LOUISIANE :

Les Houmas sont les seuls Indiens  des États-Unis à parler encore français !

« Tous les Acadiens, toutes les Acadiennes ! Vont chanter, vont danser sur le violon ! Ils sont Américains, elles sont Américaines ! La faute à qui donc ? La faute à Napoléon. »

En 1975, Michel Fugain, avec Les Acadiens, nous rappelait la cession en 1803 de la Louisiane - vaste région à l’ouest du Mississippi qui couvrait l’équivalent de 21 États de l’actuelle Amérique - par l’empereur français, pour seulement quinze millions de dollars. À l’occasion du bicentenaire de ce marché de dupes, Thalassa nous entraîne à la rencontre de ses habitants, les Cajuns. Si l’on connaît bien l’histoire douloureuse des Acadiens, ces descendants de Français installés au Canada, massivement déportés en 1755 vers la Louisiane par les Anglais, pour n’avoir pas voulu faire allégeance à la couronne britannique, on connaît moins les peuplades autochtones, notamment les Indiens hou mas. La seule tribu des États-Unis à parler encore notre langue. Il faut dire que des occupants anglais, espagnols, américains et français, ces derniers restent ceux qui se sont comportés le plus humainement.

À l’écart de la société jusqu’en 1964 

Pierre est l’un de ces Indiens francophones. La cinquantaine débonnaire, amateur de vins, il avoue avoir appris à parler le «français» sur les genoux de son grand-père. Comme nombre de ses semblables, Pierre vit de la pêche aux écrevisses et aux huîtres. Mais les Houmas n’ont pas toujours été pêcheurs. Au début du XVIIe siècle, alors agriculteurs, ils occupaient les plateaux supérieurs du Mississippi et avaient développé une civilisation brillante et originale. Mais, peu à peu, chassés par les Anglais, ils durent se replier au Sud, le long des bayous, en bordure du golfe du Mexique, une région marécageuse infestée de moustiques, de serpents et d’alligators. Ces réprouvés y furent rejoints par les Français victimes «du grand dérangement», avec lesquels ils vécurent en bonne intelligence. Mais tous ces proscrits ont dû s’adapter à leur environnement, devenant pour la plupart pêcheurs ou trappeurs. Longtemps mis à l’écart de la société, les Houmas se sont vu refuser la scolarisation de leurs enfants jusqu’en 1964. C’est la fin de cette ségrégation qui va amorcer le déclin de la francophonie au sein de cette communauté estimée à dix-huit mille âmes.

 

Renaissance d’une culture

En effet, jusqu’en 1975, les enfants surpris à parler français à l’école étaient punis. La télévision a fini par détacher partiellement les jeunes Indiens de la langue de Molière. Mais c’est sans compter sur la capacité de résistance de la culture houma. Depuis quelques années, ces Indiens redressent enfin la tête. Regroupés depuis 1979 en une vaste association appelé United Houmas Nation, ils militent pour faire reconnaître leurs droits sur le sous-sol de ces marais riches en pétrole dont ils considèrent avoir été spoliés en 1920. À leur tête, Brenda Dardar, une Indienne aux yeux bleus, se bat pour maintenir vivace la culture houma. Ce sachem féminin organise des pow-wows, sortes de grandes réunions communautaires où se mélangent rites païens et liturgies catholiques, cultes des ancêtres et amours de la nature.

Alors pourquoi le français s’est-il imposé si longtemps parmi ces Indiens au point de résister à l’anglais et même à supplanter leur langue d’origine ? Peut-être faut-il chercher la réponse chez Chateaubriand, qui, dans son Voyage en Amérique, écrivait  : « De tous les Européens, mes compatriotes sont les plus aimés des Indiens. Cela tient à la gaieté des Français, à leur valeur brillante, à leur goût de la chasse et même de la vie sauvage ; comme si la plus grande civilisation se rapprochait de l'état de nature. »

 

Hacène CHOUCHAOUI

 

 

Source : Télé 7 Jours, semaine du 22 au 28 novembre 2003

 

 

 

 

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