Amusantes les réactions . J'aime bien le classique « l'anglais est idéal pour l'Europe » ; passe encore pour parler avec un étranger non francophone (que les espérantistes me pardonnent), mais entre personnes d'une même langue, on peut se poser la question, non ?

Hélas, pas de quoi être optimiste : je discutais, il y a quelques jours de cela avec une jeune personne embauchée dans mon entreprise pour l'été et qui retournera à ses chères études ensuite : la conversation  est partie de madame Lagarde. Pour ma collègue provisoire, aucun problème : si ses supérieurs s'adressent à elle en anglais ; une affiche de  publicité d'une marque française pour un produit français dans la rue et en anglais ? Bah oui quoi , c'est normal.

Pourvu qu'ils ne soient pas tous comme ça !

MQ

 

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Les artistes français aiment-ils leur langue maternelle ?

Qu'ont en commun ZAZ, Shy’m, Mélanie Laurent, Bénabar et Benjamin Biolay ? Ils chantent en français, EUX.
Sélectionné et édité par Hélène Decommer

 

Hey, les chanteurs français… Et si vous chantiez en français ?

Alors d’emblée, loin de moi une idéologie nationaliste derrière ce billet. Je conchie le populisme d'une droite s'extrêmisant depuis 4 ans, dans la course à l'électeur primitif en s'appuyant sur des idées xénophobes et d'un autre temps. Que cela soit bien clair.

Mais pour avoir assisté hier et avant-hier à des concerts de groupes français au Festival du Cabaret Frappé à Grenoble, je commence à me poser des questions : la langue française est-elle si difficile à mélodier ? (amis du néologisme, bonjour) Est-ce un critère de sélection, pour les maisons de disques, que de pousser la chansonnette dans la langue de Shakespeare ?

Où sont passés Brassens, Aznavour, Renaud, Brel, Gainsbourg, Piaf ?

Ils sont presque tous morts, oui, il paraît. Dans l’esprit des nouveaux artistes, c’est certain. Et enterrés bien profondément.

En sus d’une programmation déjà « petit bras » sur le papier (Cocorosie, seul groupe connu à l’affiche, et encore, connu par beaucoup de lecteurs du Plus ?), le festival du Cabaret Frappé à Grenoble donne cette année dans l’anglophone comme critère nécessaire pour se produire sous le kiosque du Jardin de ville à 19h en concert gratuit. Devant tout un parterre qui ne comprend donc rien aux paroles.

Si les concerts ont été, certes, nourris d’applaudissements pour les locaux de Tower Brown et le fragile et rebelle Prince Miaou, l’ambiance était tout de même bien moins enflammée qu’avec les Grenoblois d’Emzel Café l’an dernier par exemple. Sans parler d’une grande partie de l’assistance qui quitte le concert à mi-parcours lassé par ce baragouinage dans une langue étrangère - et maltraitée -, sur fond de guitares électriques agressives.

Est-ce si ringard que ça de chanter en français ? Sérieusement ?

Ou alors - pure supposition de ma part, loin de moi l’idée que ce soit effectivement le cas, non, vraiment, je suis pas comme ça - peut-être est-ce plus FACILE d’écrire en anglais car on a l’assurance que 95% du public visé ne comprendra pas les paroles ? En profiter alors pour pondre des paroles simplistes, niaises, vues et revues mais « ça sonne bien pour le public alors on fait ça comme ça ».

La plupart des artistes actuels sont plus musiciens-compositeurs que paroliers. Envoyer un pâté de banalités en anglais permet de meubler la chanson pendant qu’ils s’éclatent avec leurs instruments.

Autant pour les artistes se destinant à une carrière internationale, je peux comprendre. Encore qu’une de mes chanteuses favorites fait un carton aux US en chantant en français (peut-être aussi car ils comprennent pas les paroles eux non plus). Mais pour des groupes-artistes peu connus, régionaux, qui vivotent et pondent des CD 5 titres tous les 2 ans, quel intérêt ?

L’anglais en chanson, soi-disant ça sonne mieux. Un certain nombre de personnes n’écoutent plus les paroles des chansons, ce que je trouve franchement dommage. Autant ne pas y mettre de paroles alors ? Ça meuble ? Moui, je crois surtout qu’il s'agit d'occuper la bouche et l'esprit des auditeurs avec des paroles répétitives, simples, pour leur faire croire qu’ils s’approprient la chanson.

La langue française est un puits sans fond de mots anciens aux assonances magnifiques, de mots nouveaux où les synonymes se ramassent, comme les feuilles, à la pelle et même de mots à inventer ! Qui l’interdit ? Qui interdit à une chanteur d’inventer un mot ? Je devrais faire inventeur de mots moi.

Donc je dis merci aux chanteurs français actuels de persévérer dans la recherche de paroles nouvelles, originales, poétiques ou engagées, voire délirantes. Merci à Yelle, à Philippe Katerine, à Gaëtan Roussel, à Shy’m, aux BB Brunes, à Joyce Jonathan, à Bénabar, à Benjamin Biolay, à Mademoiselle K, à Zaz, à Ridan, à Mélanie Laurent, à Monsieur Roux, à Zaza Fournier, à Renan Luce, aux Cowboys Fringants, à Grégoire, aux Wriggles, à Tryo et aux quelques autres, de prendre le risque sur chaque album de proposer des chansons en français.

Un risque car, apparemment, en 2011, c’est un peu ringard de chanter en français.

On n’écoute plus de la musique pour écouter une histoire, on écoute de la musique pour masquer le silence.

C’est triste.

 

Auteur parrainé par Gaëlle-Marie Zimmermann

 

Source : leplus.nouvelobs.com, le 31 juillet 2011

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