Sujet :

Être et parler français

Date :

29/10/2006

Envoi de : Jean-Pierre Colinaro   (courriel : afrav(chez)tiscali.fr)     

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Être et parler français

Paul-Marie Coûteaux, Être et parler français, Paris, éd. Perrin, 2006.

Les ouvrages consacrés à la langue française se suivent et se ressemblent, peut-être parce que, obsédés par la recherche d’un consensus, ils n’osent concevoir la langue comme un instrument politique, au point qu’il paraît naturel de traiter longuement du français sans jamais traiter de la France...

Or, le sujet du français est d’abord la nation, dont il pourrait être le plus solide, et peut-être le dernier critère de définition, le môle ultime de l’appartenance politique, sociale et culturelle, finalement la clef cachée des maux qui assaillent de tous côtés une civilisation de plus en plus réticente à se penser elle-même. Crise de l’intégration, émergence des communautarismes, émeutes dites « des banlieues », querelles sur la mémoire nationale, débats sur l’école, sur l’apprentissage précoce de l’anglo-américain, évanescence de la représentation politique, concurrence de la citoyenneté républicaine et de la fusion européenne, mondialisation/américanisation du monde, information du consommateur, langue du travail, débat sur la diversité culturelle, le sentiment de dépossession de soi prend de multiples formes : chaque fois, la langue est le marqueur d’un malaise, d’une sujétion, voire d’une aliénation diffuse, chaque fois elle pourrait se faire l’instrument, au moins symbolique, d’une souveraineté retrouvée. Par la langue, les Français peuvent encore se relier à une communauté politique, à une histoire, à un ensemble national tout en trouvant par elle, et notamment la francophonie une voix dans le monde - ce que l’on pourrait appeler une façon d’être au monde. Aujourd’hui plus que jamais, l’être français est dans la langue. Quoi, sinon ?

Comment s’étonner dès lors de la montée en puissance du thème de la langue, aussi bien dans le débat sur l’école (cf. les polémiques sur l’apprentissage de la lecture) que dans un nombre croissant de conflits du travail, comme l’a montré la condamnation récente à une très lourde amende d’une filiale d’une société américaine qui entendait obliger son personnel à travailler en anglais, ou encore dans le débat de plus en plus discuté de la langue de l’Europe ?

Ce n’est pas un hasard si l’année 2006 a été décrétée « Année de la francophonie », celle-ci s’affirmant, quelques semaines avant l’important sommet de Bucarest (28-29 septembre 2006), comme l’indispensable relais que trouve la France dans son combat pour la diversité culturelle et son refus d’un monde unipolaire et si fleurissent les ouvrages consacrés ces derniers mois à la langue française... Encore faut-il, au risque de polémiques, penser la langue en politique...

Paul-Marie Coûteaux poursuit pas à pas l’étude des fondements de la France, on pourrait dire l’archéologie de la France, dont la langue française est peut-être le cœur.

 

 

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