Sujet :

Au sujet du Rapport Grin

Date :

13/11/2005

De Brigitte Laval  (courriel : zacaro(chez)wanadoo.fr)  

Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondante, remplacez « chez » par « @ ».

Au sujet du Rapport Grin, M. Grin répond à Mme Laval :    

François Grin au sujet du plurilinguismeProfesseur François Grin
ETI, Université de Genève
Directeur Adjoint, Service de la recherche en éducation (SRED)

12 quai du Rhône
CH - 1205 GENÈVE
Suisse - Schweiz - Svizzera - Svizra

Tél. : +4122-327-7051 (dir.)
ou : +4122-327-4296 (secr.)
Télécopie : +4122-327-5266
Courriel :
francois.grin@etat.ge.ch
Internet : http://www.geneve.ch/sred/

                  

Madame,

 

Votre courriel m'est parvenu, et vos remarques sont tout à fait pertinentes ; j'y réponds brièvement ci-dessous.

 

Cordialement

 

Madame Brigitte Laval : Monsieur, J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre avis n° 19 intitulé « Quelle politique linguistique pour quel enseignement des langues ? ». Je suis tout à fait d'accord avec votre analyse de l'hégémonie d'une langue (actuellement l'anglais), politique en effet tout à fait négative, coûteuse, et j'ajouterais humiliante. Vous apportez comme solution le plurilinguisme (2 ou 3 langues étrangères ne comprenant pas systématiquement l'anglais) appliquée dans toute l'Europe. En théorie, j'approuve cette solution. Mais tous les pays (nordiques, en particulier), suivraient-ils cela ? L'étude d'une langue étrangère est déjà contraignante, alors les gens accepteront-ils 3 langues (en plus de la bonne acquisition de la langue maternelle ou première) ?

 

 M. François Grin : La forme de scénario plurilingue que j'analyse (notamment pour en montrer les limites) suppose l'apprentissage de deux langues étrangères dans un panier de trois langues définies (A, B, C). Libre aux États d'en mettre davantage. Ce que je montre, c'est que même avec ces restrictions, la probabilité que l'intercommunication soit intégralement garantie chute très vite à mesure qu'augmente le nombre de personnes impliquées dans un échange (conférence, séance de travail, etc.)... donc que le plurilinguisme, MÊME très « cadré », n'est pas forcément une solution.

 

B.L. : Et comment un Hollandais ayant étudié l'allemand, l'anglais et le suédois, par exemple, communiquera-t-il avec un Italien ayant appris le français, l'espagnol et le portugais ?

 

F.G. : Dans la forme de scénario plurilingue que j'analyse, votre Hollandais aura appris deux langues parmi A, B et C, et votre Italien aussi. Ils auront donc au moins une langue en commun. Le problème commence dès que le nombre d'interlocuteurs augmente...

 

B.L. : Je crains donc que cette solution, si elle était adoptée, n'aboutisse hélas, (comme au sein de l'UE avec le trilinguisme théorique de travail français-allemand-anglais) au retour à plus ou moins brève échéance du monopole de l'anglais.

 

F.G. : Tout à fait. Le « plurilinguisme » est un régime instable, sauf s'il est flanqué de toutes sortes de mesures d'accompagnement, auxquelles on ne songe jamais... et qui ne seraient pas faciles à mettre en place.

 

B.L. : Par contre, vous présentez comme solution idéale l'espéranto, qu'hélas vous rejetez aussitôt comme inconcevable dans l'état actuel des choses.

 

F.G. : Cette « inconcevabilité » tient aux deux facteurs que j'énonce dans mon rapport : (1) étant donné l'ignorance assez répandue à ce propos, il y a rejet très fréquent ; (2) cette solution fonctionne s'il y a coordination, ou autre mécanisme qui assure une certaine convergence dans les stratégies d'apprentissage des langues par les acteurs sociaux. À part ça, il n'y a rien d'intrinsèquement inconcevable au scénario « espéranto ».

 

B.L. : Personnellement, j'apprends l'espéranto en autodidacte, et j'apprécie la facilité et la régularité de cette langue qui s'apprend de façon multiplicative et non additionnelle comme nos langues natives. De plus, vous affirmez que ce serait la solution la moins coûteuse ! Alors, où est le problème ?

 

F.G. : Cf. ci-dessus : (1) manque d'information, préjugés, etc. ; (2) nécessité d'une coordination sur le plan au moins européen.

 

 B.L. : Bien sûr, l'espéranto n'a pas de culture, elle ne peut ainsi nuire à aucune culture (contrairement à nos langues porteuses de cultures). Le problème ne vient-il pas plutôt de la méconnaissance du grand public ?

 

F.G. : C'est bien ce que je dis aussi dans mon rapport.

 

B.L. : Quand j'en parle autour de moi, la première réaction est en effet « qu'est-ce que c'est ? ». Ensuite, on compare souvent l'espéranto à l'euro, d'où la peur de voir disparaître nos langues après nos monnaies (ce risque existe avec l'anglais, je crois, pas avec l'espéranto qui ne désire qu'une chose : promouvoir toutes les langues et n'en voir plus jamais mourir). Avant de rejeter cette solution, que d'ailleurs dans votre rapport vous envisagez comme une solution à long terme (une génération), pourquoi ne pas utiliser les grands médias afin de la présenter à tous ceux qui ne « naviguent » pas sur l'Internet ?

 

F.G. : Aucun pays ne peut se lancer seul dans cette entreprise, sous peine de marginalisation immédiate et catastrophique. Cela doit être une politique coordonnée entre États.

 

B.L. : Quand elle serait enfin connue de la majorité, rassurée par son emploi de langue pont et non de langue unique, alors il serait possible de savoir si cette solution idéale est vraiment si inconcevable que cela ! Je pense le contraire, voyez-vous, et son application pourrait même être demandée à assez court terme. Car comme vous le dites, il est urgent de s'opposer au monopole d'une seule langue hégémonique. Merci du temps consacré à lire l'avis d'une simple citoyenne.

 

 

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Rapport Grin

 

 

 

 

 

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