Sujet :

L'anglais, langue des maîtres !

Date :

04/12/2007

Envoi d' Anna-Maria campogrande  (courriel : anna-maria.campogrande(chez)skynet.be)

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Témoignage de Mme Anna Maria Campogrande

Dans le train qui me rammenait de Paris à Bruxelles, bondé et rempli d'anglophones qui s'adressaient au personnel de bord, d'office, en anglais, j'étais furieuse, lorsque une jeune femme à l'accent britannique, non pas américain, m'a demandé, en anglais, si la place à coté de la mienne était libre, je lui ai repondu, en français, que je ne comprenais pas l'anglais. Elle a fait une crise hystérique en me couvrant d'insultes comme quoi j'étais « bête », en français, et d'autres amenités moins comprensibles. Elle n'a pas arreté tout au long du voyage de remouer sur l'affront que je lui avais fait. Mon silence ne faisait qu'attiser davantage son mécontentement.

 Il était clair que, dans sa tête, elle donnait pour escompter que je connaisse l'anglais et que j'avais dit que je ne le connaissais pas parce que je ne voulais pas parler avec elle. Ce qu’elle considerait inacceptable. L’idée que mon geste pouvait avoir été tactique pour l’inviter à s’exprimer dans une autre langue que la « sienne », ne l’a même pas éfleurée.

 

***

 

Témoignage de Claude Piron (courriel : c.piron(chez)bluewin.ch)

En mars dernier j'avais envoyé à la liste le récit d'un incident analogue dans le train entre Luxembourg et Bruxelles. Pour le cas où vous ne l'auriez pas vu, je le recopie ci-dessous. Les Anglo-Saxons sont des gens de haute caste, qui s'attendent à ce que tous les autres --  les parias -- fassent la totalité des efforts et soient à leur disposition.

Voici la scène en question :

Un homme, type athlétique, 35 ans environ, s'installe avec un immense sac qu'il pose devant lui sur la banquette. Le contrôleur, très jeune, lui fait remarquer en français qu'il occupe trois places à lui tout seul et qu'il devrait en payer au moins une de plus, ou qu'alors il mette son sac dans l'un des endroits prévus à cet effet, par exemple dans le porte-bagages d'en haut. L'homme répond en anglais, sans dire un mot pour s'excuser de parler cette langue, que c'est dangereux, que son sac est très lourd et que s'il tombait sur un voyageur, il pourrait le tuer. Le contrôleur lui dit poliment qu'il comprend le français, l'allemand, le néerlandais et un peu le luxembourgeois, mais qu'il ne comprend pas l'anglais. Le voyageur le regarde d'un air interdit, comme si jamais de sa vie il n'avait vu un mammifère aussi bizarre. Le contrôleur disparaît alors, puis revient avec un collègue plus âgé. Celui-ci explique en français que le règlement oblige à payer une place dans ces conditions-là. L'Anglo-Saxon hausse le ton, insulte en anglais les deux contrôleurs, regarde les autres voyageurs d'un air entendu, cherchant manifestement une connivence, un appui qu'il ne trouve pas. Le contrôleur âgé, qui, de toute évidence, comprend l'anglais, reste calme et ferme, en français. L'autre prend une pose menaçante, comme un boxeur qui va ne faire qu'une bouchée de son adversaire, et répond en termes tellement humiliants que le contrôleur, toujours calme, dit en français à ce monsieur qu'il dérange toutes les personnes présentes et que s'il n'obéit pas il sera obligé de le faire descendre du train à la prochaine gare et d'appeler la police. Le mot « police », prononcé particulièrement clairement, fait de l'effet. L'homme finit par soulever son sac et par le mettre, en rouspétant, dans le porte-bagages.

    Les deux contrôleurs partis, le voyageur se lève et se lance dans un grand discours en anglais, expliquant à la cantonade que ces contrôleurs sont des imbéciles, qu'ils font ce travail parce qu'ils n'ont pas fait d'études et qu'ils seraient incapables de faire autre chose que des trous dans des billets. À aucun moment il ne demande aux gens s'ils comprennent l'anglais. Personne ne bronche. Manifestement dépité de ne trouver aucun allié, il finit son discours (toujours en anglais, bien sûr) par « Mais qu'est-ce que c'est que ce pays de sauvages ! », puis il se renfrogne dans son coin, l'air complètement dégoûté.

    Je vous prie de m'excuser si je vous ennuie avec cet incident banal, mais j'ai tellement senti l'attitude du conquérant dans un pays conquis, de l'occupant chez l'occupé, que cela me soulage de partager ce vécu tout récent avec vous. Ce qui était le plus frappant, c'est que pas une seconde l'idée n'a effleuré cet individu qu'il n'était pas chez lui, qu'il aurait pu commencer ou par s'excuser ou par demander poliment au contrôleur s'il parlait anglais. Ce que mon récit ne peut pas rendre, c'est le ton de cet homme. L'arrogance, l'absence totale de doute quant à son bon droit. Chaque syllabe, et chaque regard, suintaient le mépris. J'aurais vaguement pu comprendre cette attitude s'il avait été sous l'influence de l'alcool, mais de toute évidence ce n'était pas le cas. J'ai hésité à intervenir, mais je ne l'ai pas fait. Je crois que ç'aurait été entrer dans son jeu. Je ne sais pas si j'étais particulièrement vulnérable (j'étais très fatigué), mais cette histoire m'a fait l'effet d'un coup de poing dans l'estomac et je n'en suis pas encore tout à fait remis.

 

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Témoignage de Charles Durand (courriel : charles.durand(chez)hotmail.fr)

Bien sûr ! Le droit inaliénable, imprescriptible d'un natif anglophone est de pouvoir s'exprimer en anglais partout sur la planète et, encore plus, de recevoir une réponse a ses questions dans la même langue !

