Sujet :

Université française de langue anglaise au Vietnam !

Date :

20/01/2004

D'Alfred Mignot (AlfredMignot@voxlatina.com)

 

Hanoï, le 18 janvier 2004 – Ami de Vox Latina et entrepreneur à Hanoï, André SPONTINI nous alerte sur un projet dont la stupidité masochiste est digne du livre des records : le gouvernement français s’apprête à cofinancer à Hanoï une université internationale « française » où l’enseignement sera à 80 % dispensé en anglais ! Francophones de tous les pays, unissons nos efforts pour contrer ce projet honteusement anti-francophone !

AU VIETNAM, LA FRANCE S’APPRÊTE À COFINANCER UNE UNIVERSITÉ « FRANÇAISE » À 80 % EN LANGUE ANGLAISE !
par André SPONTINI

Hanoï, le 18 janvier 2004 – A priori, le projet d’université internationale française au Vietnam (UIFV,1) frappe l’imagination. Souvent taxée de frilosité à l’international dans ses entreprises commerciales comme dans sa politique, la France semble vouloir s’affirmer dans un domaine très compétitif.

Le titre du projet souligne sa volonté forte d’exporter son système d’enseignement supérieur à l’étranger, et d’être présente sur le marché international de la formation universitaire. Dans les milieux diplomatiques français au Vietnam, et également à la chambre de commerce franco-vietnamienne, on en parle depuis des mois.

Le projet vient finalement d’être présenté à titre officiel par M. Nguyen Quoc Khanh, un Vietnamien ayant fait ses études supérieures en France et ancien directeur de la Shell au Vietnam. M. Nguyen Quoc Khanh a travaillé en collaboration avec Brigitte Berlioz-Houin de Paris-Dauphine en partenariat avec les grandes écoles de Paris pour la définition de l’offre pédagogique et Antoine Pouilleute, ambassadeur de France à Hanoï, en préside actuellement le comité de pilotage.

Une forte demande des classes moyennes émergentes

Le Vietnam est effectivement un pays presque idéal pour la mise en œuvre d’un tel projet. Depuis dix ans, ce pays émergent affiche un taux de croissance économique stable de 6 à 7% par an. Ravagé par les guerres et retardé dans son développement par le dirigisme économique communiste, on y voit maintenant, suite à la libéralisation du commerce et de la production, l’émergence d’une classe moyenne solvable qui recherche pour sa progéniture les meilleures formations techniques et universitaires.

Les universités vietnamiennes demeurent encore très mal financées et les professeurs, qui sont payés seulement pour les cours qu’ils donnent, n’ont guère la possibilité de se maintenir à niveau, en raison du nombre d’heures qu’ils sont obligés d’enseigner pour assurer leur subsistance. Dans les disciplines scientifiques et techniques, l’équipement fait défaut et ce qui est disponible est souvent périmé.

Tout cela incite les familles d’un certain niveau de revenus à considérer des études universitaires à l’étranger pour leur progéniture et elles ne comptent pas nécessairement sur les bourses. C’est ainsi que le nombre d’étudiants vietnamiens qui partent en France pour effectuer un cursus complet en université ou dans une école d’ingénieurs a grimpé en un an de près de 40% !

Pour capter la fraction des étudiants vietnamiens qui voudraient rester au Vietnam tout en bénéficiant d’un système de formation comparable à celui qu’ils peuvent trouver à l’étranger, l’idée de l’université internationale française a donc germé dans les esprits.

La formule centrée sur un enseignement scientifique et technique d’une part, et sur la gestion et l’administration des entreprises d’autre part, semble donc porteuse. Il ne s’agit plus d’un projet d’aide au développement mais de capter la demande des étudiants vietnamiens solvables intéressés par ce type de formation au sein d’une université strictement privée.

Le comité de pilotage français favorise l’enseignement en anglais

La formule mise au point n’imposerait pas de barrière linguistique au départ et permettrait aux étudiants admis de commencer à suivre leurs cours en vietnamien tout en suivant des cours de français et … d’anglais, leur permettant de suivre, par la suite, des cours dispensés dans une de ces langues.

Cependant, sans donner de justification particulière, le comité de pilotage prévoit d’ores et déjà que les filières francophones ne seront pas sélectionnées par plus de 15% des étudiants et que AU MOINS 85% des étudiants sortants ne parleront pas un mot de français, alors qu’ils auront un diplôme de l’UIVF !

On voit donc, en filigrane de cette prévision, que la structure organisationnelle prévue évincera de fait la plupart des enseignements en français qui auraient pu s’y faire.

L’argent des contribuables détourné au profit de « l’anglais über alles"

Il est bien évident que, même si une université affiche l’épithète « français », un organisme strictement privé a parfaitement le droit de faire ce qu’il entend. Cependant, les investisseurs ne se bousculant certainement pas au portillon, il sera demandé aux pouvoirs publics français des fonds de démarrage à hauteur de 10 millions d’euros minimum. D’ailleurs, il semble bien aujourd’hui que le nom d’UNIVERSITÉ INTERNATIONALE FRANÇAISE ait été conservé dans le seul but d’obtenir cette subvention aux frais des contribuables.

Ainsi, on demande aux Français, leurrés par un nom sous lequel on ne trouve presque plus rien de français, de financer dans les faits un organisme qui fonctionnera presque exclusivement en anglais.

