Sujet :

La Cour de cassation reconnaît l'anglais comme langue de travail à Air France

Date :

14/09/2012

D'Élisabeth Lambert  (courriel : elisabeth.lambert94(chez)orange.fr)  

Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez « chez » par « @ ».

Le 1er octobre 2010 à la Cour d'appel de Paris, le syndicat Alter gagnait son procès contre Air France qui refusait (et refuse toujours !) de traduire en français des documents techniques rédigés en anglais.

Hélas, la Cour de cassation, le 12 juin 2012, a cassé et annulé ce jugement favorable à notre langue.

Triste et lamentable à la fois !

JPC

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,

 

a rendu l'arrêt suivant :

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'invoquant les difficultés rencontrées par les pilotes dans l'usage des documents techniques rédigés en anglais, mis à leur disposition par la société Air France, le syndicat ALTER a saisi un tribunal de grande instance pour qu'il soit ordonné, sous astreinte, à la compagnie aérienne de mettre à la disposition de ses salariés la traduction en langue française de ces documents ;

Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1321-6 du code du travail, appliqué conformément au règlement n° 216/ 2008 du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008, concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile, ensemble les articles 28 et 37 de la Convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944, et l'arrêté du 29 mars 1999 relatif à la délivrance des licences et qualification des membres d'équipage de conduite d'avion ;

Attendu que, pour ordonner à la société Air France, sous astreinte, de mettre à disposition de ses salariés, en langue française, divers documents rédigés en langue anglaise, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que les documents litigieux ont été reçus de l'étranger et qu'en conséquence ils ne bénéficient pas de l'exception prévue au dernier alinéa de l'article L. 1321-6 du code du travail ;

Attendu cependant que si, selon ce texte, tout document comportant des dispositions dont la connaissance est nécessaire au salarié pour l'exécution de son travail doit, en principe, être rédigé en français, sont soustraits à cette obligation les documents liés à l'activité de l'entreprise de transport aérien dont le caractère international implique l'utilisation d'une langue commune, et dès lors que, pour garantir la sécurité des vols, il est exigé des utilisateurs, comme condition d'exercice de leurs fonctions, qu'ils soient aptes à lire et comprendre des documents techniques rédigés en langue anglaise ;

Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 20 novembre 2008 ;

Condamne le syndicat Alter aux dépens de cassation et à ceux exposés devant les juges du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille douze.

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Air France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR ordonné la mise à disposition de ses salariés par la société AIR FRANCE, en langue française, des fiches ATLAS, des documents techniques d'utilisation (dits TU) des appareils de la famille BOEING, des enseignements assistés par ordinateur, des documentations relatives à la légende des cartes, sous astreinte de 5.000 € par document et par jour de retard à compter du 6ème mois suivant la signification de son arrêt ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article L.1321-6 du Code du travail "le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères. Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail. Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à l'étranger » ; que c'est avec raison que ALTER relève que les développements d'AIR FRANCE tendant à considérer que l'article L.1321-6 du Code du travail ne s'applique pas en l'espèce en raison de son activité aéronautique par nature internationale pour laquelle l'usage d'une langue commune, l'anglais, est primordial et nécessaire pour l'obtention d'une licence ne sont pas pertinents, dès lors que la question posée est celle de savoir si les documents litigieux (ATLAS, TU, EAO et légendes de cartes), ont été reçus de l'étranger ou sont destinés à des étrangers, étant observé qu'il est acquis aux débats que la connaissance de ceux-ci est nécessaire pour l'exécution de leur travail par les pilotes d'AIR FRANCE ; qu'à titre préliminaire, le fait qu'un autre syndicat a préconisé, dans un tract du 20 octobre 2009, "d'utiliser exclusivement la documentation avion du constructeur au lieu d'utiliser une documentation mal traduite, mal rédigée, mal organisée et souvent mal interprétée" est sans incidence sur le débat dès lors que, replacé dans son contexte par ALTER qui n'est pas contredit par AIR FRANCE, cette recommandation tendait à éviter une multiplication de "traductions sauvages" par les 4 400 pilotes d'AIR FRANCE ; que, de même, c'est à tort que AIR FRANCE reproche à ALTER de former des demandes imprécises en n'identifiant pas clairement les documents concernés mais en visant "tous les documents que la loi impose de traduire" ; qu'en effet, ALTER ne peut être contraint de déterminer au préalable quels documents seraient concernés alors, que l'article L.1321-6 a édicté une obligation claire et précise à la charge de l'employeur ("tout document") et qu'en tout état de cause ceux-ci sont identifiés a minima, ALTER visant les fiches ATLAS, les TU, les EAO et les légendes de cartes ; qu'il y a donc lieu de rechercher si ces documents sont "reçus de l'étranger" et, de ce fait, bénéficient de l'exception prévue dans le dernier alinéa de l'article L.1321-6, étant à nouveau rappelé qu'il n'est pas contesté que la connaissance de ces documents est nécessaires aux pilotes d'AIR FRANCE pour "l'exécution de leur travail » ;

