Sujet : L'Estonie défend sa langue
Date : 02/03/2007
Envoi d'Aleks Kadar  (courriel : aleks.kadar(chez)free.fr)   Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez "chez" par "@"

 

Que faut-il en penser ? L'Estonie va-t-elle trop loin ?
Amnesty International s'oppose à la politique en faveur de l'estonien ?
Une politique qui ne sert qu'à écarter les russophones du marché du travail ?

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AK

 

Source :

http://infoblog.samizdat.net/2007/02/28/estonie-la-police-de-la-langue-obtient-des-pouvoirs-de-harcelement-


Estonie. La police de la langue obtient des pouvoirs de harcèlement accrus

L’Estonie doit restreindre les pouvoirs discriminatoires de l’organe chargé de veiller à la bonne connaissance de la langue nationale, a déclaré Amnesty International. Dans une lettre adressée à Andrus Ansip, Premier ministre d’Estonie, Irene Khan, secrétaire générale de l’organisation, qualifie l’action de l’Inspectorat de la langue de «répressif et punitif par nature» et«contre-productif dans son objectif de promouvoir l’intégration sociale et la cohésion sociale

L’Inspectorat, créé en 1998, dépend du ministère de l’Éducation. Il veille à la bonne connaissance de l’estonien des employés du secteur public et privé, délivre des diplômes et détermine le niveau de connaissance minimum de la langue nationale requis par la loi. À cette fin, l’Inspectorat mène des opérations de contrôle, annoncées à l’avance ou non, y compris sur les lieux de travail.

La lettre d’Irene Khan est une réaction aux amendements apportés à la Loi sur la langue début février 2007 et qui seront applicables à partir du 1er mars de cette année ; ces amendements accordent à l’Inspectorat de la langue un pouvoir accru pour recommander le renvoi d’employés ne maîtrisant pas suffisamment bien l’estonien, obliger des personnes ayant déjà un certificat de langue à repasser un examen et annuler les certificats des candidats qui échoueraient lors de leur deuxième examen.

«Ces amendements signifient que les personnes membres de minorités ethniques se retrouveront en position encore plus vulnérable sur le marché de l’emploi», écrit Irene Khan dans sa lettre.

L’Estonie compte dans sa population une minorité linguistique relativement importante, majoritairement russophone, qui constitue près d’un tiers de la population. Les exigences particulièrement sévères de l’Estonie en matière de connaissance de la langue nationale pour obtenir un emploi ont attiré les critiques des Nations unies et du Conseil de l’Europe, ainsi que des représentants de la société civile ; les minorités linguistiques se trouvent en effet désavantagées sur le marché du travail et touchées par le chômage de manière disproportionnée.

Amnesty International a, à plusieurs reprises, attiré l’attention des autorités estoniennes sur le fait que de nombreuses personnes appartenant à des minorités linguistiques avaient peur et se sentaient harcelées par l’Inspectorat de la langue et que la nature répressive et punitive de l’Inspectorat de la langue empêche la réalisation des droits humains pour tous en Estonie.

Une résidente de Tallinn a récemment fait parvenir à Amnesty international le courrier électronique suivant :
«Je travaillais avant comme chauffeur de taxi mais j’ai perdu mon emploi à cause de l’Inspectorat de la langue. Ils vous convoquent à la commission des transports pour la moindre infraction au code de la route et là, les dames de l’Inspectorat de la langue vous attendent. Tout est planifié. Ils ne convoquent que ceux qui parlent russe. Ils peuvent vous licencier, non parce que vous travaillez mal, non parce que des passagers se sont plaints mais parce que vous ne parlez pas bien l’estonien. J’ai trois enfants, un prêt à rembourser et un mari alcoolique mais personne ne s’en soucie. Je dois payer pour prendre des cours de langue et ce n’est pas donné – deux à trois mois de salaire. Comment est-ce que je vais vivre ? Est-ce que ça, ce n’est pas de la discrimination ?»

Amnesty International demande instamment au gouvernement estonien de réexaminer les derniers amendements apportés à la Loi sur la langue et d’envisager une approche plus constructive de l’intégration linguistique, par exemple en proposant des cours d’estonien gratuits ou pris en charge pour tous, plutôt qu’en mettant en place des mesures répressives, punitives et en fin de compte, aliénantes, telles que celles employées par l’Inspectorat de la langue.

