F r a t e r n i p h o n i e
Le journal de l'Association FRancophonie AVenir - A.FR.AV.
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DEUXIÈME TRIMESTRE 2000 | « La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère ?» | Numéro 20 |
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M. Pierre Lasjaunias, professeur aux Hôpitaux de Paris, est pris la main dans le sac : il écrit en anglais à un collègue italien non anglophone, le Professeur Giovani Ruggiero qui, de plus, refuse le tout anglais et défend le français en tant que langue internationale latine. Nous avons donc écrit à M. Lasjaunias pour lui faire grief de son anglomanie : sa réponse est édifiante.
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Monsieur,
Une grave maladie affecte notre époque, elle touche au décervelage humain et à la réduction des esprits, il s'agit de la politique actuellement menée du tout anglais. Certains pensent que parler anglais tout autour de la planète sera un bienfait pour la paix et une avancée sans pareille pour la communication entre les hommes. Pourtant, l'Histoire nous le montre : chaque fois que l'homme a voulu unifier de grands ensembles, la dictature est apparue ; elle apparaîtra aussi, n'en doutons pas, si la mondialisation à l'anglo-saxonne s'empare de la planète. Réduction des esprits également, car si demain l'humanité tout entière parle anglais, la vision du monde que nous donnaient d'autres langues aura disparu. N'est-il pas prouvé, après tout, que face à un problème donné, il y a autant de voies différentes pour trouver une solution qu'il y a de langues différentes ? Réduire la communication humaine à une seule langue, c'est donc réduire la pensée humaine et réduire du coup les chances de trouver des solutions plurielles aux problèmes de demain. La décision des Hôpitaux de Paris de n'accepter que les travaux scientifiques rédigés en anglais est scandaleuse et assassine. Elle montre - ô combien - que la dictature est en train de se mettre en place. Quant à votre lettre à l'en-tête des Hôpitaux de Paris, rédigée en anglais à un Italien qui parle français et qui, de plus, est prêt à défendre le français en tant que langue internationale, ne montre-t-elle pas toute la traîtrise et la collaboration dont les Français sont capables ? Nous avons honte pour vous. Distinti saluti.
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CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BICÊTRE
78, rue du Général Leclerc Neuroradiologie vasculaire Pr. P. LASJAUNIAS Dr RODESCH Dr ALVAREZ Secrétariat : |
ASSISTANCE PUBLIQUE HÔPITAUX DE PARIS
Bicêtre, le 15 mars 2000
Monsieur le Président,
Il m'est difficile de répondre à des affirmations du type « chaque fois que l'homme a voulu unifier de grands ensembles, la dictature est apparue... » Cette réflexion qui paraît juste, ne s'applique en fait à pas grand-chose : pas à la vision moderne des mathématiques, de l'astronomie, à la mise en place du système métrique, à la géographie terrienne, aux règles de sécurité aéronautique, à l'heure universelle... Cette vision effrayante de « la mondialisation à l'anglo-saxonne s'emparant de notre planète » me parait plutôt du domaine de l'hystérie prédicatrice que de l'analyse responsable. Comme d'autres le problème des langues me préoccupe. La langue française sera d'autant moins « en danger » que l'esprit français, et certaines valeurs auxquelles je suis personnellement attaché, pénétreront le monde non francophone et entreront dans le domaine réel de la culture. Tout autre choix serait réducteur et contraire aux principes humanistes de notre culture. Faire du français le pré-requis de l'échange, c'est l'exclure. Le français (comme l'anglais) a contribué (et continue) à faire disparaître des langues. Le vrai combat est donc la défense des langues en général, pas une en particulier. Sur les 6000 langues du monde, 96% d'entre elles ne sont parlées que par 4% de la population. C'est alors croire pouvoir faire survivre une langue sans sa culture. Votre vision réductrice de la langue, est incontestablement sectaire dans la forme et dans le fond. De fait, la langue anglaise me paraît plus exposée aujourd'hui, réduite au support de l'information, à la transmission des signes et non à celui plus de sa propre culture. Quant à la phrase « réduire la communication à une seule langue, c'est donc réduire la pensée humaine et réduire du coup les chances de trouver des solutions plurielles aux problèmes de demain ». Cette incantation ne s'applique en rien à la situation qui motive votre courrier et établit une confusion entre langue et pensée. L'amalgame devient là encore sectaire lorsque la punition s'annonce avec la « réduction des chances ». Menace sans fondement créant un climat de trahison, de culpabilité, de complot déjà entendu. La fin de votre courrier avec « la traîtrise et la collaboration des Français... », avec le parfum de délation qui a apporté ce courrier dépeint une dérive pseudo-culturelle xénophobe. J'imagine que vous ne cherchez pas systématiquement à faire des procès d'intention aux individus et qu'en tout état de cause vous vous êtes donné la peine de vérifier le sens véritable de la création d'un diplôme français pour former des élites non francophones, qui faute de quoi n'établiront jamais de relations avec la France. Car le problème n'est finalement pas tant la protection de la langue, que le partage de l'esprit humaniste. À titre de précision, le Président de la S.E.N.R. n'existe pas car le nom officiel de la société est SEN au début (1969) puis ESNR (1971) pour son règlement intérieur. L'anglais à l'ESNR est j'imagine une élégance rendue à ceux qui précisément n'ont pas la chance extraordinaire, ni le privilège de connaître la langue française. Enfin, je ne vous reconnais pas le droit « d'avoir honte » pour quiconque. Votre pseudo sens moral me paraît bien hégémonique, bien inquiétant et pour vous dire je suis convaincu qu'il sert l'opposé de la cause à laquelle il prétend être attaché. Je trouve votre dogmatisme digne d'un autre âge, il me rappelle singulièrement des périodes récentes de notre histoire.
Je pense précisément que
mon devoir d'agent public, est de
contribuer au
rayonnement de mon pays
et de sa culture partout
où cela est nécessaire et en particulier dans les pays
anglophones qui, sans les initiatives comme la nôtre,
auraient
continué de nous ignorer. Professeur Pierre Lasjaunias |