Le nouveau président de l'Agrégation de lettres modernes, M.
l'Inspecteur général Philippe Le Guillou, a décidé de réduire de
moitié le nombre de spécialistes de grammaire siégeant à l'oral.
Pour protester contre cette décision personnelle, prise sans
concertation et en dépit des objections aussitôt formulées,
Gilles Philippe, président de la commission, a présenté sa
démission. Les membres de la commission 2005 qui sont
encore Face à une décision aussi arbitraire que contestable, ils ont décidé d'adresser à M. Le Guillou une lettre ouverte, soutenue et signée par tous les collègues universitaires qui le souhaitent, enseignants en linguistique, stylistique, langue française ou littérature, anciens membres du jury ou non. L'enjeu est clairement la place de l'étude de la langue dans les futures agrégations de lettres. Nous vous adressons ci-joint le texte de la lettre ouverte. Elle sera envoyée aux alentours du 10 septembre au président du jury, à la doyenne de l'Inspection générale et au cabinet du Ministre, et sera ensuite rendue publique par tous les moyens possibles. Pour figurer parmi les signataires de cette lettre ouverte, il vous suffit d'envoyer un courriel à l'adresse suivante : languefrancaise2006@yahoo.fr, en indiquant
« Je
souhaite figurer parmi les signataires de la lettre », avec
vos nom, qualité, lieu d'exercice ; pour les anciens membres du jury,
préciser la période d'activité.
Claire
Badiou-Monferran, Éric Bordas, Philippe
Caron,Thomas Clerc, Lucile Gaudin, Anna Jaubert, Gérard
Milhe-Poutingon, Éric Pellet, Gilles Philippe, Valérie Raby,
Christelle Reggiani, Mireille Ruppli.
Monsieur le Président,
À la suite d’une directive ministérielle limitant à quatre membres les commissions d’oral des concours d’agrégation externe, vous avez décidé de réduire de moitié le nombre des spécialistes de langue française à l’oral de l’agrégation externe des lettres modernes, dont vous venez de prendre la présidence. Membres du jury d’agrégation, anciens membres, ou enseignants à l’Université en grammaire, stylistique, linguistique, ou littérature, nous vous demandons de bien vouloir revenir sur cette décision qui nous paraît lourde de conséquences pour la place de la grammaire dans la formation des futurs enseignants. Notre collègue Gilles Philippe, qui présidait jusqu’à présent la commission de français moderne, et dont chacun apprécie la compétence, la modération et la courtoisie, a attiré votre attention sur les conséquences néfastes d’une telle décision dès que vous l’avez fait connaître. Il n’a eu pour réponse qu ’une accusation de « fronde » et une demande de démission à peine voilée. Notre surprise devant ce refus de dialogue, est à la mesure de notre inquiétude, car votre décision engage l’équilibre du jury et la qualité du concours bien au-delà des quatre années de votre mandat. La constitution des commissions B a toujours reposé sur un principe d’ équilibre : 2 membres pour la littérature comparée, 2 pour la littérature française, et 2 pour la langue française. Cet équilibre, garant de jugements équitables pour les candidats, est rompu par le nouveau dispositif. Certes, la règle imposée par le Ministère ne permet pas de maintenir l’ancien système, mais puisqu’une commission de littérature comparée sera créée, et que les commissions A demeurent exclusivement littéraires, rien n’empêche de conserver la parité entre les spécialistes de littérature et les spécialistes de langue française dans les nouvelles commissions B. Ce choix de rompre l’équilibre vous appartient en propre, c’est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir le reconsidérer, et cela pour les motifs suivants :
En ramenant à 3/30 (soit 1/10e !) le nombre de spécialistes du
français moderne au jury d’oral de l’agrégation, c’est
la place même de l’étude de la langue française dans
les concours que vous mettez en cause. Au moment où tous les rapports
officiels tirent la sonnette d’alarme sur la situation de
l’enseignement de la grammaire dans les établissements secondaires,
cette marginalisation de la langue française au cœur du dispositif de
recrutement des futurs enseignants de lettres, va
à l’encontre des dernières orientations ministérielles.
C’est au contraire un renforcement de la langue et des outils
d’analyse que l’on attend des agrégations de Lettres (voir
les propositions faites dans ce sens par les membres de la
commission de français moderne). Il est en effet de plus en
plus difficile d’admettre qu’ une bonne version de chinois
ou de toute autre langue rapporte plus de points à l’agrégation
qu’une bonne copie de grammaire du français moderne, alors que la
langue française constitue, avec la littérature, la discipline
qu’enseigneront les lauréats de notre concours. Cette
recomposition contrevient au principe de la double correction, et
expose le jury à des recours devant le tribunal administratif. La
solution que vous proposez, désigner un enseignant de littérature comme co-rapporteur en grammaire, est, chacun le sait,
inapplicable. L’évaluation de la performance des candidats, au
niveau de maîtrise requis, exige une compétence scientifique,
que les spécialistes de littérature n’ont pas eu l’occasion d’acquérir,
puisqu’ils ne sont jamais en situation de l’enseigner. Au-delà de l’enjeu disciplinaire, votre option compromet deux principes fondamentaux de l’agrégation : l’équilibre du jury entre universitaires et non-universitaires, ainsi que le niveau d’exigence requis pour ce concours qui, en Lettres, offre aussi la garantie d’un socle stable au recrutement d’ enseignants du supérieur. Actuellement les jurys d’agrégation sont composés, à parts égales, d’inspecteurs, de professeurs de classes préparatoires, et d’universitaires : la commission de français moderne étant composée exclusivement d’universitaires, la réduction de moitié des examinateurs en grammaire conduit de fait à une réduction des universitaires. Par ailleurs, la répartition 3 littéraires pour 1 grammairien décalque celle de l’Agrégation interne de lettres modernes, qui concerne des collègues déjà en poste, et qui ne présente pas les mêmes exigences. Faut-il considérer ce choix comme le signe avant-coureur d’autres sortes d’alignements ? Il marquerait alors une dérive de l’agrégation externe, contre laquelle nous ne pouvons que vous mettre en garde. M. le Président, votre décision dépasse largement le cadre d’un simple remaniement de commission. Elle a été prise sans l’approbation de vos prédécesseurs, et sans la consultation de l’actuelle commission de français moderne. Pour toutes les raisons que nous avons exposées, qui s’ajoutent aux difficultés pratiques déjà signalées par Gilles Philippe dans son courrier de juillet, nous vous demandons aujourd’hui de bien vouloir rencontrer les membres de cette commission, et de rétablir la parité 2/2 dans les commissions chargées d’interroger sur l’explication de texte et la grammaire.
Avec tout notre respect, nous vous prions d’agréer, M. le
Président, l’expression de notre profond dévouement à la cause
de l’agrégation.
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