Sujet :

La Présidence italienne au Conseil de l'UE, fait l’impasse sur le français

Date :

09/06/2014

D'Élisabeth Lambert  (courriel : elisabeth.lambert94(chez)orange.fr)  

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La Présidence italienne au Conseil de l'UE, ignore le français

Il faut que les peuples latins s'unissent pour que l'UE ne devienne pas une succursale du monde anglo-américain. Il faut que l'Europe conserve son caractère humaniste hérité de notre culture gréco-latine. Il faut donc se battre pour que, si l'Europe adopte une langue commune, ce ne soit jamais la langue des Américains (Étatsuniens).

 

Régis Ravat

Envoyez une protestation sur :

http://www.euractiv.it/it/news/istituzioni/9353-presidenza-sito-presto-online-solo-italiano-e-inglese.html

 

 

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La Présidence italienne fait l’impasse sur le français

Matteo Renzi

Le Premier ministre italien Matteo Renzi à Bruxelles mars 2014.

(Palazzo Chigi/Flickr)

 

La présidence tournante italienne va restreindre les versions de son site internet officiel, à l’anglais et l’italien. L’allemand et le français passent à la trappe.

Austérité oblige, l’Italie, qui doit prendre les rênes de la Présidence Tournante du Conseil de l'UE à partir du 1er juillet, a décidé de faire l’impasse sur la traduction en français et en allemand de son site officiel.

Le site de la présidence italienne, qui doit être mis en ligne dans les jours à venir, existera seulement en version italienne et anglaise. Il n’y aura donc ni version française, allemande, ou dans toute autre langue de l’UE.

Ce choix avait déjà été acté par le gouvernement d’Enrico Letta, avant d’être approuvé par son successeur, le gouvernement de Matteo Renzi, le Premier Ministre italien qui sera au manettes de l'UE dans un peu moins d'un mois.

Fruit de restrictions budgétaires, cette décision reflète également le poids croissant de l’anglais dans les communications communautaires, en comparaison des deux autres langues de travail du Conseil et de la Commission européenne – le français et l’allemand – et a fortiori en comparaison de toutes les autres langues officielles de l’UE.

Tradition multilingue

Depuis 2007, l’ensemble des présidences tournantes de l’UE a mis un point d’honneur à produire des sites multilingues, comprenant systématiquement des traductions en allemand, français, anglais et en langue nationale.

Si l’Union européenne compte 24 langues officielles, au sein de la Commission européenne, l'anglais, le français et l'allemand sont utilisés comme langues de travail.

Les langues adoptées par les Présidences du Conseil de l'UE

Source du tableau : DGLFLF

 

Lors de sa présidence tournante en 2008, la France avait fait du zèle en ajoutant le polonais, l’espagnol et … l’italien aux langues disponibles sur son site internet. Autre présidence polyglotte, l’Espagne en 2010 avait également décliné son site internet en catalan, basque et galicien, ses langues régionales officiellement reconnues.

Athènes, qui assure la présidence tournante de l’UE jusqu’à la relève italienne avait également placé son mandat sous le signe de l’austérité en fixant un montant maximum de 50 millions d'euros pour assurer ses dépenses.

Mais malgré ce budget serré, les autorités grecques ont conservé la traduction du site officiel de la présidence en 4 langues : le grec ainsi que les trois langues de travail officielles de l’UE : l’anglais, le français et l’allemand.

Désaveu

La décision italienne pourrait cependant provoquer quelques remous du côté des eurodéputés. « C’est un scandale » tempête Michèle Rivasi, la chef de file des verts français au Parlement européen. « Lorsqu’on regarde la montée des eurosceptiques à laquelle on a assisté pendant les élections européennes, c’est presque de la provocation » poursuit-elle.

Pour l’eurodéputé français, les coupes budgétaires ne justifient en rien la décision de faire l’impasse sur l’allemand et le français. « Ces coupes budgétaires peuvent être faites autre part, sur les frais de bouche de la présidence ou sur les déplacements par exemple » dénonce-t-elle. « Je pense que nous allons saisir la présidence du Parlement européen sur ce sujet » conclut-elle.

