Sujet :

Au sujet de la question linguistique européenne

Date :

26/10/2009

Envoi d'Athéna  (courriel : athena(chez)swift.lu)  

Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez "chez" par "@"

Au sujet de la question linguistique européenne

José Manuel Durao BarrosoÀ l'attention de : Jose-Manuel.BARROSO@ec.europa.eu

Copie à : Siim.KALLAS@ec.europa.eu, Leonard.ORBAN@ec.europa.euCatherine.Day@ec.europa.eu

 

Monsieur le Président,

 

Suite à la lettre que nous vous avons adressée le 5 Juin 2009, le Comité Exécutif d’Athena a été invités à rencontrer M. Nymand-Christensen, Directeur, responsable des questions institutionnelles, au Secrétariat Général, ce dont nous vous remercions.

Nous avons l’honneur de vous adresser, ci-joint, un document qui résume, de manière très succincte, les principaux blocages qui s’opposent à la réalisation du plurilinguisme et à la prise en compte de la richesse linguistique et culturelle de l’Europe au sein de la Commission, dans l’accomplissement de sa mission et dans ses relations avec les États Membres et avec les citoyens, que nous avons exposé lors de la rencontre avec M. Nymand-Christensen.

Les dérives, que nous constatons au sein des Services de la Commission, indiquent très clairement la nécessité d’une prise de conscience et d’une action au plus haut nivaux, pour cela nous vous invitons à prendre en main personnellement la question linguistique européenne et à en faire une priorité de la Commission Barroso II,  afin qu’elle puisse remplir, en ce domaine, fondamental pour l’enracinement de l’Europe et l’épanouissement du citoyen, son rôle de garante de l’intérêt générale et de gardienne des Traités.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre plus haute considération,

 

 

 Pour le Comité Exécutif                                                           Anna Maria Campogrande,

                                                                         Présidente

 

 

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Pro Memoria

 Éléments essentiels soulevés lors de la réunion

avec M. Jens Nymand-Christensen

concernant la question linguistique européenne.

 

                                                       

Bruxelles, le 13 Octobre 2009

 

 Le trilinguisme. Le trilinguisme (allemand, français, anglais), que la Commission affiche comme langues de travail (1), présente une faiblesse majeure constituée par le fait que ce choix n’est pas fondé sur des critères objectifs et univoques, énoncés et cohérents, en consonance avec le fonctionnement institutionnel et le dispositif des Traités. Il s’agit, en réalité, d’un trilinguisme de façade qui n’est pas fondé au point de vu légal, qui n’a pas de légitimité morale et cache une volonté ferme et constante d’imposer la langue unique. Un nombre incroyable d’entorses qui vont de la langue de rédaction des textes originaux, à celle des sites de la Commission, de la communication avec les citoyens à celle avec les États Membres, de la dénomination des bâtiments aux affichages, des conférences de presse de la Commission au  Bulletin du personnel, voir Commission en Direct, pour n’en citer que quelques-unes, témoignent de cette volonté.

 

Réunion du Collège. Le régime linguistique des réunions du Collège et des documents qu’il est appelé à examiner, fixé par le Président selon des besoins minimaux, établit, indirectement, une hiérarchie des langues officielles qui ne correspond pas au modèle de fonctionnement institutionnel instauré par les Traités. Il constitue une atteinte à l’identité des États Membres et à leur latitude dans la désignation de leurs Commissaires. En faits, les Commissaires ne doivent pas être, nécessairement, des linguistes, et les matières traitées par la Commission, souvent très techniques, requièrent une compréhension parfaite de toutes les nuances des textes et des prises de position, à un tel point qu’un seul mot peut, parfois, changer le sens de tout un texte. Plus grave encore : l’établissement des documents de travail toujours dans « la » ou « les » mêmes langues ne permet pas la participation harmonieuse de toutes les différentes cultures et identités dont les États Membres sont porteurs et, encore moins, l’assimilation dans toutes les langues des nouveaux concepts qui relèvent des problématiques du moment actuel et de l’évolution de la terminologie.

