Sujet : |
Quelles langues parleront
les Européens en 2025 ? |
Date : |
03/11/2007 |
De : Charles Durand
(courriel : charles.durand(chez)hotmail.fr) Mesure
anti-pourriels : Si vous
voulez écrire à notre correspondant, remplacez
"chez" par "@" |
L'adresse suivante vient de circuler sur un autre forum :
http://leap2020.eu/Quelles-langues-parleront-les-Europeens-en-2025-Tendances-lourdes-des-nouveaux-equilibres-linguistiques-dans-l-UE-d-ici_a1033.html
L'article en question, ainsi que d'autres publiés sur le site, surprend
par son contenu allant totalement à l'encontre des idées reçues.
Quelqu'un sait-il qui est derrière cette organisation et qui la finance
?
Charles Durand
Quelles langues parleront les
Européens en 2025 ?
Tendances lourdes des nouveaux
équilibres linguistiques dans l'UE
d'ici une génération
- Extrait GEAB N°13 (15 mars 2007) -
L'équipe LEAP/E2020 conduit
depuis plus d'une décennie
une analyse de terrain très
approfondie des tendances
lourdes affectant la sphère
linguistique dans l'UE.
Au-delà de l'intérêt
culturel de tels travaux,
LEAP/E2020 les conçoit
également comme des outils
d'aide à la décision tant
individuelle (parents pour
l'éducation de leurs
enfants) que collective
(institutions publiques
éducatives, universités,
états, entreprises
internationales). Les
stratégies individuelles et
collectives en matière
d'enseignement des langues
sont en effet des processus
de long terme requérant
d'effectuer des choix
fondamentaux près d'une
génération à l'avance. Et
les erreurs d'anticipation
en la matière se paient
lourdement par un décalage
ultérieur complet entre
l'offre et la demande
linguistiques, entre les
besoins socio-économiques
linguistiques (pour les
échanges commerciaux,
culturels, scientifiques et
politiques) et les aptitudes
de la population concernée.
Ces anticipations sont
également porteuses de
nombreuses conséquences
quant à l'évolution
politique de l'UE puisque
les langues ne sont pas des
instruments neutres de
communication mais bien les
véhicules de visions du
monde et de la société. Et à
travers ces tendances
d'avenir, on peut mieux
cerner de plus vastes
modifications qui vont
affecter le projet
communautaire (1).
L'évolution des grands
équilibres linguistiques
dans l'UE est bien entendu
fortement connectée aux
grandes tendances mondiales
en la matière (2), mais du
fait de sa structure
démocratique, de sa taille
démographique (500 millions
citoyens), de sa grande
diversité linguistique et de
l'ancienneté de ses langue,
l'UE est un espace
linguistique qui possède ses
propres logiques internes,
ancrées notamment dans une
longue histoire
d'interactions
linguistiques.
Pour LEAP/E2020, l'évolution
linguistique de l'UE pour
les 20 prochaines années est
ainsi déterminée par deux
contraintes historiques
fondamentales et cinq
facteurs stratégiques.
A- Deux contraintes
historiques fondamentales
1. Les peuples imposent
toujours in fine leurs choix
linguistiques à leurs
élites.
2. Les langues possèdent des
dynamiques internationales
fondées essentiellement sur
la puissance et
l'attractivité de leur
culture d'origine.
1. De la disparition du
Latin (à partir du XVIe
siècle), au reflux du
Français (à partir du XIXe
siècle) en passant par les
reflux de l'Allemand (après
1945) et du Russe (après
1989), l'histoire moderne de
l'Europe illustre sans cesse
combien les peuples ont
systématiquement imposé
leurs langues aux élites qui
très souvent avaient adopté
(plus ou moins librement)
des langues étrangères. La
nature démocratique de
chaque État membre de l'UE
ne fait que renforcer cette
"omnipotence dans la durée"
des peuples en matière
linguistique.
