riz, est édifiante.

Mais ces gens-là n'ont le droit d'entraîner dans leur délectation morose et leur soumission jouissive, ni le peuple français, ni les autres peuples francophones.

DG