Trop-plein de propositions de loi pour les langues régionales

 

Les défenseurs des langues régionales ne pourront plus se plaindre du désintérêt du Parlement... Après le dépôt, par une soixantaine de députés UMP, d'une proposition de loi « pour la défense et la promotion des langues régionales » (voir notre article ci-contre du 12 janvier 2011), c'est au tour d'une trentaine de sénateurs (socialistes) de déposer une proposition de loi « relative au développement des langues et cultures régionales ». En déposant ce texte, l'opposition n'entend pas laisser la majorité accaparer un thème « décentralisateur », qui devrait être apprécié dans les régions disposant encore d'une langue vernaculaire et d'une culture locale vivace. L'approche est toutefois très voisine dans les deux cas. Il s'agit en effet de textes volumineux (60 articles pour celui de l'Assemblée et 70 pour celui du Sénat), qui entendent développer une approche globale de la question des langues régionales. Le contenu de ces deux propositions présente également de fortes similitudes. Ceci n'a d'ailleurs rien d'étonnant, dans la mesure où la plupart de leurs dispositions sont issues des travaux - très consensuels - du groupe d'étude sur les langues régionales, présidé par Armand Jung, député (PS) du Bas-Rhin. Les thèmes abordés balaient ainsi les garanties offertes aux langues régionales, les politiques de promotion, la place des langues régionales dans l'enseignement, la signalétique ou encore l'usage des langues régionales dans les services publics. De même, les deux textes font - logiquement - des régions les pivots des politiques des langues régionales.

Combien ça coûte ?

Les deux propositions de lois présentent toutefois un certain nombre de différences, parfois subtiles mais toujours significatives. Le texte du Sénat est ainsi plus « jacobin ». Son article premier dispose en effet que « le français étant la langue et le ciment de la République, et sans préjudice des règles relatives à l'usage du français par les personnes morales de droit public et les personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, ainsi que par les usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics, l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics reconnaissent les langues régionales pratiquées sur leur territoire comme l'expression de la richesse culturelle de la France ». Celui de l'Assemblée ne fait pas, en revanche, allusion à la place spécifique de la langue française (reconnue, au demeurant, par l'article 2 de la Constitution). À l'inverse, le texte du Sénat se montre plus décentralisateur sur le pilotage de la politique en faveur des langues régionales. Il en confie en effet l'essentiel de la responsabilité aux régions, alors que celui de l'Assemblée crée un « Haut Comité de défense et de promotion des langues et cultures régionales », investi de pouvoirs étendus. Le texte du Sénat va également plus loin en matière de vie publique, puisqu'il prévoit que « les collectivités territoriales [...] encouragent l'usage du bilinguisme dans les débats de leurs assemblées », disposition qui ne figure pas dans celui de l'Assemblée. Si elle devait être adoptée, une telle mesure risquerait d'ailleurs de poser un sérieux problème de constitutionnalité, puisque l'article 2 de la Constitution prévoit que « la langue de la République est le français ». Il reste néanmoins un point commun aux deux propositions de loi : aucun des deux exposés des motifs n'esquisse le moindre chiffrage de l'impact budgétaire de textes qui - si l'un d'entre eux ou un texte fusionné devait être mis en œuvre dans toutes ses dispositions - ne manquerait pas de se révéler particulièrement coûteux.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

 

 

 

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