Sujet :

le dilettantisme linguistique de la Commission européenne

Date :

30/10/2007

Envoi d' Anna-Maria campogrande  (anna-maria.campogrande(chez)skynet.be)

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Association Athéna : Association pour la défense des langues officielles de la Communauté européenne.

 

Le Dilettantisme linguistique de la Commission.

 

La discrimination linguistique, pratiquée par la Commission, dans l’organisation des Concours de Recrutement devient, de plus en plus, intolérable pour la grande majorité des citoyens européens et mine, à la base, la fonction publique européenne et son efficacité.

Le système linguistique, inventé dernièrement par EPSO, service préposé à l’organisation des concours, prévoit la tenue des épreuves uniquement en allemand, anglais et français avec l’obligation, pour tous, de maîtriser une de ces trois langues et de s’exprimer dans une langue autre que sa propre langue maternelle.  Cette obligation, pour la sélection, non pas de linguistes mais de fonctionnaires spécialisés dans les différentes disciplines (juristes, économistes, scientifiques etc.), non seulement discrimine la plus part de langues officielles y inclus les grandes langues de culture de l’Europe et pratiquement tous les citoyens européens de toute nationalité, mais elle se retourne contre la Commission elle-même, parce que, loin de permettre le recrutement des meilleurs candidats, avantage seulement ceux qui connaissent « certaines » langues, arbitrairement choisies par la Commission. En faits, Les connaissances linguistiques doivent constituer un atout en plus, elles ne peuvent, au contraire, interférer dans l’évaluation des qualités et mérites professionnels spécifiques des candidats.

Ce système est entaché d’une telle perversité que, au sein d’une Europe qui se réclame multilingue, un citoyen Lituanien qui maîtriserait le  hongrois et le français pourrait participer aux concours de la Commission, alors que un citoyen français qui maîtriserait l’italien et l’espagnol ne pourrait pas y être  admis. Il témoigne, entre autre, d’une dangereuse absence de flair politique dans la promotion de l’image des institutions européennes auprès du citoyen, notamment des jeunes. Comment la Commission croit-t-elle que ces nouvelles exigences pourront être perçues, par exemple, par les citoyens des anciens États Membres accoutumés, depuis la création de l’Europe communautaire, à la tenue des concours dans leur langue maternelle ?

Le dilettantisme des organisateurs est tel que, lors de la publication du dernier concours général, le système des trois langues a été durci davantage rejoignant le comble de son absurdité et la publication dans le JOCE en a été faite seulement en allemand, anglais et français, en laissant les locuteurs de toute autre langue dans la totale ignorance de l’« Avis de concours ».

À ce sujet, deux membres italiens du Parlement Européen, MM Alfredo Antoniozzi et Aldo Patricello, ont posé deux questions écrites au Conseil de Ministres, lequel a répondu, conjointement aux deux, en disant qu’il s’agissait d’une erreur qui devait être corrigée. Cette réponse concerne, naturellement, toutes les langues officielles des États Membres et, de ce fait, il y a lieu d’attendre, dans les prochains jours, la publication des « Avis de concours » au Journal Officiel dans toutes les langues officielles de la Communauté Européenne.

Dans l’intérêt de la Commission et de la fonction publique européenne, dans son ensemble, Athéna demande un retour à la clairvoyance du système antérieur qui misait sur les capacités intellectuelles et les compétences des candidats, à savoir : l’organisation des concours dans toutes les langues officielles en sorte que les épreuves concernant le domaine de compétence spécifique se déroulent dans la langue maternelle des candidats et que les connaissances linguistiques fassent l’objet d’épreuves ad hoc, séparées.

 

 

Anna Maria Campogrande,

Présidente

Comité Exécutif

Athéna, chez Action et Défense

Commission Européenne

Joseph II 79, 10/216

1049 Bruxelles

Belgique

Tél. : 0032 (0)2 29 92224 

Portable : 0032 (0)479 413338

Courriel : athena@swift.lu

 

 

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Enquête

Couacs aux concours européens

Des concours pour accéder à la fonction publique européenne ont dû être repoussés en raison de la publication des avis de concours dans seulement trois langues.