 

Langue de rédaction. Il est indispensable de multiplier et diversifier les langues de rédaction des textes originaux produits par les Services de la Commission, afin d’obtenir un travail de qualité enraciné dans la pluralité et la richesse culturelle de l’Europe, à l’avantage de tous les citoyens européens et afin d’éviter que le processus d’intégration ne se transforme en processus de colonisation. Il n’est pas acceptable que le plus grand nombre des textes originaux soit rédigé en anglais par des non-anglophones avec tous les aléas que cela comporte. La cellule de « correcteurs », instaurée au sein du Service de Traduction Anglais, pour rendre compréhensibles les textes boiteux, constitue un remède pire que le mal.

 (1) En totale contradiction avec la réglementation existante.

 

Accord avec l’Inde. L’accord que le Commissaire Leonard Orban a fait avec l’Inde sur la question linguistique, soi-disant, parce que l’Europe comme l’Inde est appelée à résoudre le problème de la cœxistence d’une vingtaine de langues dans son fonctionnement institutionnel, témoigne de la faiblesse de la Commission face à la convoitise des nouveaux colonisateurs. Le Commissaire et la Commission elle-même oublient que l’Europe n’est pas une ex-colonie britannique et, avant tout, qu’un bon nombre de langues des États Membres de la Communauté européenne ne sont pas de langues régionales locales mais de grandes langues de culture de niveau mondial.

 

Langues des Concours.  L’obligation, pour les institutions européennes, d’éviter des discriminations entre citoyens de différents États Membres, impose que les concours de recrutement se tiennent dans toutes les langues officielles et permettent aux candidats de s’exprimer dans leur propre langue maternelle pour ce qui est des matières de leur compétence. Les connaissances linguistiques, qui sont très importantes pour travailler efficacement au niveau européen, doivent faire l’objet de preuves séparées.  Il est surprenant que la Commission ne respecte pas toujours cette logique qui, seule, lui permet de s’assurer des qualités intellectuelles et de la formation des candidats.

 

Services Linguistiques. Les Services Linguistiques de la Commission ont été, depuis leur instauration et des années durant, les plus performants au Monde. Ils ont été démantelés et, en partie, privatisés sous le régime Kinnock et, par conséquence, requièrent une attention particulière de la part de la Commission qui doit les restaurer et leur rendre leur ancienne splendeur.  Il s’agit, en faits, de services d’une importance capitale, parce qu’ils constituent une structure cardinale du Service Public européen dans sa fonction de bras opérationnel de la démocratie, il faut qu’ils soient adéquats à la tache qui leur incombe, qu’ils soient performants et sous le contrôle direct de la Commission. Une revalorisation, visant l’excellence au service des citoyens européens, s’impose, elle est nécessaire et urgente, sous peine d’entretenir, face aux institutions des États Membres et à leur populations, le flou sur les institutions européennes, leur mission et leur action et d’accentuer la désaffection, de plus en plus marqué, du citoyen envers l’Europe. A noter que certains supports d’importance cruciale pour le bon fonctionnement des Services linguistiques, tel que l’office de terminologie, certaines bibliothèques et archives, ont été liquidés et doivent être rétablis.

L’argument financier n’est pas acceptable, il apparaît comme un simple prétexte. Dans une situation de rigueur budgétaire la Commission doit établir ses priorités, agencer correctement les domaines porteurs et laisser tomber tout ce qui est accessoire, tout ce qui ne constitue pas matière communautaire, tel que le financement de projets pour la diffusion et/ou l’enseignement de langues, même importantes, qui ne sont pas celles des Traités fondateurs.

 

Syper 2, mips, autres sites de la Commission, formulaires. Il s’agit d’instruments de travail, de papiers qui touchent aux dossiers personnels, de formulaires pour le fonctionnement interne et la gestion du personnel de la Commission. De ce faits, ces documents, selon la jurisprudence, devraient exister dans toutes le langues parce que ils sont susceptibles d’avoir une influence sur la situation et les droits des fonctionnaires.

