Témoignage de Mme
Dans le train qui me rammenait de Paris à Bruxelles, bondé et rempli d'anglophones qui s'adressaient au personnel de bord, d'office, en anglais, j'étais furieuse, lorsque une jeune femme à l'accent britannique, non pas américain, m'a demandé, en anglais, si la place à coté de la mienne était libre, je lui ai repondu, en français, que je ne comprenais pas l'anglais. Elle a fait une crise hystérique en me couvrant d'insultes comme quoi j'étais « bête », en français, et d'autres amenités moins comprensibles. Elle n'a pas arreté tout au long du voyage de remouer sur l'affront que je lui avais fait. Mon silence ne faisait qu'attiser davantage son mécontentement.
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En mars dernier j'avais envoyé à la liste le récit d'un incident analogue dans le train entre Luxembourg et Bruxelles. Pour le cas où vous ne l'auriez pas vu, je le recopie ci-dessous. Les Anglo-Saxons sont des gens de haute caste, qui s'attendent à ce que tous les autres -- les parias -- fassent la totalité des efforts et soient à leur disposition. Voici la scène en question :
Un homme, type athlétique, 35 ans environ, s'installe avec
un immense sac qu'il pose devant lui sur la banquette. Le
contrôleur, très jeune, lui fait remarquer en français qu'il
occupe trois places à lui tout seul et qu'il devrait en
payer au moins une de plus, ou qu'alors il mette son sac
dans l'un des endroits prévus à cet effet, par exemple dans
le porte-bagages d'en haut. L'homme répond en anglais, sans
dire un mot pour s'excuser de parler cette langue, que c'est
dangereux, que son sac est très lourd et que s'il tombait
sur un voyageur, il pourrait le tuer. Le contrôleur lui dit
poliment qu'il comprend le français, l'allemand, le
néerlandais et un peu le luxembourgeois, mais qu'il ne
comprend pas l'anglais. Le voyageur le regarde d'un air
interdit, comme si jamais de sa vie il n'avait vu un
mammifère aussi bizarre. Le contrôleur disparaît alors, puis
revient avec un collègue plus âgé. Celui-ci explique en
français que le règlement oblige à payer une place dans ces
conditions-là. L'Anglo-Saxon hausse le ton, insulte en
anglais les deux contrôleurs, regarde les autres voyageurs
d'un air entendu, cherchant manifestement une connivence, un
appui qu'il ne trouve pas. Le contrôleur âgé, qui, de toute
évidence, comprend l'anglais, reste calme et ferme, en
français. L'autre prend une pose menaçante, comme un boxeur
qui va ne faire qu'une bouchée de son adversaire, et
répond en termes tellement humiliants que le contrôleur,
toujours calme, dit en français à ce monsieur qu'il dérange
toutes les personnes présentes et que s'il n'obéit pas il
sera obligé de le faire descendre du train à la prochaine
gare et d'appeler la police. Le mot
Les deux contrôleurs partis, le voyageur se lève et se
lance dans un grand discours en anglais, expliquant à la
cantonade que ces contrôleurs sont des imbéciles, qu'ils
font ce travail parce qu'ils n'ont pas fait d'études et
qu'ils seraient incapables de faire autre chose que des
trous dans des billets. À
aucun moment il ne demande aux gens s'ils comprennent
l'anglais. Personne ne bronche. Manifestement dépité de ne
trouver aucun allié, il finit son discours (toujours en
anglais, bien sûr) par
Je vous prie de m'excuser si je vous ennuie avec cet incident banal, mais j'ai tellement senti l'attitude du conquérant dans un pays conquis, de l'occupant chez l'occupé, que cela me soulage de partager ce vécu tout récent avec vous. Ce qui était le plus frappant, c'est que pas une seconde l'idée n'a effleuré cet individu qu'il n'était pas chez lui, qu'il aurait pu commencer ou par s'excuser ou par demander poliment au contrôleur s'il parlait anglais. Ce que mon récit ne peut pas rendre, c'est le ton de cet homme. L'arrogance, l'absence totale de doute quant à son bon droit. Chaque syllabe, et chaque regard, suintaient le mépris. J'aurais vaguement pu comprendre cette attitude s'il avait été sous l'influence de l'alcool, mais de toute évidence ce n'était pas le cas. J'ai hésité à intervenir, mais je ne l'ai pas fait. Je crois que ç'aurait été entrer dans son jeu. Je ne sais pas si j'étais particulièrement vulnérable (j'étais très fatigué), mais cette histoire m'a fait l'effet d'un coup de poing dans l'estomac et je n'en suis pas encore tout à fait remis.
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Bien sûr ! Le droit inaliénable, imprescriptible d'un natif anglophone est de pouvoir s'exprimer en anglais partout sur la planète et, encore plus, de recevoir une réponse a ses questions dans la même langue !
De nos jours, ne culpabilisons-nous pas les jeunes chaque
fois qu'ils hésitent devant un texte en anglais ? Dans les
écoles d'ingénieurs, ne distribuons-nous pas souvent de la
documentation en anglais que les étudiants sont censés
étudier sans sourciller ? Les cours d'anglais ne sont-ils
pas devenus obligatoires de facto ? Les langages de
programmation ne sont-ils pas en anglais ? Ainsi que, au
moins, 50% des chansons diffusées par la radio ? Ne nous
rappelle-t-on pas constamment dans la publicité télévisée,
dans les concours eurovision, dans les élections de
« Miss
» Monde, dans les tournois de tennis et bien d'autres
Soulignons encore que, en France, l'université de technologie de Compiègne offrait, il y a quelques années du moins, un cours sur le droit européen et les institutions européennes en anglais, bourrant encore le crâne des jeunes cadres que, sans l'anglais, on ne pouvait même pas fonctionner a Bruxelles !
Il est évident que nous avons crée des conditions dans
lesquelles les anglophones natifs se sentent désormais les
Ici, au Vietnam, depuis le début de la décennie 90,
l'apprentissage de l'anglais est devenu obligatoire dans
toutes les écoles du pays. Lorsque je marche dans la rue, je
ne peux pas faire 200m sans qu'un jeune gamin croit me
complimenter en me lançant un
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