Ce n’est pas une première. Le programme CFVG, Centre franco-vietnamien de formation à la gestion (2), a été créé à l’origine par des fonds dispensés par l’ambassade de France. Cette année, aucune classe en français du CFVG n’a ouvert à HoChiMinh ville et, à Hanoï, 20% des étudiants seulement sont dans la filière en français, le reste faisant ses études en anglais exclusivement !

Les organisateurs arguent du fait que les étudiants vietnamiens ne veulent plus étudier en français, sans se rendre compte que c’est en fait par l’ouverture de filières anglophones dans les programmes parrainés par la coopération française bilatérale que les programmes d’études en langue française ont été fortement dévalorisés par ceux qui, au départ, étaient censés en faire la promotion.

Le profane connaît bien l’effet rétroactif qui amplifie le son quand un micro est placé à proximité d’un haut parleur. L’impulsion sonore minuscule se transforme en un son strident et assourdissant. Par un simple effet de symétrie, les Français qui font l’offre d’une formation en anglais dévalorisent parallèlement leur formation équivalente en français et ce phénomène rétroactif accélère davantage l’abandon du français par des gens qui s’y seraient naturellement intéressés.

Lorsque les Français ne valorisent plus les formations dans leur propre langue, pourquoi les Vietnamiens ou d’autres étrangers devraient-ils encore s’y intéresser ? Quel peut être l’intérêt d’une langue qui est abandonnée par ses propres locuteurs alors que la langue véhiculaire joue probablement son rôle le plus important précisément dans le domaine de la formation ?

Une ignorance lamentable…

La spécificité de la formation " à la française " est tout d’abord celle de la formation EN langue française qui oblige l’étudiant à réfléchir selon des schémas mentaux conformes à cette langue et dans lesquels se représentent les connaissances à transmettre. La communication par le biais d’une langue fait toujours référence à la culture qu’elle sous-tend. À l’exception peut-être de quelques sujets étroitement techniques et de modes d’emploi, affirmer que le même message passe quelle que soit la langue utilisée est une absurdité totale.

Même le matériau enseigné lorsqu’on fait des mathématiques n’est pas le même puisque, en dépit des formules, le message passe par les représentations que l’on se fait des mots et les champs sémantiques ne se recouvrent au mieux que très partiellement d’une langue à l’autre. Même les langages informatiques de programmation ont leurs spécificités qu’aucun informaticien aujourd’hui n’oserait remettre en question !

Affirmer de plus que l’on peut enseigner " à la française " en anglais relève de l’imbécillité pure ou d’une ignorance profonde des mécanismes linguistiques, d’autant que cette fameuse " formation à la française " est de plus en plus alignée sur les normes anglo-américaines ! De plus, oser concurrencer des locuteurs natifs qui ont l’avantage énorme de pouvoir correctement exprimer leurs messages à des étudiants qui sont au moins autant intéressés à maîtriser la langue d’enseignement que de faire l’acquisition de connaissances spécifiques relève d’un défi dont l’absurdité est évidente pour tous les étrangers, vietnamiens compris !

Georges Pompidou affirmait que, si nous reculons sur notre langue, nous serons emportés purement et simplement. Cet agrégé de lettres savait de quoi il parlait. On est effaré par l’ignorance et la naïveté de ceux qui, aujourd’hui, dépensent l’argent public pour accélérer, bien inconsciemment, l’effacement de la nation française de la scène internationale, tout en croyant qu’ils effectuent, au contraire, un excellent travail. Ignorance des mécanismes linguistiques, ignorance de l’indissociabilité des langues et des cultures, ignorance de la psychologie des étrangers avec lesquels ils traitent et ignorance, bien sûr, des langues étrangères autres que l’anglais…

Jacques Chirac doit se rendre en visite officielle au Vietnam à l’automne 2004. Tous ses brillants diplomates au Vietnam s’attendent à ce qu’il inaugure cette UNIVERSITÉ INTERNATIONALE FRANÇAISE et qu’il y annonce une forte subvention de l’État français en faveur de son développement rapide.

Ce projet doit être arrêté ou, tout au moins, en tant que projet privé, toute demande d’aide d’État doit être considérée comme incongrue et totalement rejetée. D’ailleurs, les investisseurs privés ne se bousculent pas au portillon et l’absence d’une subvention de l’État français sera sans doute suffisante pour enterrer définitivement le projet dans sa forme actuelle.

On ose espérer que les projets de développement d’université française à l’étranger soient mis un jour dans les mains de gens réellement compétents et qui veulent servir leur nation. L’aliénation grandissante de nos " élites " actuelles et leurs allégeances tacites les rend totalement inaptes à les entreprendre.

André Spontini,
entrepreneur à Hanoï,
le 18 janvier 2004
 

1 - Voir aussi www.uifv.com

2 - Voir aussi www.cfvg.org



Francophones de tous les pays, unissons-nous pour contrer ce

projet stupide et honteusement anti-francophone !

Manifestez-votre soutien en adressant votre courriel à :

AlfredMignot@voxlatina.com
en vue de présenter une large pétition de protestation auprès du gouvernement français.


(Dans vos messages, merci de préciser votre identité et adresse, sans quoi les soutiens ne sont pas retenus pour authentiques.)