Le corollaire de cette
contrainte est que les
opinions ou desiderata de
ces mêmes élites en matière
linguistique n'ont de facto
aucun impact durable et de
ce fait n'ont aucune
capacité à programmer ou
anticiper l'avenir
linguistique de l'UE. En
revanche, dans une démarche
propre à la nature même des
« élites », elles sont
généralement à la recherche
de processus
d'identification les
différenciant du « peuple »
et sont donc naturellement
tentées d'adopter ou
d'utiliser des langues
étrangères qui leur assurent
cette différenciation.
2. La seconde contrainte
permet généralement de
définir le calendrier de
l'évolution imposée par la
première contrainte.
L'affaiblissement progressif
(ou brutal parfois) de la
puissance et de
l'attractivité de la culture
sous-tendant une langue
dominante détermine la
vitesse et l'ampleur de la
montée en puissance du
nouveau choix populaire :
qu'il soit celui de sa
langue nationale, ou celui
d'une nouvelle langue
dominante.
Ces deux contraintes
définissent donc le cadre
opérationnel dans lequel
s'inscrivent les évolutions
linguistiques à venir de l'UE.
B- Cinq facteurs
stratégiques
Dans le cas de l'UE,
l'équipe LEAP/E2020 a
identifié cinq facteurs-clés
qui vont façonner le visage
linguistique de l'UE d'ici
une génération:
1.
Le grand retour de la langue
allemande : La fin de
la division de l'Europe, la
recomposition de l'Europe
centrale qui en résulte et
l'éloignement croissant de
l'époque de la Seconde
Guerre Mondiale sont déjà en
train de favoriser la
résurgence de l'Allemand
comme l'une des grandes
langues trans-européennes
d'ici 2025. La
démocratisation en cours de
l'Union européenne
(importance croissante des
opinions publiques dans le
processus décisionnel
européen) sert aussi
directement l'importance de
la langue allemande qui est
utilisée par 100 millions de
« natifs ».
2.
La revitalisation de la
langue française : La
forte croissance
démographique française (et
de pays francophones à
l'origine d'une part
importante de l'immigration
dans l'UE) constitue déjà
une forte redynamisation du
français parmi les langues
trans-européennes. Avec près
de 80 millions de « natifs »
francophones, le français
est en effet devenu la
deuxième langue maternelle
dans l'UE et continue à
croître. L'éloignement
croissant de la période
1939/1945, qui a marqué un
effondrement de
l'attractivité du français
comme langue politique des
élites (3), joue aussi en
faveur de ce retour de
vitalité de la langue
française.
3.
La fin de l'anglo-américain
comme langue hégémonique de
la modernité : La fin
de l'ordre mondial créé
après 1945, dont l'actuel
effondrement de l'influence
des États-unis est le
dernier acte, supprime le
principal moteur qui a porté
en Europe (et dans le monde)
le développement de
l'utilisation de l'Anglais
(ou plus exactement de
l'Américain). Cette tendance
est renforcée par
l'affaiblissement de
l'anglo-américain sur ses
terres d'origine : aux
États-unis, l'Espagnol est
en pleine ascension au
détriment de l'Anglais dans
de nombreux États ; au
Royaume-Uni, la montée en
puissance des langues
celtiques portées par les
revendications autonomistes
ou indépendantistes en
Irlande, au Pays de Galles
et en Écosse ont déjà fait
reculer l'utilisation de
l'Anglais dans les îles
britanniques (qui n'est déjà
plus que la troisième langue
maternelle dans l'UE, en
rapide diminution). Sur les
vingt ans à venir, sur le
continent européen,
l'anglo-américain se
maintiendra dans une niche
de nature "internationale",
à savoir une langue
véhiculaire populaire, à
base d'un vocabulaire très
limité.
Figure 1 - Carte
linguistique de l'Europe
4.
L'entrée de la langue russe
au « purgatoire »
linguistique européen
: Du fait du rejet
consécutif à son imposition
brutale après 1945 sur
l'ensemble de l'Europe
ex-communiste, le Russe
restera pour au moins encore
dix ans une langue
sous-utilisée dans l'UE pour
des raisons politiques.
Mais, en supposant une
relation UE-Russie
pacifique, éventuellement
renforcée par un partenariat
stratégique réussi, pour
LEAP/E2020, la langue russe
s'imposera comme la langue
véhiculaire slave par
excellence dans l'UE à
partir des années 2015.