Reste que la décision italienne n’est pas isolée. Au cours des dernières années, l’anglais s’est de plus en plus imposé comme langue de travail ultra-dominante au sein des institutions européennes, au détriment du français et de l’allemand.

 

Cécile Barbière l EurActiv France

 

 

Source : euractiv.fr, le vendredi 6 juin 2014

http://www.euractiv.fr/sections/langues-culture/la-presidence-italienne-fait-limpasse-sur-le-francais-302675?utm_source=EurActiv+Newsletter&utm_campaign=c73068bfbb-newsletter_infos_de_la_semaine&utm_medium=email&utm_term=0_da6c5d4235-c73068bfbb-78106897

 

 

 

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L'avis de Mme Anna Maria Campogrande, Présidente d'Athena,

Association pour la défense des langues officielles de la Commission européenne (athena@swift.lu) :

La situation est grave, empoissonnée, dégradée, depuis des années, notamment du fait qu’elle n’est pas, elle n’a jamais été, abordée dans une optique de légalité, avec rigueur et intelligence. Je suis toujours stupéfaite lorsque, au sein des débats sur la question linguistique européenne, les uns et les autres se référent à ce qui se passe au plan mondial, aux progrès de l’anglais et au statut du français ou de l’espagnol dans l’une ou l’autre région du monde (en oubliant, par ailleurs, toujours l’Italie) aux dialectes et langues minoritaires alors que la question linguistique européenne, aux termes des Traités et de la réglementions en vigueur, couvre et concerne uniquement les langues officielles des États Membres de l’Union, les langues des Traités fondateurs, à l’intérieur des frontières de l’Union, à l’exclusion de toutes les autres. On improvise, on est dans le « pragmatisme ». On oublie que les institutions européennes ne sont pas le marchand de tapis du coin, elles sont, au contraire, des institutions qui légifèrent et, par ce moyen, entrent dans la vie des citoyens européens et la déterminent, au quotidien. On oublie que, pour les systèmes juridiques héritiers du droit romain, le pragmatisme est l’antithèse de l’état de droit.

Les institutions européennes sont tenues de justifier la compatibilité, avec la réglementation en vigueur, de toute action, de toute décision, notamment de celles susceptibles de générer des disparités, et à en préciser les critères de discrimination, lesquels se doivent d’être crédibles et conformes à la lettre et à l’esprit des règles en vigueur. Son rôle de législateur constitue, en fait, un aspect fondamental de l’œuvre de l’Union Européenne et engendre pour les citoyens, régis par les normes et la réglementation qu’elle produit, le droit d’être impliqués et informés sur l’activité déployée, au jour le jour, de manière complète et en l’absence d’entraves telles que celle d’une information dans une langue étrangère. Mais, cela est loin d’être pratiqué et je constate que, aussi longtemps que l’on ne marche pas sur ses propres platebandes, personne ne bouge, car personne ne se sent pas interpellé, alors que nous sommes, tous, appelés à contribuer à la construction européenne, à préserver son identité et sa culture, éclectiques et multiformes, dans un esprit d’intérêt général empreint d’amour, de solidarité et de fraternité.

L’italien a été très discriminé par le trilinguisme, que les Français et les Allemands ont naïvement accepté. L’Italie est, en fait, le seul des quatre grands États Membre de l’Union dont la langue n’a pas été retenue pour l’usage quotidien dans les institutions, lesquelles, institutions, ont adopté le trilinguisme et, de manière impropre et arbitraire, le présentent comme leurs « langues de travail ». Il faut, peut-être, rappeler que, au sein de l’Union, l’Italie n’est pas n’importe quel État Membre, elle est l’un des quatre « grands », au plan démographique, qui est celui qui recouvre la plus grande importance pour l’attribution de tous les paramètres de participation dans le fonctionnement de l’Union, elle est État Membre fondateur des Communautés Européennes et troisième contributeur net au budget de l’Union. À ma connaissance, vous pouvez me corriger si je m’abuse, l’italien est, aussi, très discriminé dans l’enseignement des langues au plan de l’Éducation Nationale en France. À mon avis, les Français et les Allemands sont tombés dans le piège de la stratégie de colonisation linguistique et culturelle mise en place par les chefs de file de la globalisation au moyens d’infiltrations massives au sein des institutions, nationales et européennes, et suivant le principe du «aDivide et Impera ».