1°/ ALORS, d'une part, QUE, les dispositions de l'article L.1321-6 du Code de travail ne s'appliquent pas aux documents techniques rédigés en anglais et liés à l'activité internationale d'une entreprise ; que l'activité aéronautique est, par définition, une activité internationale, impliquant la maîtrise de la langue anglaise, langue commune du transport aérien ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

2°/ ALORS, d'autre part, QUE, la convention « relative à l'aviation civile internationale », signée à Chicago le 7 décembre 1944, institue une normalisation internationale des règles relatives à la conduite aérienne (art. 28 et 37), qui repose sur l'usage d'une langue uniforme, à savoir la langue anglaise ; que cette Convention internationale est donc exclusive de l'application de l'article L.1321-6 du Code du travail dans le domaine du transport aérien ; que, dans ses écritures d'appel, la société AIR FRANCE a invoqué la contrariété de l'article L.1321-6 du Code du travail à la Convention de Chicago ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur la conformité de l'article L.1321-6 du Code du travail avec la Convention de Chicago, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3°/ ALORS, de troisième part, QUE, les dispositions de l'article L.1321-6 du Code de travail ne s'appliquent pas aux documents techniques rédigés en anglais et destinés aux pilotes dont, aux termes de l'annexe à l'arrêté du 29 mars 1999 relatif à la délivrance des licences et qualifications de membres d'équipage de conduite d'avion (FCL 1), la qualification de vol aux instruments exige l'aptitude à l'utilisation de la langue anglaise pour pouvoir lire et démontrer la compréhension des manuels techniques rédigés en anglais et utiliser des cartes aéronautiques, en route, au départ et en approche, ainsi que les documents associés rédigés en anglais ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

4°/ ALORS, enfin, QUE, le règlement (CE) n° 216/2008 du parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et instituant une agence européenne de la sécurité aérienne, et abrogeant la directive 91/670/CEE du conseil, le règlement (CE) n 1592/2002 et la directive 2004/36/CE a institué une agence européenne de la sécurité aérienne, en charge d'approuver les manuels de vol, lesquels doivent être rédigés en anglais, langue de travail de cette agence ; que les dispositions l'article L.1321-6 du Code de travail, interprété à la lumière du règlement (CE) n°216/2008 du parlement européen et du conseil du 20 février 2008 ne s'appliquent pas aux documents faisant l'objet d'une approbation par l'agence européenne de la sécurité aérienne ; qu'en exigeant cependant que les manuels d'utilisation des appareils utilisés par la société AIR FRANCE soient traduits en français, la Cour d'appel a violé l'article L.1321-6 du Code de travail, interprété à la lumière du règlement (CE) n° 216/2008 du parlement européen et du conseil du 20 février 2008 concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et instituant une agence européenne de la sécurité aérienne, et abrogeant la directive 91/670/CEE du conseil, le règlement (CE) no 1592/2002 et la directive 2004/36/CE.

 


 

SECOND MOYEN DE CASSATION :

(subsidiaire)

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR ordonné la mise à disposition de ses salariés par la société AIR FRANCE, en langue française, des fiches ATLAS, des documents techniques d'utilisation (dits TU) des appareils de la famille BOEING, des enseignements assistés par ordinateur, des documentations relatives à la légende des cartes, sous astreinte de 5 000 € par document et par jour de retard à compter du 6ème mois suivant la signification de son arrêt ;