Source : http://web.amnesty.org/library/Index/FRAEUR510012007

 

Claude Piron :

Les Occidentaux comprennent mal les réactions des Baltes. Mais être passés des nazis aux soviets et avoir vu les occupants mépriser la culture nationale et chercher à l'éradiquer n'est pas facile à digérer, surtout si l'on considère que cette politique d'infériorisation s'est accompagnée de la déportation vers l'Asie centrale du tiers ou de la moitié de la population, et de l'arrivée massive de gens du pays voisin qui a tout fait pour se faire craindre, et donc haïr. Les russophones sont certes des victimes, mais pour la population réellement indigène, ils sont la plaie non refermée que l'histoire a laissée.

Le fait est que les russophones ont toujours refusé d'apprendre la langue du pays. Ils étaient là en colons, sûrs de leur supériorité, et n'ayant que mépris pour la langue des indigènes. Sinon, ils n'auraient pas eu de problème d'emploi et d'intégration lorsque les pays baltes ont reconquis leur indépendance. Ils auraient été bilingues comme l'étaient tous les Lituaniens, tous les Lettons, tous les Estoniens. Mais l'idée qu'ils étaient dans un pays estimable doté d'une culture intéressante ne leur est jamais venue à l'esprit. Bien sûr, cette inconscience a été nourrie par l'État soviétique, mais du point de vue des Baltes, ils auraient dû comprendre qu'ils n'étaient pas chez eux et se poser quelques questions. Que penseraient les Français si, depuis la fin de la guerre, le tiers ou la
moitié de la population était germanophone et incapable de s'exprimer en français même pour acheter un pain et un litron de gros rouge ?

Il y a certainement injustice. Mais il faut aussi avoir de la compréhension et de la compassion. J'ai un ami estonien -- enfin, j'avais, il est décédé -- qui s'est marié à 20 ans en 1938. Il a été fait prisonnier par les Allemands, puis capturé par l'Armée rouge et n'est revenu du Goulag, la santé complètement démolie, qu'en 1960. Sa femme l'avait attendu avec une patience digne de Pénélope. Leur vie après les retrouvailles a été très psychologiquement très heureuse, bien que matériellement et socialement très difficile. Mais ne demandez pas à des gens qui ont vécu cela de donner des chances égales aux anciens occupants qui n'ont jamais eu le moindre égard pour la culture et l'identité nationale des autochtones.

Je ne suis pas sûr qu'Amnesty International ait la bonne réaction dans ce cas. Il vaudrait mieux laisser passer du temps. Entretenir le sentiment d'injustice et la haine n'est pas constructif. N'est-ce pas un de ces cas où il y a un énorme décalage entre les principes, la théorie, tout à fait excellents, et la réalité du vécu concret ?

Anna Maria Campogrande :

Parce que Amnesty International est vendue depuis longtemps à l'anglais, rien que le nom!

C’est pourquoi j’ai toujours gardé les distances avec Amnesty, je leur ai même écrit que je collaborerai avec eux lorsque l’association s’appellera « Amnistia Internazionale ». Il n’y a pas des petits combats !

 

Dominique :

NON, NON, NON ET NON!!! L'Estonie ne va pas trop loin! 

J'appuie l'Estonie et nous devrions peut-être prendre exemple sur elle. D'ailleurs, dans le cas de la Lettonie, dont la Présidente est aussi Québécoise,
s'est inspirée de la Loi 101 du Québec. Qui sait, notre Loi 101 a fait des petits dans les pays baltes on dirait !

http://www.ordre-national.gouv.qc.ca/membres/nominations_etrangeres.htm#vikefreiberga
http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/europe/lettonie-3polminor.htm

 

C'est une immense fierté qui me remplit en voyant que les pays baltes prennent exemple sur le Québec, et même vont plus loin ! 

Je me demande si Toubon l'a lue notre Loi 101 avant de rédiger la sienne ! Revenons à nos moutons.

Qu'est-ce que les Russes font en Estonie! L'URSS est démantelée, donc le réflexe logique pour les Russes s'y trouvant est de partir! Ah, ils peuvent rester
s'ils en ont envie, l'Estonie est civilisée. Ils sont bien chanceux d'être tolérés dans les pays baltes, des décolonisations se sont faites autrement dans le passé. Pensons à l'Algérie, où certains Pieds noirs recevaient de petits dessins avec, en haut, un avion, et en bas, un cercueil. T'acceptes la politique linguistique de l'Estonie, ou tu fous le camp, c'est pas bien compliqué.