Cent cinquante postes de fonctionnaires européens, en CDI et rémunéré à 4 012 euro nets par mois, dans le secteur de l’information, la communication et les medias. La perspective est enviable -d’autant plus à l’ère de la précarité de masse- pour la douzaine de milliers de candidats déclarés « aptes » par l'EPSO, le bureau européen de sélection du personnel. Nom de code de l’avis, publié le 28 février 2007 ? « EPSO/AD/94/07 ».  « AD5 » pour les intimes.

L’italien snobé

Seul problème dans une procédure pourtant bien huilée : le bureau de recrutement n’avait publié l’offre qu’en anglais, en français et en allemand, omettant ainsi les 20 autres langues officielles de l’UE. Une violation en bonne et due forme des traités européens, qui imposent la publication de ces avis dans toutes les langues reconnues par Bruxelles. Parmi ces idiomes figurent notamment l’italien que la Commission continue de snober.

Le 20 juin dernier, au grand étonnement des candidats, une lettre leur parvient, précisant que pour cause d’ « omission administrative », la période d’inscription à concourir est réouverte, et sa clôture reportée du 28 mars au 18 juillet. Et l’avis qui suit se retrouve publié dans les 20 autres langues et non dans les ‘19’ autres langues comme l’avait d’abord annoncé l’EPSO, commettant ainsi un étrange lapsus.

Cet incident ne fait que confirmer l’insuffisante familiarité de certains services de la Commission avec le multilinguisme. L’eurodéputé Alfredo Antoniozzi, gardien notoire de la langue de Dante, a été le premier à souligner ces couacs. Dans sa question du 14 mai à la Commission -dont dépend l’EPSO- cette figure du parti conservateur « Forza Italia » passait à l’offensive : « Derrière le choix de publier les avis uniquement en trois langues se cache une volonté de réitérer de façon aggravée l’omission de publier en italien, en l’occurrence rien de moins qu’un concours public ».

Protestation sur laquelle a renchéri le Parlement européen, en se montrant encore plus sévère à l’égard de la Commission, par la voix de la socialiste María Isabel Salinas García. « Étant donné que le précédent concours pour administrateurs « EPSO/AD/25/05 » avait donné lieu à des erreurs caractérisées […], la Commission ne juge-t-elle pas opportun de contrôler plus étroitement le fonctionnement de son agence EPSO ? »

Administration chaotique

« Le problème », raconte un dirigeant expérimenté de la Commission, « est que les retards chez nous sont dus à une administration chaotique et à une mauvaise gestion des traductions, phénomène aggravé au cours des dernières années par l’entrée de douze nouveaux pays dans l’UE». Ces États ont amené dans leurs valises des langues telles que le maltais ou le slovène, auxquelles l’Irlande en 2007 a voulu ajouter le gaélique, à la grande joie des passionnés de culture celte…

Pourtant, selon ce haut fonctionnaire européen, une importante contradiction se fait jour : « bien que les traités européens prévoient clairement l’égalité des langues, seuls l’anglais et le français sont réellement utilisées dans les couloirs des institutions. Quand bien même chacun aurait l’opportunité de communiquer dans sa langue, on peut considérer qu’à la fin, on opte toujours pour l’anglais ».

Tandis que le débat sur le multilinguisme des institutions se ravive – multilinguisme qui avait coûté 511 millions d’euros en 2005 –, le site d’EPSO reste pour l’heure traduit en anglais, en français et en allemand. Entre-temps, le concours AD5 suit son chemin. En attendant les résultats prévus pour juillet 2008.