AUX MOTIFS QUE « s'agissant des manuels d'utilisation de l'appareil dits UT, étant observé qu'ALTER indique que les manuels relatifs aux appareils Airbus qui proviennent de constructeurs français ne souffrent d'aucune difficulté (p. 21 de ses conclusions), que selon les dires mêmes d'AIR FRANCE, la totalité de la documentation relative aux appareils Boeing 777 (B 777) qu'elle exploite sont disponibles en version française à la seule exception du volume 4, consacré à la description technique de cet appareil (p. 14 des conclusions de l'intimée) et qu'il n'est pas discuté que ces mêmes documents relatifs au B 447 sont en français ; que le caractère obsolète des documents auxquels ALTER se réfère, invoqué par AIR FRANCE sera écarté dès lors que, d'une part l'appelant verse l'édition du 9 avril 2009 dont il n'est pas argué qu'elle n'est plus en vigueur (pièce n° 23 de l'appelant), d'autre part, que ce point n'est pas discuté s'agissant de la pièce n° 11 de l'appelant (relatif au manuel d'exploitation détenu par les pilotes) ; qu'il apparaît ainsi que AIR FRANCE a elle-même édité ces UT en France en y apposant, sur chaque page, son logo ainsi que la mention "société Air France 1997 all right reserved" (pièce n° 23) ou celle "toute reproduction et communication intégrale ou partielle non autorisée par la Compagnie nationale Air France, constitue une contrefaçon sanctionnée (etc...)" se terminant par "Compagnie nationale Air France 1997 tous droits réservés" (pièce n° 11) ; qu'en outre, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que ces documents sont bien la simple reproduction des documents anglais d'origine rédigés et édités aux Etats Unis par Boeing ; que par ailleurs, peu importent que ces UT figurent éventuellement dans les Manuels d'Exploitation (dit MANEX) déposés auprès de la Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC) en charge de la vérification de la conformité aux normes applicables dès lors que cette vérification est totalement étrangère au contrôle des dispositions relevant du droit du travail, en l'espèce l'article L.1321-6 et pour lequel elle n'a d'ailleurs aucune compétence ; qu'ainsi ALTER est fondé en sa demande ; que, s'agissant des fiches ATLAS, AIR FRANCE, qui fait état de l'application progressive d'un nouveau standard AIR FRANCE - KLM en français, considère que ces documents étant obsolètes ou en voie de le devenir, il n'y a pas lieu de les traduire ; que, cependant que ALTER n'est pas contredit par AIR FRANCE quand il indique que l'usage de ces nouvelles fiches reste très marginal depuis sa mise en œuvre progressive début 2008 et que les pilotes d'AIR FRANCE continuent d'utiliser les fiches ATLAS qui, jusqu'au 10 juillet 2003, étaient publiées en français ; qu'en outre, il y a lieu de relever que ces fiches sont éditées en France par AIR FRANCE et pour AIR FRANCE avec les mêmes mentions que celles relevées pour les UT ; que AIR FRANCE, qui n'apporte aucun élément permettant d'établir que ces documents sont bien une reproduction des documents provenant des autorités internationales aéronautiques (AIS) et seraient rédigés en anglais, indique elle même qu'elle procède, de surcroît, à des modifications par une mise en conformité au standard de représentation cartographique "pour leur donner une cohérence d'ensemble" (p. 12 des conclusions de l'intimée) ; que par ailleurs, peu importe que ces fiches ATLAS soient également destinées à des étrangers dès lors qu'il s'agit des salariés de compagnies étrangères non soumises aux dispositions de l'article L.1321-6 ; qu'enfin, comme précédemment et pour les mêmes raisons, le fait que ces fiches aient été intégrées au MANEX déposé auprès de la DGAC est sans incidence sur le débat ; qu'en conséquence, ALTER est fondé en sa demande ; que, s'agissant des enseignements assistés par ordinateur dits EAO, AIR FRANCE n'apporte aucun élément susceptible de démontrer que ces logiciels sont développés directement par le constructeur Boeing alors que par ailleurs, outre qu'il n'est pas contesté que toute la partie théorique de l'apprentissage d'un appareil s'effectue nécessairement par EAO, ALTER n'est pas contredit quand il affirme que AIR FRANCE apporte à ceux-ci des modifications sensibles tout comme la compagnie Lufthansa selon ses propres dires ce qui, en tout état de cause, est sans incidence sur le débat puisque les destinataires de ces EAO sont les pilotes français de l'intimée ; qu'en conséquence, ALTER est fondé en sa demande ; que, s'agissant des documentations relatives à la légende des cartes, c'est à tort que AIR FRANCE dénonce le caractère obsolète des documents soumis à discussion puisque ALTER verse aux débats des documents daté du 17 décembre 2009 et 11 mars 2010 dont il n'est pas démontré, pour ce dernier, qu'il a fait l'objet d'une nouvelle édition revue et corrigée (pièce n° 29 et 30) ; qu'en outre, AIR FRANCE, qui n'établit pas que ces cartes ont été rédigées à l'étranger, maintient par ailleurs avoir mis en service un nouveau standard en français depuis 2008 tout en admettant que le document litigieux est, toujours et majoritairement, en vigueur ; qu'enfin, étant de nouveau rappelé que la connaissance de cette légende des cartes est nécessaire aux pilotes d'AIR FRANCE pour l'exécution de leur travail, il sera également rappelé comme précédemment et pour les mêmes raisons, que le fait que cette légende des cartes aient été intégrées au MANEX déposé auprès de la DGAC est sans incidence sur le débat ; qu'ainsi, ALTER est fondé en sa demande ; que, s'agissant de l'astreinte, il y a lieu d'enjoindre à AIR FRANCE de faire traduire en langue française les fiches ATLAS, les TU, les logiciels EAO et les documents relatifs à la légendes de cartes sous astreinte de 5.000 € par jour de retard dans les conditions indiquées dans le dispositif à venir » ;

