Sujet : Demain la Francophonie
Date : 19/03/2006
Envoi de :   Albert Salon (albertsalon@noos.fr)

 

 Voici un livre intéressant sur la Francophonie en cette « année Senghor » : celui de Dominique Wolton. En vous le recommandant, nous laissons la parole à Emmanuel Dupuy, qui nous livre ici ses « notes de lecture » :

 

Dominique Wolton, « Demain la francophonie », paris, éditions Flammarion, 2006, 195 pages, 15 euros

 

Le sociologue Dominique Wolton, que l'on ne présente plus, tant sa plume alerte nous a guidés sur les chemins d'avenir de cette francophonie, enjeu politique majeur, nous livre - en cette année du centenaire de la naissance du chantre de la négritude et l’ardant défenseur du projet francophone Léopold Sédar Senghor, à quelques mois de la tenue du XIe Sommet de la francophonie à Bucarest et alors que le festival « Francofffonies » débute en mars et battra jusqu'en octobre au coeur de la diversité culturelle - enfin reconnue comme enjeu majeur pour une mondialisation plus humaniste - un brillant plaidoyer pour ce formidable outil collectif pour mieux appréhender la diversité culturelle, l'intégration, la solidarité et le respect des identités plurielles qu'est l'enjeu linguistique dans les Relations internationales.

Demain la Francophonie ! Et si nous y étions déjà ? Car Dominique Wolton nous rappelle à travers tous les chapitres de ce livre ambitieux, qui se veut aussi un mode d'emploi, que la Francophonie est surtout une utopie concrète qui transcende bien des frontières idéologiques, à condition d'en combattre les idées reçues et d'en faire un levier politique, par exemple pour la politique extérieure de la France…

Le Directeur de la revue Hermès, décrit ainsi scrupuleusement quels sont les principaux fronts sur lesquels la francophonie évolue, entre réalités institutionnelles - à l'image d'un géopolitique complexe marquée par l'interdépendance-, richesse d'un réseau associatif militant marqué par sa jeunesse et hélas ! atermoiement fréquents d'une classe politique, volontiers défaitiste et prompte à classer la Francophonie comme un souvenir honteux de la puissance passée de la France.

Hier la francophilie, aujourd'hui la Francophonie, demain la Francophère ! Voilà en substance la synthèse qu'il faudrait retenir de cet ouvrage pour mieux nous préparer aux enjeux du futur.

Un des mérites de cet ouvrage est de replacer la Francophonie dans le contexte actuel. De ce fait c’est avant toute chose, un laboratoire politique dans lequel l'on peut puiser tous les remèdes qui pèsent sur nos sociétés marqués, entre autre, par le mythe de la société de l'information, comme l'auteur nous le rappelle inexorablement depuis la parution de « Penser la communication » (1997).

Fraternité, laïcité, humanisme, solidarité entre les peuples, intégration républicaine, diversité culturelle, dialogue des civilisations… ne sont que quelques unes des caractéristiques les plus prégnantes de cette réalité qui illustrent parfaitement ce « savoir-être » francophone, qui avec 175 millions de locuteurs francophones affirmés, féconde plus de 710 millions d'habitants dans 63 pays dans le monde.

L'auteur termine son ouvrage en rappelant aussi ce que la Francophonie n'est pas. Ni repli identitaire sur soi, ni nostalgie d'un passée révolu, qui comporte zones d'ombres et éléments positifs..., et encore moins substitut à l'intégration européenne. La « Francophonie puissance » (titre du livre de Michel Guillou, chez Ellpses, Paris, 2005) se veut ainsi le témoignage vivant qu'un autre monde est possible.

Dans ce sens, l'auteur appelle de ses vœux, pour la jeunesse de demain, d'ambitieuses réformes mentales et pratiques, qui verraient les technologies de l'information et de la communication se mettre au service de la francophonie dans l'Europe, dont incontestablement la France doit rester un des moteurs, alors même que le français, pourtant langue officielle tant au sein de l'ONU que de l'UE, y semble plus en péril que jamais, comme le laisserait à penser le terme qui peut sembler équivoque pour certains de « l'union dans la diversité ».

Dominique Wolton rappelle in fine qu'en se mobilisant en réseau, la Francophonie peut devenir enfin une communauté d'esprit et d'actes dont l'avenir s'inscrit plus au pluriel et dans la diversité, dans le droit fil de la formidable victoire obtenue à l'Unesco en octobre dernier, que dans une forme d'exception culturelle qui confine plus à l'exclusion, que d'aucuns nous acculent à subir en silence depuis quelques années.

Alors demain tous francophones pour bâtir un monde plus juste et des rapports entre les peuples plus équilibrés ?

 

Emmanuel DUPUY