Sujet :

 Chanter en français !

Date :

21/02/2008

Envoi d'Aleks Kadar  (courriel : alekska(chez)gmail.com)     

Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez « chez » par « @ ».

 

Pauvre Claude Duneton, j'ai l'impression qu'il crie dans le désert.

L'anglais est hélas LA langue à la mode, la langue du rock. Les chansons en français, avec titre français, sont perçus comme ridicules, alors même que des chansons en anglais, ou avec titre en anglais, signifiant exactement la même chose, seraient du meilleur effet, du "hype". Voir l'exemple cité du crash d'avion.

Je vous épargne le commentaire (unique pour l'instant, mais il est possible de commenter en ligne) totalement anglo-colonisé.

Il ne manquerait plus que ces groupes français de musique renégats (= chantant en anglais) soient encouragés, primés, en France ! *

Pour info, ça a déjà été fait : Daft Punk et Air ont reçu la récompense de Chevalier des Arts et des Lettres de la part du Ministre de la Culture (française).

Pourquoi les considérer encore comme des groupes français ?

Il vaut encore mieux, à mon avis, qu'un chanteur français s'exile à l'étranger pour raisons fiscales, que ces groupes français préférant la langue des Stones à celle de Noir Désir.

* Sauf s'il s'agit du Pilori ou de la Carpette anglaise, pour lesquels les candidats se bousculent.

AK

 

Voici le soleil

S'il vous plaît, lisez ceci : « Après avoir résisté pendant des décennies à la chanson pop britannique et américaine en imposant des quotas pour soutenir ses « talents » locaux tels que Johnny Hallyday, la France adopte l'anglais comme langue du rock » , écrit, tout réjoui, un journaliste d'outre-Manche. « Une foule de groupes indigènes anglophones comme Aaron, Cocoon et Hey Hey My My s'emparent de la France de vive force, non pas avec quelques brides d'anglais mal fichu comme cela a été souvent le cas, mais avec de vrais textes de chansons en anglais, écrits et chantés par les artistes eux-mêmes. L'album d'Aaron, Articicial Animals Riding on Neverland , tout en anglais, s'est vendu à 200 000 exemplaires. L'album de Cocoon, My Friends all Died in a Planer Crash, a reçu le prestigieux prix CQFD attribué par Les Inrockuptibles, l'équivalent français du magazine britannique NME ».

Je coupe pour vous laisser reprendre votre respiration. Cela continue : « Pendant de nombreuses années, les chanteurs français n'ont pas osé chanter en anglais à cause d'un système de quotas qui oblige les radios à passer 40% de ses programmations en français, la moitié étant produite par de jeunes artistes. Le résultat est que les marques de disques françaises préféraient prendre des talents francophones plutôt que d'accepter la concurrence avec les Rolling Stones ou Cold Play. Toutefois les temps changent. Julien Garnier, le chanteur vedette de Hey Hey My My, a déclaré au journal Le Figaro que “les gens sont maintenant désinhibés là-dessus” . Il a ajouté : “Tout simplement c'est difficile de trouver un vrai langage pop en français. Dire “Here Comes the Sun ”, c'est génial, mais “ voici le soleil”, c'est nul” ».

Ce que vous venez de lire est un article paru au mois de novembre dernier dans un grand quotidien britannique. Je l'ai traduit pour vous car il importe de montrer l'autre face, parfaitement avouée (contrairement à ce que croient les optimistes en France), de l'anglicisation calculée de notre pays. Un mépris évident pour la chanson française se dégage clairement des propos du journaliste, pour lequel la langue anglaise doit être la langue naturelle des peuplades hexagonales. Seule existe la chanson en anglais, nommée expressément music industry. Pas de mystère non plus : sans les quotas, si gênants, imposés aux radios par la France (la détestable « exception française »), notre chanson n'existerait plus. Elle serait reléguée au rang de chants folkloriques indigènes; c'est le but des entrepreneurs de l'industrie musicale : liquider la concurrence.

L'opération requiert comme toujours la coopération active d'une minorité de Français collaborateurs du projet, qui voient leur intérêt financier dans la destruction de notre culture. On les flatte dans la presse étrangère comme nous flattions jadis les chefs de tribus africains afin de mieux les discipliner  le procédé est le même, il a déjà servi aux Romains. Il convient au public français de se déniaiser comme l'autre se « désinhibe » : la défense de notre langue n'est pas une marotte de vieux messieurs à parapluie ni de bonnes dames à chapeaux ; il s'agit de la protection vitale de notre identité la plus élémentaire, ainsi que de nos intérêts de base. Il s'agit de résister à une colonisation voulue et concertée pour des raisons platement économiques, comme toutes les colonisations sur la Terre.

Et puis si l'on allait au fond des choses on s'apercevrait vite de la quantité de poudre aux yeux que contiennent les déclarations de nos rockers à la mie de pain. Car voyons, il a raison, le jeune homme : un titre comme My Friends all Died in a Plane Crash, avec ses majuscules de grandeur et ses airs de poème dramatique en anglais, serait parfaitement ridicule en français. « Mes Amis sont tous Morts dans une Catastrophe Aérienne » ? Cela déclencherait un éclat de rire, au mieux, mais pas de ventes au guichet ! Il a raison, oui, il y a en français des grandiloquences qu'on ne peut pas prendre au sérieux.

Quant à Here Comes the Sun, dont M. Garnier se gargarise, ce n'est pas l'équivalent de « Voici le soleil » mais, selon le ton, de V'là l'soleil, ou Le soleil se pointe, ou Il est là, le soleil, ou ce qu'il plaira !... En tout cas, même en anglais, c'est d'une trouducuterie consternante ne prenons pas les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages !

Claude Duneton


 

Source : Le Figaro.fr, 21 février 2008

Possibilité de réagir :

http://www.lefigaro.fr/livres/2008/02/21/03005-20080221ARTFIG00201-voici-le-soleil.php
 

 

 

 

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