Sujet :

Saine réaction du CSA

Date :

31/01/2005

Envoi de Jean-Pierre Colinaro (afrav@tiscali.fr)

 

Sous le titre « Anglicismes : que fait le CSA ? », le Conseil supérieur de l’Audiovisuel, que préside Dominique BAUDIS (ancien journaliste, ancien maire de Toulouse) a adopté, le 18 janvier, une recommandation relative à l'emploi de la langue française dans les médias audiovisuels. Une décision dont l'objectif est double : 

garder à la communication audiovisuelle son intelligibilité et à notre culture son identité (sic !).

 


 Voici le texte intégral de la recommandation, publiée sur le site du CSA le 26 janvier - La Lettre du CSA n° 180.

 

L'un des sujets les plus fréquents de saisines adressées au Conseil est le mauvais usage de notre langue dans les médias audiovisuels et principalement l'emploi de termes anglais dans les programmes (1), particulièrement dans les titres d'émissions. De même, la presse nationale ou régionale dénonce régulièrement cette pratique :

« Ras le bol du franglais à la télévision », « Le CSA et les chaînes de télévision devraient montrer plus de vigilance », « Que fait le CSA ? ».

Certes, il n'est pas question d'interdire les emprunts linguistiques qui enrichissent une langue car ainsi que l'a souligné le Conseil constitutionnel (2), « la langue française évolue, comme toute langue vivante, en intégrant dans le vocabulaire usuel des termes de diverses sources, qu'il s'agisse d'expressions issues de langues régionales, de vocables dits populaires ou de mots étrangers ».

Il ne s'agit pas non plus d'imposer une terminologie officielle - solution parfois envisagée mais explicitement proscrite par le Conseil constitutionnel au nom de la liberté d'expression.

Cependant, il est difficile d'être inattentif et, pire encore, inactif, face à une surabondance de termes anglais ou anglicisés à la télévision et à la radio, car celle-ci ne menace pas seulement la qualité de la langue. En effet, la valorisation des mots anglais a une répercussion dans l'inconscient collectif, et tout particulièrement chez les jeunes.

C'est un des sujets qu'a évoqués la mission Langue française du Conseil à l'occasion de rencontres avec les responsables des principales chaînes de télévision, tant publiques que privées.

Elle s'est notamment inquiétée auprès des conseillers pour la langue française des sociétés privées de télévision de la multiplication de programmes (certes minoritaires dans l'ensemble de la grille, mais à très forte audience, notamment auprès des jeunes), portant des noms comme Star Academy ou Loft Story, Popstars ou Fear Factor, Charmed ou Totally Spies.

Une telle tendance relève, à n'en pas douter, d'une supériorité postulée de l'anglais et procède du sentiment diffus de l'infériorité, ou du caractère désuet, de la culture francophone entendue au sens large (mœurs, techniques, etc.). Le choix d'un mot anglais de préférence à un mot français, d'une tournure anglo-saxonne plutôt que d'une construction grammaticale française, véhicule implicitement un jugement de valeur sur nous-mêmes.

Le statut de langue de prestige acquis par l'anglais répond à toute une série de motivations parmi lesquelles existent plusieurs fonctions : une fonction novatrice - désigner des réalités nouvelles que le français, à tort, est réputé incapable de qualifier -, une fonction ludique - joie de manier des termes inconnus du grand public (le comble pour un média !) et goût des monosyllabes dont le français est pauvrement pourvu -, voire une fonction mystificatrice qui consiste souvent à présenter un terme comme un emprunt à l'anglais alors même qu'il s'agit d'un néologisme français, créé par des Français à partir de mots anglais. Le public a ainsi l'impression d'être familier de la langue de Shakespeare sans la maîtriser pour autant.

Il est en fait erroné de croire que de tels termes « franglais » n'apparaissent que par paresse néologique. Il n'y aurait paresse que si l'emprunt était préféré à la création. Or le franglais est bel et bien une création.

Le danger du franglais est moins de « polluer » notre langue, comme l'écrivent bon nombre de téléspectateurs courroucés, que de suggérer au public que sont plus admirables et désirables, actuelles et "dans le vent", les réalités ayant reçu l'onction de l'anglophonie.

La recommandation publiée par le Conseil vise à remettre « les pendules à l'heure », sans porter atteinte à la liberté de communication, mais en cherchant à garder à la communication audiovisuelle son intelligibilité et, dans le même temps, à notre culture son identité.

(1) Sous la dénomination « anglicismes » sont englobés aussi bien les emprunts véritables que les créations françaises à partir de lexèmes anglo-américains.
(2) Décision du Conseil constitutionnel du 29 juillet 1994.

 

 

Note de l'A.FR.AV : Cette saine réaction de M. Dominique Baudis et des membres du CSA nous réjouit grandement.

Et comment, aujourd'hui,  ne pas penser aux dizaines et aux dizaines de lettres que nous avons envoyées  ces dernières années au CSA pour protester contre l'anglicisation de la télévision. La réaction de M. Baudis et des membres du CSA est la preuve que le pire n'est jamais sûr et que le combat que nous menons est loin d'être inutile.

Puisqu'il faut battre le fer quand il est chaud, n'hésitons pas alors à féliciter les membres du CSA et M. Baudis :

 

http://www.csa.fr/outils/contact/contacteznous_formulaire.php