Speak White, parle la langue des maîtres !De nos jours, ne culpabilisons-nous pas les jeunes chaque fois qu'ils hésitent devant un texte en anglais ? Dans les écoles d'ingénieurs, ne distribuons-nous pas souvent de la documentation en anglais que les étudiants sont censés étudier sans sourciller ? Les cours d'anglais ne sont-ils pas devenus obligatoires de facto ? Les langages de programmation ne sont-ils pas en anglais ? Ainsi que, au moins, 50% des chansons diffusées par la radio ? Ne nous rappelle-t-on pas constamment dans la publicité télévisée, dans les concours eurovision, dans les élections de « Miss » Monde, dans les tournois de tennis et bien d'autres « événements » que la langue des gens civilises est l'anglais et rien d'autre que l'anglais, comme les Québécois a qui l'on disait encore il n'y a pas si longtemps « Speak White ! » ?

Soulignons encore que, en France, l'université de technologie de Compiègne offrait, il y a quelques années du moins, un cours sur le droit européen et les institutions européennes en anglais, bourrant encore le crâne des jeunes cadres que, sans l'anglais, on ne pouvait même pas fonctionner a Bruxelles !

Il est évident que nous avons crée des conditions dans lesquelles les anglophones natifs se sentent désormais les « élus », le « haut du panier » qui sont seuls dignes des honneurs. On doit leur montrer du respect et de la déférence. Lorsqu'un anglophone natif a parle, tout est dit. Il n'y a plus rien a rajouter.

Ici, au Vietnam, depuis le début de la décennie 90, l'apprentissage de l'anglais est devenu obligatoire dans toutes les écoles du pays. Lorsque je marche dans la rue, je ne peux pas faire 200m sans qu'un jeune gamin croit me complimenter en me lançant un « hello » car on lui a mis dans le crâne que tous les occidentaux doivent nécessairement parler anglais. Alors que j'ai pour habitude de saluer les gens en vietnamien, je m'amuse beaucoup de l'expression interloquée de ces jeunes quand je leur réponds, en français bien sur, « Salut ! Comment vas-tu ? ». Avant 1990, le salut et l'ouverture au monde venaient du russe. Maintenant, c'est de l'anglais et, demain, peut-être du chinois à moins que nous ne cassions une fois pour toutes la certitude que l'acquisition d'une seule langue n'est en aucun cas un « sésame, ouvre toi ! » définitif et planétaire. C'est plutôt pour moi, bien au contraire, un asservissement, comme nous pouvons tous le voir aujourd'hui.

 

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Témoignage de Brigitte

Pourquoi ne pas leur rendre la pareille ? Adressons nous à eux en français (ou en italien, en espagnol, en allemand, etc.) et harcelons-les s'ils ne peuvent nous répondre dans la même langue !

Moi-même, j'ai déjà été interpellée dans le métro par un touriste anglophone ne prenant pas la peine de demander « Do you speak ... ? » avant ! Pour la peine, je l'ai regardé en haussant les épaules sans répondre ! La prochaine fois, je répondrai en français « on est en France, on parle français » tout haut, et il y de fortes chances que beaucoup de Parisiens approuvent !

Car, Anna-Maria, de notre côté, la révolte gronde de plus en plus : l'autre jour, une amie, que je n'avais pas vu depuis quelques mois, tenait un stand pour des ventes de Noël de charité (pour les enfants malheureux). Devant un jeu artisanal, mais au nom anglais, je lui disais mon désaccord de principe. Elle m'a dit que chez elle, son mari en a marre de devoir utiliser souvent l'anglais à son travail, surtout avec des non-anglophones (Français parfois), son grand fils qui fait des études de journalisme doit aussi  « s'appuyer l'anglais » et sa fille a carrément décidé malgré tout d'abandonner l'anglais pour l'espagnol dans ses études !

Donc, à part quelques "collabos" admiratifs de ce si beau et si riche pays les États-Unis, beaucoup de soumettent mais contre leur gré ! Et
s'ils commencent à nous faire le coup du « Speak White » comme au Québec (la situation que vous avez connue me fait penser au récit d'un Québécois qui avait le malheur de demander le service dans sa langue auquel il avait le droit, il fut aussi victime d'une harpie !), qu'ils continuent alors, nous serons de plus en plus nombreux à nous révolter, nous Français, mais vous aussi, les autres Latins !

Soyons dignes de nos ancêtres et de notre réputation de volcaniques !

Vous êtes digne, Anna-Maria, je pense que moi, j'aurais explosé devant cette vipère ! Je pense de plus en plus que nous devons nous serrer les coudes, en
premier, nous, Latins ! Si tous les Français, Italiens, Espagnols, Portugais et Roumains se mettent à étudier des rudiments des autres langues latines et à parler entre eux en mélangeant (l'idéal est bien sûr de parler ces autres langues parfaitement mais tout le monde n'est pas toujours très doué) et en ajoutant tous les locuteurs de ces langues hors d'Europe, cela formerait un bon groupe, un sacré groupe même ! Dans un deuxième temps, je ne désespère pas de voir les Nordiques suivrent l'exemple ! Bien sûr, nous formerions au début des groupes séparés et il faudrait éviter les rivalités, mais nous n'en sommes pas encore là! Il faut bien commencer par quelque chose de sympathique et facile au début, le principal étant déjà d'enrayer cette immonde progression du tout à l'anglais et ce malaise, cette humiliation qui en découlent !

Car, quand nous prenons un transport en commun, que nous avons payé, c'est pour se reposer, profiter du paysage, lire un bon livre ou dormir, pas pour être harcelé par des fous furieux, des nouveaux nazis !

 



 

 

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