1°/ ALORS, d'une part, QUE, les dispositions de l'article L.1321-6 du Code de travail ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ; que, par définition, le manuel d'utilisation d'un aéronef est nécessairement fourni par son constructeur ; que la société AIR FRANCE a fait valoir dans ses écritures (concl, p. 14) que les manuels d'utilisation lui sont fournis par la société BOEING et qu'avec l'accord de la société BOEING, elle remplace l'en-tête de ces documents avant de les mettre à disposition de son personnel navigant et technique ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions de nature à établir que les manuels d'utilisation des appareils sont des documents reçus de l'étranger, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1321-6, al. 3 du Code de travail ;

2°/ ALORS, d'autre part, QUE, la société AIR FRANCE a produit un extrait du manuel d'utilisation du B 777 ; qu'en retenant cependant que cette dernière n'apporte aucun élément permettant d'établir que les manuels d'utilisation sont bien la simple reproduction des documents anglais d'origine rédigés et édités aux Etats-Unis par la société Boeing, sans se prononcer sur cet élément de preuve, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS, de troisième part, QUE, la société AIR FRANCE (concl. p. 14-15) a invoqué une instruction en date du 26 juin 2008, aux termes de laquelle, pour ce qui regarde la langue de rédaction des manuels d'exploitation, l'exploitant peut proposer des parties en anglais sous réserve qu'elles reprennent des documents en anglais d'origine fournis par le constructeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans considérer cette instruction, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

4°/ ALORS, de quatrième part, QUE, les dispositions de l'article L.1321-6 du Code de travail ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger, non plus qu'à la compilation de documents reçus de l'étranger ; que, dans ses écritures d'appel (concl. p. 11), la société AIR FRANCE a fait valoir que les fiches Atlas sont la compilation de renseignements aéronautiques internationaux (AIP), édités par les autorités aéronautiques internationales ; qu'elle faisait encore valoir (concl., p. 12) que le terme "Atlas" lui-même est un acronyme formé à partir des noms des compagnies Alitalia (AT), Lufthansa (L), Air France (A) et Sabena (S), dont le rapprochement aux fins d'établissement d'un standard commun remonte à 1969, ce qui en soi rappelle le caractère international de ces fiches destinées à plusieurs pays étrangers ; qu'elle précisait, à cet égard que, si l'article L.1321-6 du Code du travail s'applique à la rédaction ex nihilo de documents, il ne saurait en revanche s'appliquer à la simple compilation, fût-elle opérée en France, de documents en provenance de l'étranger et qu'il serait contraire à l'esprit du texte d'imposer la traduction de documents étrangers au seul motif qu'ils ont été compilés en France pour leur donner une cohérence d'ensemble, tout en n'imposant pas cette même traduction pour des documents étrangers qui seraient mis à la disposition des salariés sans compilation préalable, et donc sans cohérence d'ensemble ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ces chefs de conclusions, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

5°/ ALORS, de cinquième part, QUE, les dispositions de l'article L.1321-6 du Code de travail ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 16), la société AIR FRANCE a fait valoir que les appareils B 747/400 et B 777, de marque Boeing, sont produits à l'étranger et, par conséquent les informations servant de base à la programmation des logiciels de formation à l'utilisation de ces appareils proviennent également de l'étranger ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

6°/ ALORS, de sixième part, QUE, les dispositions de l'article L.1321-6 du Code de travail ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 16), la société AIR FRANCE a fait valoir qu'il ressort des pièces adverses elles-mêmes que le logiciel EAO de formation pour l'appareil B 747/400, utilisant les données fournies par le constructeur Boeing, est développé par Lufthansa ("developped hy Lufthansa Flight Training"), groupe aéronautique allemand ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