Ces action drastiques sont justifiées étant donné le fragile équilibre démographique: je ne connais pas la composition des minorités en Estonie, mais au Québec, avec environ 20% de minorités (8% d'anglos), l'équilibre est extrêmement précaire. Et dans ce 20%, des immigrants francophiles comme les Arabes et les Africains aident à maintenir l'équilibre ; l'Estonie n'a pas le privilège d'avoir une langue au rayonnement international. En fait, la situation serait plus simple sans ce 8% d'anglos, qui sont un véritable boulet et une épine dans le pied. S'ils pouvaient foutre le camp ou s'assimiler ! J'imagine que l'Estonie
ressent la même chose envers les Russes.

Au Québec, je considère qu'il n'y a pas en réalité de minorité anglophone. Il n'y a pas de minorité russe dans les pays baltes ; ils n'y a que des immigrant que l'on n'a pas assimilés !

J'aimerais que je Québec prenne exemple sur les pays baltes !

Ça ne vous dirait pas d'en faire autant en France ?

N'avez-vous pas l'impression qu'il y a un ménage à faire ?

Il faut condamner sans détour toute action d'Amnesty(ie) International contre l'Estonie et contre la Loi Toubon, de même que la France doit mettre tout
son poids dans le Conseil de l'Europe afin qu'à défaut d'appuyer leur politique, que le Conseil de l'Europe ait la décence de se taire ! 

TAISEZ-VOUS!


Christian Tremblay :

 À noter qu'Amnesty International ne conteste pas la légitimité de la politique linguistique de l'Estonie, ni la législation estonienne dans son ensemble mais plutôt certaines ses modalités. Le communiqué se termine par : "Amnesty International demande instamment au gouvernement estonien de réexaminer les derniers amendements apportés à la Loi sur la langue et d'envisager une approche plus constructive de l'intégration linguistique, par exemple en proposant des cours d'estonien gratuits ou pris en charge pour tous, plutôt qu'en mettant en place des mesures répressives, punitives et en fin de compte, aliénantes, telles que celles employées par l'Inspectorat de la langue."

Par ailleurs, ce qui est plus particulièrement visé, ce sont les droits des travailleurs et le fait que les dispositions adoptées soient plus répressives et discriminatoires qu'incitatives.

Si l'on fait une comparaison avec la loi 101 du Québec, on observera que la loi 101 comporte surtout des obligations pour les employeurs et des protections pour les salariés. Par exemple l'article 45 dit ceci : "Il est interdit à un employeur de congédier, de mettre à pied, de rétrograder ou de déplacer un membre de son personnel pour la seule raison que ce dernier ne parle que le français ou qu'il ne connaît pas suffisamment une langue donnée autre que la langue officielle ou parce qu’il a exigé le respect d’un droit découlant des dispositions du présent chapitre."

Les contextes sont évidemment différents, mais les dispositions incriminées évoquent plus les méthodes qui étaient celles de l'ancien occupant, que celles d'un Etat démocratique et il est fortement à craindre qu'elles desservent les objectifs mêmes de la législation estonienne sur la langue.

La meilleure preuve en est que le titre même du communiqué d'Amnesty International, par l'effet bien connu de l'amalgame, est de nature à diffuser une image négative des luttes pour les droits linguistiques quand elles s'écartent de la conception anglo-saxonne qui les réduit et les identifie aux droits des minorités ethniques.

 

didier.janot :

Le véritable problème est que les anglophones se comportent en terrain conquis, contrairement aux locuteurs d'autres langues.

Les 8% d'anglophones du Québec, et les quelques pourcents d'anglophones européens qui monopolisent les postes de responsabilités dans les multinationales européennes, sont beaucoup plus dangereux pour les langues que le tiers de russophones d'Estonie et autres minorités linguistiques ailleurs,
comme par exemple les hispaniques aux États-unis.

Il risque d'être difficile de convaincre Anmesty international de lutter contre la domination de l'anglais dans la mesure où tous les postes de responsabilité de cette organisation sont monopolisés par des anglophones, et que cette organisation n'imagine probablement pas, ou ne veut pas imaginer, que dans le domaine linguistique, il existe également des atteintes aux droits de l'homme.

Mais cela n'empêche pas de dénoncer ce comportement.

 

 

 

Le français qui gagne (année 2007)