 

Bulletin du Personnel. Le bulletin du Personnel devrait revenir à son origine lorsqu’il était appelé Courrier du Personnel et constituait un instrument de communication du personnel et pour le personnel de la Commission, avec des articles dans toutes les langues officielles sans aucune exclusion, selon les contributions des fonctionnaires et les besoins du moment. Actuellement il est quasi exclusivement en anglais avec, de temps à autre, des titres en français, même l’allemand y est exclu. Les manipulations pour préserver une position privilégiée à une seule langue sont simplement inacceptables au sein d’une institution qui se veut et se doit plurilingue. Seulement à titre d’exemple et pour dénoncer une situation de véritables abus, on peut rappeler le cas d’un fonctionnaire qui s’est vu refuser  un article en allemand sous prétexte que « traditionnellement » « Commission en Direct » était en français et anglais.

 

Dénomination des bâtiments de la Commission.  Encore une fois, l’anglais est partout et les critères font défaut. La Commission n’est pas une quelconque ONG, elle se doit d’agir sur la base de critères fondés, se dégageant du dispositif des Traités et qui aient une légitimité morale. Il pourrait s’agir de la langue ou des langues du Pays d’accueil, des langues des États Membres fondateurs, des langues des États Membres dont le poids démographique est le plus important ou, pourquoi pas, de toutes les langues officielles, celles des Traités. L’usage du seul anglais, de l’anglais et français, ou encore de l’anglais avec les langues des Pays d’accueil des institutions et de leurs émanations, ne se justifie nullement et porte en soi le goût amère de la colonisation.

 

Affichages. Il faut mettre un terme aux affichages publicitaires sur les bâtiments de la Commission toujours et uniquement en anglais.

 

Management. Il est nécessaire et urgent d’enrayer la dérive d’une fonction publique européenne démantelée et transformée en gestion privée, en « management », sous peine, pour la Commission, de ne plus disposer, à très court terme, de personnel formé pour exécuter les taches qui permettent à l’institution de remplir son rôle. L’Administration Publique n’est pas une entreprise, elle est le bras opérationnel de la démocratie, elle est au service des citoyens et de la justice sociale, sa mission dépasse totalement tout calcul simplement économique, tout intérêt personnel, parce qu’elle est vouée à assurer la prise en compte, la mise en place et la gestion de l’intérêt général. Son accomplissement lui impose de disposer de personnel compétent et permanent, doté de hautes qualités morales et formé à la composition des intérêts au service du bien commun.

 

« L’esprit communautaire » est le grand absent dans le fonctionnement, notamment linguistique, de la Commission de nos jours. Il est remplacé par une volonté, à peine cachée, de transformer le processus d’intégration en un processus d’aplatissement sur un modèle extra européen au détriment de la civilisation humaniste qui constitue le socle commun des Pays de l’Europe. Tôt ou tard, il faudra rendre compte au citoyen européen lequel, pour le moment, sommeille totalement désintéressé de ce qui se passe au sein des institutions européennes. Il va se réveiller lorsque les dérives du processus d’intégration seront allées aussi loin que commenceront à le toucher de près et à ce moment là une remise en question, même violente, est à craindre.

 

Code de bonne conduite. Athena est d’avis qu’un « Code de bonne conduite » pour l’usage des langues, au sein des Services de la Commission, dans ses relations avec Les Etats Membre et dans la communication avec les citoyens, sur une base de légalité et de légitimité morale, serait un instrument plus qu’utile, indispensable au bon fonctionnement de la Commission. Dans cette optique, Athena est disponible à préparer un projet et à le présenter à l’occasion d’un colloque, d’un séminaire ou au sein d’un groupe de travail de la Commission.

 

 Le Comité Exécutif d’Athena

 

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Catherine Day

 

 

 

 

 

 

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