Enquête
Couacs aux concours européens
Des concours pour accéder à la fonction publique européenne ont dû être repoussés en raison de la publication des avis de concours dans seulement trois langues.
Cent cinquante postes de fonctionnaires européens,
en CDI et rémunéré à 4 012 euro nets par mois, dans
le secteur de l’information, la communication et les
medias. La perspective est enviable -d’autant plus à
l’ère de la précarité de masse- pour la douzaine de
milliers de candidats déclarés « aptes » par
l'EPSO, le bureau européen de sélection du
personnel. Nom de code de
l’avis, publié le 28 février 2007 ?
« EPSO/AD/94/07
». «
AD5 »
pour les intimes.
L’italien snobé
Seul problème dans une procédure pourtant bien huilée : le bureau de recrutement n’avait publié l’offre qu’en anglais, en français et en allemand, omettant ainsi les 20 autres langues officielles de l’UE. Une violation en bonne et due forme des traités européens, qui imposent la publication de ces avis dans toutes les langues reconnues par Bruxelles. Parmi ces idiomes figurent notamment l’italien que la Commission continue de snober.
Le 20 juin dernier, au grand étonnement des candidats, une lettre leur parvient, précisant que pour cause d’ « omission administrative », la période d’inscription à concourir est réouverte, et sa clôture reportée du 28 mars au 18 juillet. Et l’avis qui suit se retrouve publié dans les 20 autres langues et non dans les ‘19’ autres langues comme l’avait d’abord annoncé l’EPSO, commettant ainsi un étrange lapsus.
Cet incident ne fait que confirmer l’insuffisante familiarité de certains services de la Commission avec le multilinguisme. L’eurodéputé Alfredo Antoniozzi, gardien notoire de la langue de Dante, a été le premier à souligner ces couacs. Dans sa question du 14 mai à la Commission -dont dépend l’EPSO- cette figure du parti conservateur « Forza Italia » passait à l’offensive : « Derrière le choix de publier les avis uniquement en trois langues se cache une volonté de réitérer de façon aggravée l’omission de publier en italien, en l’occurrence rien de moins qu’un concours public ».
Protestation sur laquelle a renchéri le Parlement
européen, en se montrant encore plus sévère à
l’égard de la Commission, par la voix de la
socialiste María Isabel Salinas García. « Étant
donné que le précédent concours pour administrateurs
« EPSO/AD/25/05
» avait donné lieu à des erreurs
caractérisées […], la Commission ne juge-t-elle pas
opportun de contrôler plus étroitement le
fonctionnement de son agence EPSO ? »
Administration chaotique
« Le problème », raconte un dirigeant expérimenté de la Commission, « est que les retards chez nous sont dus à une administration chaotique et à une mauvaise gestion des traductions, phénomène aggravé au cours des dernières années par l’entrée de douze nouveaux pays dans l’UE». Ces États ont amené dans leurs valises des langues telles que le maltais ou le slovène, auxquelles l’Irlande en 2007 a voulu ajouter le gaélique, à la grande joie des passionnés de culture celte…
Pourtant, selon ce haut fonctionnaire européen, une importante contradiction se fait jour : « bien que les traités européens prévoient clairement l’égalité des langues, seuls l’anglais et le français sont réellement utilisées dans les couloirs des institutions. Quand bien même chacun aurait l’opportunité de communiquer dans sa langue, on peut considérer qu’à la fin, on opte toujours pour l’anglais ».
Tandis que le débat sur le multilinguisme des institutions se ravive – multilinguisme qui avait coûté 511 millions d’euros en 2005 –, le site d’EPSO reste pour l’heure traduit en anglais, en français et en allemand. Entre-temps, le concours AD5 suit son chemin. En attendant les résultats prévus pour juillet 2008.
Chiara Puletti
Bruxelles
Traduction : Julien Hue
Source : cafebabel.com, le 31/10/2007
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Pour ce qui est de la situation chaotique, au sein de l’Administration européenne, c’est le règne de Neil Kinnock, qui a régit, neuf ans durant, les Services Linguistique et Administratifs de la Commission, qui l’a laissée sur les genoux, notamment, par la création de services tels qu’EPSO, qui misent sur une déraisonnable économie d’argent au détriment de la professionnalité, ainsi que par le démantèlement des Services linguistique qui ont été pendant longtemps les plus qualifiés et performants du monde.
En effets, dans les
couloirs de
Il ne s’agit pas du tout
d’un processus naturel, comme certains voudraient le laisser croire.
Bien au contraire, il y a une forte opposition interne qui est
systématiquement jugulée. Il est à rappeler, en particulier, que
l’ensemble des syndicats, dans une consultation avec
Il est tout à fait clair,
vu de l’intérieur, que depuis quelques années il y a une volonté
d’imposer l’anglais et que toute sorte de menaces pèsent sur les
fonctionnaires et agent qui s’y opposent. À
titre d’exemple, les fonctionnaires belges, qui sont en surnombre et
donc dans une position parfois délicate en terme de promotion vers les
postes d’encadrement, ont tout de suite viré à l’anglais y inclus
lorsqu’ils ne le maîtrisent pas bien. Il y a eu, en outre, un véritable
exode de fonctionnaires francophones, hautement qualifiés, qui ont du
partir à la retraite anticipée parce que leur situation était devenue
intenable.
La réalité est que l’anglais est la langue européenne la moins apte à servir l’administration publique, au vu de son manque de clarté et de précision et dont la logique n’est pas toujours compatible avec celle d’un esprit latin. De ce fait, l’imposer à des fonctionnaires qui ne la maîtrisent pas bien, notamment du fait qu’elle n’est pas leur langue maternelle, revient à faire précipiter au plus bas niveau la qualité du travail de La Commission et des autres institutions européennes.
Ce que nos Pays, les