L'étiquetage en français, bouclier  du consommateur.

 

  L'intitulé du produit pourra être étranger, la composition sera en français.

 

Le secrétaire d'État aux PME et au Commerce, Renaud Dutreil, a signé un projet de décret stipulant le maintien de l'obligation d'étiqueter en français les produits alimentaires vendus en France, mais autorisant parallèlement l'emploi d'une ou plusieurs langues étrangères pour cet étiquetage.

Cette décision fait suite à une procédure d'infraction, lancée samedi contre la France par la Commission européenne de Bruxelles, ainsi qu'au fait que les consommateurs français sont fermement opposés à la suppression de l'obligation d'étiqueter en français les produits alimentaires vendus dans le pays.

La Commission a demandé à la France de cesser d'imposer sa réglementation, en application d'un arrêt rendu en 2000 par la Cour européenne de justice. Elle lui a donné deux mois pour prendre position, l'avertissant que, faute de réponse satisfaisante, elle pourrait demander sa condamnation devant la même Cour.

L'arrêt rendu le 12 septembre 2000 par la CEJ interdit qu'une réglementation nationale impose l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires, au nom du principe de la libre circulation des biens dans l'Union européenne.

La loi Toubon « relative à l'emploi de la langue française » du 4 août 1994 rend obligatoire l'usage du français pour « tous les documents destinés à informer l'utilisateur ou le consommateur : étiquetage, prospectus, catalogues, brochures et autres documents d'information ».

Un porte-parole de la Commission européenne, Gilles Gantelet, a affirmé que « cela fait plus d'un an» que Bruxelles s'est « mis d'accord avec la France » sur un projet de texte permettant à Paris de régulariser sa situation.

Selon ce haut fonctionnaire international, la seule chose que la France ne puisse pas faire, c'est d'imposer à un producteur de traduire la dénomination de son produit. Et de prendre un exemple, qui dénote sa conception parfaitement administrative de la vie et qui laissera pantois les amateurs de bonne chère de notre beau pays : « Les "chicken wings" (NDLR : ailes de poulet) doivent pouvoir être vendues sous ce nom, mais la France peut imposer parallèlement des mentions obligatoires en français comme la liste des ingrédients. »

Le projet de décret du ministre ne peut que satisfaire les associations de consommateurs. « Imaginez la situation si nous avions des étiquettes en grec ou dans une des langues slaves des pays candidats à l'Union européenne », dit Nicolas Larmagnac de l'association UFC-Que Choisir. Pour lui, l'objectif caché de Bruxelles est de généraliser l'étiquetage en anglais.

La demande de Bruxelles risque d'avoir un effet pervers, les consommateurs étant très soucieux de transparence: « Si l'étiquetage n'est pas clair, les consommateurs vont d'une certaine façon douter des produits et se tourner vers les fabrications nationales. Ce qui ira à l'encontre des buts de la Commission européenne, qui sont le marché unique et une concurrence saine ».

Dans son arrêt, la Cour laisse la possibilité aux États membres d'imposer d'autres moyens d'information du consommateur, comme une photo explicite sur l'emballage, ou une affiche dans la langue nationale sur le lieu de vente. « La photo n'explique pas tout : elle peut être interprétée de différentes façons ? », s'interroge un porte-parole de la CLCV. L'association Consofrance appelle « les consommateurs à refuser l'achat de tout produit ne portant pas de mentions suffisamment explicites dans la langue qui leur est compréhensible ».


   Source : Midi Libre, journal du mardi 30 juillet 2002



Haut de page