7°/ ALORS, de septième part, QUE, les dispositions de l'article L.1321-6 du Code de travail ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger, non plus qu'à la compilation de documents reçus de l'étranger ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 17), la société AIR FRANCE a fait valoir que les cartes de navigation sont établies à partir des informations fournies en anglais par les autorités aéronautiques internationales (AIS), en sorte qu'il n'y a donc rien d'étonnant - ni surtout d'illégal - à ce que les explications des symboles et acronymes figurant sur ces cartes soient données également en anglais ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

8°/ ALORS, enfin, QUE, la société AIR FRANCE (concl., p. 17) a fait valoir qu'aux fins de compréhension par son personnel navigant et technique et aux fins surtout d'explicitation des évolutions du standard cartographique Air France / KLM par rapport au standard Atlas, Air France édite un document rédigé en français (pièce adverse n°9), en sorte que toutes les informations nécessaires à la compréhension des cartes de navigation éditées au standard Air France / KLM sont d'ores et déjà à la disposition du personnel navigant et technique d'Air France en français ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions, la Cour d'appel a violé l'article du Code de procédure civile.

 

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 octobre 2010

 

Source du document : http://www.juricaf.org/arret/FRANCE-COURDECASSATION-20120612-1025822


 

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Publications :

Proposition de citation: Cass. Soc., 12 juin 2012, pourvoi n°10-25822, Bull. civ.

Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

 

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Composition du Tribunal :

Origine de la décision

Formation : Chambre sociale

Date de la décision : 12/06/2012

 

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Et Pourtant !

À ce jour, les grands médias n’ont fait que peu, ou pas d’écho, à ce qui aurait pu constituer une nouvelle grave catastrophe aérienne. En effet, comme l'a rapporté le journal China Daily, le lundi 28 novembre 2011, un Airbus A330-200 de la compagnie China Eastern, avec 245 passagers à bord, a décollé de l'aéroport international d'Osaka-Kansai sans avoir reçu le feu vert des contrôleurs aériens, alors que les instructions données au pilote étaient au contraire d'attendre ce feu vert. Au même moment,  un hélicoptère était en train de manœuvrer à proximité de la piste. La faute n'a provoqué aucun accident et le vol s'est poursuivi sans accroc jusqu'à sa destination, Shanghaï. Selon le quotidien, l'incident a résulté d'une incompréhension par le pilote chinois du message des contrôleurs aériens nippons énoncé en anglais.

Image tirée d'une vidéo montrant des pompiers tentant d'éteindre les restes de l'avion du président polonais Lech Kaczynski, qui s'est écrasé près de l'aéroport de Smolensk, en Russie, le 10 avril 2010. REUTERS/ Reuters TV

 

Ainsi cet incident, après celui de Smolenks du 10 avril 2010 - le contrôleur en place à ce moment-là ne parlait pas le polonais, ni ne maîtrisait l'anglais et l'équipage polonais ne parlait pas couramment le russe - qui a emporté la vie des 96 passagers dont celle du président polonais Lech Kaczyński, vient s’ajouter à la trop longue liste des graves situations engendrées par l’utilisation d’une langue qui ne convient pas à la communication internationale, notamment dans le secteur du contrôle aérien.

Ainsi, le manque de compétence de pilotes et d’aiguilleurs du ciel de langues maternelles différentes à utiliser la langue anglaise est l’une des 5 catégories d’accidents selon la "Flight Safety Foundation" : 15 % des accidents et incidents aériens seraient dus à des erreurs de compréhension de la langue utilisée, l'anglais. C'est que toute langue vernaculaire est difficile à apprendre et à bien comprendre. Il arrive même que les pilotes américains eux-mêmes se heurtent à des difficultés du fait que l’anglais regorge d’homonymes et d’homophones, ce qui peut donner lieu à des interprétations erronées.

Il ressort donc que les accidents de ce type sont davantage une véritable conséquence qu’une véritable cause ! La conséquence des politiques linguistiques.

De nombreux rapports ont dénoncé cette situation ; ils ont  même amené les autorités de l’aviation civile à créer un anglais simplifié pour la navigation aérienne dit "Broken English". Malgré cela, l’énorme problème de prononciation persiste, et l’apprentissage de cette langue reste une grosse difficulté. Dans ce domaine comme dans d’autres, il a été démontré que l’usage de l’espéranto serait d’un apport sécuritaire considérable : une terminologie de l’aviation comprenant un dictionnaire aéronautique a même été établie en 2002 par un ingénieur civil de Chicago.

Peine perdue pour les victimes de l’autisme dont font preuve nos instances.

 

 

 

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