Sujet :

Convention de l'UNESCO, soyons vigilants !

Date :

29/10/2005

D'Albert Salon (courriel : albertsalon(chez)noos.fr)  

Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez « chez » par « @ ».

La convention de l'UNESCO adoptée en octobre 2005 sur la « diversité culturelle » :

Soyons extrêmement vigilants, car cette victoire bien incomplète est très fragile !

Convention de l'UNESCO sur la protection des culturesIl faudra plusieurs années, avant de savoir si ce texte permettra aux pays de protéger véritablement leurs industries culturelles.

Les acquis principaux du texte ne sont pas négligeables : il reconnaît que les biens et les services culturels ne sont pas des marchandises comme les autres, ne relèvent donc plus de la seule compétence de l'OMC, et que les États ont le droit d'aider financièrement leurs industries culturelles, et de les protéger.

C'est un grand progrès, alors que les États-Unis se sont opposés, jusqu'au dernier moment, à cette reconnaissance, afin de maintenir leur pesante hégémonie dans ces domaines, notamment cinématographiques, qui sont leur principale source de recettes d'exportation, avant les industries aéronautiques et de l'armement.

Seuls les États-Unis et Israël ont voté contre cette convention approuvée par 151 pays (et deux abstentions).

C'est une victoire de la France, perçue comme telle aux États-Unis et ailleurs. Mais rappelons que c'est, à l'origine, un combat du Québec, sous le chapeau du Canada fédéral qui a certes soutenu activement mais tire beaucoup la couverture à lui sans trop mentionner l'État du Québec, pourtant moteur.

Une victoire québécoise, dont la première étape fut remportée lors des négociations de 1987-88 sur l'ALENA (Association de Libre Échange Nord-Américain), avec les États-Unis et le Mexique.

Une victoire, ensuite, de la coopération bilatérale franco-québécoise, manifestée par des accords des deux Premiers Ministres en 1998, puis par leur action commune, à l'initiative du Forum francophone international, au Forum Social Mondial de février 2002 à Porto Alegre.

Une victoire, enfin et surtout, de la Francophonie multilatérale, d'abord au Sommet francophone d'octobre 1993 à Port-Louis qui prit une position commune entraînante sur l' "exception culturelle" menant à une victoire dans les négociations de 1994 sur le "Cycle de l'Uruguay" de ce qui était encore le GATT (AGETAC, en français), prédécesseur de l'OMC, puis au Sommet francophone d'octobre 2002 à Beyrouth.

Il est, du reste, étrange que le rôle de l'OIF (Organisation internationale de la Francophonie), et de son Secrétaire Général M. Abdou Diouf, n'ait pas été mis davantage en valeur.

L'ancienne Ministre québécoise des relations internationales, Mme Louise Beaudoin, a qualifié le texte voté d' "entente à minima". Selon elle, le texte ne permettra pas à la vingtaine de pays qui ont signé des accords commerciaux bilatéraux avec les États-Unis de remettre en cause les articles portant sur la culture. Il faut savoir que Washington exerce d'énormes pressions pour signer avec de faibles partenaires des accords dans lesquels ils incluent la renonciation aux protections  des industries culturelles nationales. Ils comptent bien persévérer.

Or, la convention UNESCO n'a pas de valeur réellement contraignante en droit international, et n'a pas préséance sur les autres traités, notamment ceux de l'OMC (Organisation mondiale du commerce), avec lesquels elle pourrait entrer en contradiction.

On peut craindre aussi que l'absence d'organe de règlement des différends ne favorise à terme l'OMC.

Enfin, cette convention, pour entrer en vigueur, doit être ratifiée par au moins trente États. La plupart des observateurs estiment qu'il en faudrait beaucoup plus pour lui donner un poids réel. Les pays n'ont aucun délai précis pour ratifier. Certains pourraient prendre des années. On peut s'attendre à ce que les États-Unis pèsent de tout leur poids pour empêcher ou retarder au maximum la ratification.

Louise Beaudoin : «Les Américains n'ont perdu que la première manche. Espérons qu'ils vont perdre la bataille». 

Pour cela, les diplomaties canadienne, française, et surtout l'OIF, ont un rôle important à jouer, en pressant la grande majorité des pays membres de la Francophonie, avant même leur prochain Sommet de 2006 à Bucarest, de ratifier la convention, pour qu'elle devienne au plus vite effective, avant d'être privée de ses soutiens naturels un par un.

Les associations françaises et étrangères sensibilisées peuvent et doivent contribuer à ce « service après vente ». Elles en ont fourni une première preuve le 9 octobre à Villers-Cotterêts, en organisant sous l'égide du FFI-France et d'élus locaux de Picardie, une grande manifestation de soutien à la phase finale des négociations à L'UNESCO.

300 personnes à l'arrivée sous le balcon du beau château de François Ier, pour les discours, puis pour le déjeuner-débat fort nourri, après 4 km de marche sous un soleil radieux. Il y avait là beaucoup d'élus locaux, de responsables d'associations et de mouvements de France, de Wallonie, de Flandre, d'Allemagne, du Québec. Ce n'est pas négligeable, compte tenu du thème, de l'éloignement de Paris comme de Meudon et de la Courneuve, de Bruxelles, de Liège, de Mons et de Charleroi, de Berlin et de Brême (deux dirigeants influents du "Verein deutsche Sprache", association amie d'outre-Rhin pour la défense de l'allemand en Allemagne), de Montréal, de Delémont, de Colmar, de Troyes et d'Auxerre, du Pas de Calais, de Marseille aussi (une adjointe au Maire de la Ville) et de Gand.

Intérêt des présences enregistrées et messages de soutien reçus, de hauts lieux : Mme C.Tasca, MM. R. Donnedieu de Vabres, R. Dutreil, J. Toubon, J. Legendre, J. Myard, J. Pelletier, Ph.Marini, A. Ferrand, B. Bourg-Broc, M. Druon, J. Dutourd, E. Orsenna, P-M. Coûteaux, P. Louis...

 

Albert Salon, ancien Ambassadeur,

 Président du FFI-France.

 

 

Haut de page