Cette évolution ne sera
cependant probablement pas
reflétée au niveau
institutionnel (le Russe ne
deviendra pas une langue
officielle de l'UE) mais
elle existera de facto sur
le terrain sur toute la
partie orientale de l'UE.
5.
La montée en puissance de la
langue espagnole à
l'international : La
montée en puissance de
l'Espagnol comme langue
européenne internationale ne
sera pas doublée de son
développement comme langue
dominante trans-européenne.
En effet, l'importance
croissante de l'Amérique
latine et surtout la rapide
extension de la zone
hispanophone en Amérique du
Nord conduisent l'Espagnol à
s'imposer comme l'une des
trois langues européennes
internationales au côté de
l'Anglais et du Français
(portés eux aussi par des
réservoirs linguistiques
hors UE). Cependant la
faiblesse du nombre
d'hispanophones dans l'UE,
la fragmentation
linguistique en cours de
l'Espagne (Pays basque et
Catalogne) et la présence
d'une autre langue latine
(le Français) parmi les
langues trans-européennes
dominantes, empêcheront
d'ici 2025 l'Espagnol
d'accéder à ce statut.
Ces tendances seront
renforcées par les exigences
croissantes de communication
intra-européenne,
caractérisée par la montée
en puissance d'acteurs
collectifs ou individuels ne
pouvant pas avoir recours à
des traductions onéreuses et
s'appuyant donc fortement
sur la maîtrise dite «
passive » (compréhension)
d'une langue étrangère,
facilitée par le recours à
une langue de la même
famille linguistique.
Parallèlement, l'autre
tendance dominante sera
l'utilisation croissante de
systèmes de traduction
automatique afin de pouvoir
diffuser des textes
multilingues à grande
échelle et à faible coût.
En conclusion, si la matrice
linguistique de l'UE à
l'horizon 2025 continuera à
s'inscrire dans la logique
de la parole d'Umberto Eco
"La traduction est la langue
de l'Europe", pour LEAP/E2020
se dégage un paysage
linguistique clair (qui sera
bien entendu modulé selon
les secteurs d'activité),
sur fond de vivacité des
langues nationales et
régionales, très en rupture
avec l'opinion dominante des
élites communautaires
actuelles (4) :
1. Quatre langues
trans-européennes
dominantes,
anglais-allemand-français-russe,
dont trois seulement seront
officielles (le Russe ne le
sera évidemment pas) et dont
deux seront les langues
sélectives de l'élite de
l'UE dans vingt ans
(Français et Allemand,
puisque l'anglo-américain ne
sera plus socialement
discriminant).
2. Trois langues européennes
internationales,
anglais-français-espagnol.
---------
Notes :
(1) Bien entendu, au-delà
des grandes évolutions,
certaines spécificités
sectorielles persisteront,
maintenant telle ou telle
langue sur des « niches »
privilégiées.
(2) En effet, la montée en
puissance internationale des
langues asiatiques comme le
chinois ou le tagalog, ou
encore de l'arabe, va
modifier les équilibres
linguistiques mondiaux.
Cependant, à une génération
de distance, les langues
internationales européennes
continueront à détenir de
sérieux atouts puisqu'elles
possèdent des bassins
linguistiques importants
hors du continent européen,
notamment en Afrique et en
Amérique.
(3) Du fait de
l'effondrement brutal de la
« Grande Nation » devant les
forces hitlériennes.
(4) Qui comme toujours avec
les élites en place
s'avèrent incapables
d'imaginer d'autres
tendances que les tendances
d'hier, à savoir celles sur
lesquelles ils ont formé
leur statut d' « élites ».
C'est pour cela que les
élites communautaires
actuelles continuent à
penser que la tendance
dominante des années
1980/2000, à savoir la
montée en puissance de
l'anglo-américain qui a
façonné leurs compétences
linguistiques, va se
poursuivre.
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Source :
http://leap2020.eu/GEAB-en-Francais_r26.html, lundi 29 octobre 2007
Courriel : geab@leap2020.eu
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