N° 59
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 2004
PROPOSITION
DE LOI
complétant la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à
l’emploi de la langue française,
PRÉSENTÉE
Par M. Philippe MARINI,
Sénateur.
(Renvoyée
à la commission des Affaires culturelles, sous réserve de la
constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les
conditions prévues par le Règlement).
EXPOSÉ
DES MOTIFS
Mesdames,
Messieurs,
Près
de dix ans après son adoption, la loi n° 94-665 du 4 août 1994
relative à l’emploi de la langue française, dite «Toubon»,
a permis tout à la fois de renforcer l’information des consommateurs
et des salariés et de donner une traduction concrète au principe
inscrit à l’article 2 de la Constitution selon lequel le français
est la langue de la République.
Ce
faisant, elle a contribué au projet national en favorisant l’intégration
des populations à la République grâce à une langue commune. Elle a,
par ailleurs, participé des efforts des États membres de l’Union
européenne pour assurer l’épanouissement de son identité qui, précisément,
est fondée sur la diversité linguistique et culturelle et la force des
langues de chaque pays.
Cependant,
la pratique des dix années écoulées a démontré que tous les
objectifs de la loi n’étaient pas encore atteints, soit parce
qu’elle était incomplète, soit parce que son application devait être
mieux assurée.
Tel
est l’objet de la présente proposition de loi.
L’article
premier étend expressément l’obligation d’usage du français aux
messages informatiques dès lors qu’ils ne sont pas exclusivement conçus
pour des personnes de nationalité étrangère. Il s’agit de pouvoir
toucher les messages électroniques d’erreur qui sont toujours, à
l’heure actuelle, en langue anglaise, mais aussi les sites Internet,
notamment commerciaux, destinés à un public français.
L’article
2 crée une obligation de traduction en français des mentions apposées
sur les enseignes et devantures.
Les
articles 3 à 5 ont le même objet pour les dénominations sociales.
L’article
6 confie aux membres des associations agréées de défense de la langue
française et des associations de consommateurs des pouvoirs de
constatation des infractions à l’image de ce qui est déjà prévu
pour les agents des sociétés d’auteurs (article L 331-2 du code de
la propriété intellectuelle).
L’article
7 fait obligation pour le chef d’entreprise de présenter un rapport
annuel au comité d’entreprise sur l’usage du français dans
l’entreprise.
L’article
8, enfin, crée dans chaque assemblée une délégation parlementaire à
la langue française, chargée de suivre l’application de l’article
2 de la Constitution et des dispositions de la loi de 1994.
PROPOSITION
DE LOI
Article
premier
L’article
2 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la
langue française est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le
présent article est applicable à tous les messages informatiques dès
lors qu’ils ne sont pas exclusivement conçus pour des personnes de
nationalité étrangère. »
Article
2
L’article
3 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 précitée est complété
par l’alinéa suivant :
« Toute
inscription en langue étrangère sur une enseigne ou devanture d’un
local commercial doit comporter une traduction en langue française de
taille équivalente. »
Article
3
L’article
L. 123-1 du code de commerce est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« III.
Les dénominations sociales inscrites au registre sont obligatoirement
formulées en langue française ou, à défaut, comprennent une
traduction en langue française des mentions formulées en langue
étrangère. »
Article
4
L’article
L. 123-6 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le
greffier refuse l’immatriculation lorsque la dénomination sociale
proposée par l’assujetti soit n’est pas formulée en langue française
soit ne comprend pas une traduction en langue française des mentions
formulées en langue étrangère. »
Article
5
L’article
L. 210-2 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La
dénomination sociale est obligatoirement formulée en langue française
ou, à défaut, comprend une traduction en langue française des
mentions formulées en langue étrangère. »
Article
6
L’article
2-14 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Outre
les procès-verbaux des officiers ou agents de police judiciaire ou des
agents mentionnés à l’article 16 de la loi n° 94-665 du 4 août
1994 relative à l’emploi de la langue française, la preuve de la matérialité
de toute infraction aux dispositions des articles 2, 3, 4, 6 et 7 de la
loi n° 94-665 du 4 août 1994 précitée peut résulter des
constatations d’agents assermentés désignés par les associations
visées à l’alinéa précédent ou par les associations de
consommateurs visées à l’article L.421-1 du code de la consommation
. Ces agents sont agréés par le ministre chargé de la culture dans
les conditions prévues par un décret en Conseil d’État. »
Article
7
L’article
L. 432-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque
année, le chef d’entreprise soumet pour avis au comité
d’entreprise un rapport écrit sur l’utilisation de la langue française
dans l’entreprise. Ce rapport présente notamment les conditions
d’application dans l’entreprise des dispositions de la loi n° 94-665
du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française. »
Article
8
Après
l’article 6 octies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre
1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est
inséré un article 6 nonies ainsi rédigé :
« Article
6 nonies - I. Il est constitué, dans chacune des deux assemblées du
Parlement, une délégation parlementaire à la langue française.
Chacune de ces délégations compte quinze membres.
- II.
Les membres des délégations sont désignés en leur sein par chacune
des deux assemblées de manière à assurer une représentation
proportionnelle des groupes politiques.
- La
délégation de l’Assemblée nationale est désignée au début de la
législature pour la durée de celle-ci.
- La
délégation du Sénat est désignée après chaque renouvellement
partiel de cette assemblée.
- III.
Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales
ni de celles des délégations pour l’Union européenne, les délégations
parlementaires à la langue française ont pour mission d’évaluer la
politique suivie par le Gouvernement à l’égard de la langue française
et d’en informer les assemblées. Elles assurent le suivi de
l’application de l’article 2 de la Constitution et de la loi n° 94-665
du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.
- En
outre, les délégations parlementaires à la langue française peuvent
être saisies sur les projets ou propositions de loi par :
-
le Bureau de l’une ou l’autre assemblée, soit à son initiative,
soit à la demande d’un président de groupe ;
-
une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande
de la délégation.
- Enfin,
les délégations peuvent être saisies par la délégation pour
l’Union européenne sur les textes soumis aux assemblées en
application de l’article 88-4 de la Constitution.
- Elles
demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement leur communique les
informations utiles et les documents nécessaires à l’accomplissement
de leur mission.
- IV.
Les délégations établissent, sur les questions dont elles sont
saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont déposés
sur le bureau de l’assemblée dont elles relèvent et transmis aux
commissions parlementaires compétentes, ainsi qu’aux délégations
pour l’Union européenne. Ces rapports sont rendus publics.
- Elles
établissent en outre, chaque année, un rapport public dressant le
bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des
propositions d’amélioration de la législation et de la réglementation
dans leurs domaines de compétence.
- V.
Chaque délégation organise la publicité de ses travaux dans les
conditions définies par le règlement de chaque assemblée.
- La
délégation de l’Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider
de tenir des réunions conjointes.
-VI.
Les délégations établissent leur règlement intérieur ».
Source :
Le
Sénat
M.
Philippe Marini (Photo, Le sénat)
Devant
cette excellente initiative, nous n'avons plus qu'à féliciter
M.
Marini et à presser la commission des Affaires culturelles à se
pencher très sérieusement sur ce projet de loi. Pour ce faire,
écrivons :
-
à Monsieur
le Président de la République, et à Monsieur
le Premier
ministre.