 

Chiara Puletti

 Bruxelles

 Traduction : Julien Hue

 

Source : cafebabel.com, le 31/10/2007

 

 

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Réaction de Mme Anna Maria Campogrande :

Le « dirigeant expérimenté de la Commission » mentionné dans l’article de Chiara Puletti sur Cafebabel est de mauvaise fois et vise, vraisemblablement, l’imposition de la langue unique.

Pour ce qui est de la situation chaotique, au sein de l’Administration européenne, c’est le règne de Neil Kinnock, qui a régit, neuf ans durant, les Services Linguistique et Administratifs de la Commission, qui l’a laissée sur les genoux, notamment, par la création de services tels qu’EPSO, qui misent sur une déraisonnable économie d’argent au détriment de la professionnalité, ainsi que par le démantèlement des Services linguistique qui ont été pendant longtemps les plus qualifiés et performants du monde.

En effets, dans les couloirs de la Commission Européenne on parle beaucoup de langues, en dépit d’une orientation très claire de la hiérarchie, toute nationalité confondue, à imposer l’anglais. Si l’on veut faire partie de l’ « Establishment » il faut parler anglais et le promouvoir à tout prix, je pourrais écrire un livre à ce sujet.

Le français reste, malgré tout, la langue véhiculaire, la plus connue, la plus parlée, la mieux maîtrisée pour écrire de textes qui aient un sens,  on parle aussi beaucoup italien, espagnol, allemand et néerlandais. Dans mon syndicat les réunions se tiennent, le plus souvent, en italien. Les fonctionnaires de la Commission ont été, de tout temps, plurilingues et ils le sont toujours. Il va de soi que, si le plurilinguisme ne constitue plus une valeur de l’Europe communautaire, si l’on continue à imposer l’anglais comme on le fait actuellement et que les États membres, locuteurs des grandes langues de culture, laissent faire, les fonctionnaires plurilingues disparaîtront peu à peu et, au bout d’un certain temps, il n’y en aura plus. 

Il ne s’agit pas du tout d’un processus naturel, comme certains voudraient le laisser croire. Bien au contraire, il y a une forte opposition interne qui est systématiquement jugulée. Il est à rappeler, en particulier, que l’ensemble des syndicats, dans une consultation avec la Direction Générale de l’Administration, qui a eu lieu avant l’été, ont déclaré qu’ils n’accepteraient plus, de la part de la DG Admin., des documents en anglais, qui leur étaient imposés depuis quelque temps, et qu’il fallait revenir au français que tout le monde maîtrisait mieux, y inclus les fonctionnaires de la DG Admin.

Il est tout à fait clair, vu de l’intérieur, que depuis quelques années il y a une volonté d’imposer l’anglais et que toute sorte de menaces pèsent sur les fonctionnaires et agent qui s’y opposent. À titre d’exemple, les fonctionnaires belges, qui sont en surnombre et donc dans une position parfois délicate en terme de promotion vers les postes d’encadrement, ont tout de suite viré à l’anglais y inclus lorsqu’ils ne le maîtrisent pas bien. Il y a eu, en outre, un véritable exode de fonctionnaires francophones, hautement qualifiés, qui ont du partir à la retraite anticipée parce que leur situation était devenue intenable.

La réalité est que l’anglais est la langue européenne la moins apte à servir l’administration publique, au vu de son manque de clarté et de précision et dont la logique n’est pas toujours compatible avec celle d’un esprit latin. De ce fait,  l’imposer à des fonctionnaires qui ne la maîtrisent pas bien, notamment du fait qu’elle n’est pas leur langue maternelle, revient à faire précipiter au plus bas niveau la qualité du travail de La Commission et des autres institutions européennes.

Ce que nos Pays, les États membres fondateurs, les Pays des grandes cultures européennes tels qu’ Italie, France, Allemagne, Espagne, Autriche, Belgique, ont laissé et laissent faire, en matière de langues, au sein des institutions européennes, relève, à mon avis, de l’irresponsabilité et s’apparente à un crime contre l’humanité, à un génocide de l’esprit : le génocide linguistique et culturel de l’Europe.

 

 

 

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