Il va de soi, que la décision de la présidence italienne me désole parce que, pour moi, le français et l’allemand constituent deux piliers incontournables de la culture et de l’identité de l’Europe. Toutefois, si personne ne veut s’impliquer dans l’examen et dans la compréhension de la question linguistique européenne au plan légal et réglementaire qui régit les institutions européennes et veut continuer à se battre dans le flou institutionnel, uniquement pour ses propres intérêts unilatéraux, on ne sortira jamais de l’auberge et la situation ne pourra qu’empirer. Je vous avais mis en garde, tous, depuis le début, à l’égard du trilinguisme, notamment par l’arbitraire dont il est empreint, et je vous l’avais dit qu’il ne s’agissait que d’un premier pas pour aboutir au véritable but de toute cette opération : la langue unique, l’anglais. Cela parce que, une fois que l’on emprunte la voie de l’arbitraire, institutionnel, il est difficile de faire marche arrière. La réalité, c’est que tout le monde patauge là-dedans, y inclus les Français et les Allemands, qui se sont laissés prendre au piège du trilinguisme par une mauvaise connaissance des règles qui régissent le plurilinguisme, par une chute de sensibilité à l’égard de l’état de droit et par le cynisme de nos adversaires en la matière.

Dès le début de cette affaire Athena avait proposé à la Commission Européenne l’adoption d’un « Code de bonne conduite » pour la gestion du plurilinguisme, dont elle était prête à rédiger le projet en collaboration avec les autres associations de défense et promotion des langues nationales officielles. La Commission n’a jamais donné suite à nos propositions de collaboration. Du coté des autres associations, personne ne nous a soutenus, au contraire, les associations françaises et allemandes trouvaient l’arrangement à trois langues tout à fait adéquat, convenable et avantageux.

Pardonnez-moi de vous le dire, c’est dans un esprit amical et fraternel que je le fais, mais votre texte (ci-en haut) est plein d’inexactitudes et de véritable fautes au plan des règles qui régissent les institutions européennes en matière de langues. On peut comprendre tout cela du fait que les institutions, elles-mêmes, par le biais de Commissaires incompétents et irresponsables ont entretenu le flou artistique en la matière, notamment par le biais de rapports, tels que, pour n’en citer qu’un seul exemple, le Rapport Maalouf. Cela étant, les associations de défense et promotion des langues nationales officielles se doivent d’être informées quant à la réglementation en vigueur et non pas sur la base de rapports frauduleux ou des activités d’arrivistes de la dernière heure qui s’improvisent défenseurs du plurilinguisme et qui sont seulement aptes à tous les compromis. Athena reste d’avis qu’un code de bonne conduite pourrait mettre de l’ordre en établissant des modes de fonctionnement équitables et justes en cette matière que, pour le moment, a été occupée par l’arbitraire et les lobbies (NDLR : agents d'influence).

Pour ce qui est de la Présidence italienne, je vous conseille d’écrire à Matteo Renzi (Palazzo Chigi (centromessaggi@palazzochigi.it), il connaît le français et il n’est pas stupide, les citoyens européens le concernent, j’en suis sure. Ne lui faites pas de reproches, faites-lui du charme, essayez de le séduire, essayer de le convaincre dans une optique d’intérêt général, de culture et, avant tout, de participation des citoyens, de démocratie. Ne vous braquez pas uniquement sur le français, mais plaidez le plurilinguisme, l’allemand, l’espagnol, et toutes les langues qui disposent d’un poids démographique important, parce qu’exclure ces langues, c’est exclure des millions de citoyens de l’Europe. Il faut faire prévaloir l’idée que lorsqu’il s’agit de faire fonctionner correctement et démocratiquement les institutions, l’argument budgétaire n’est pas pertinent. Ça c’est une autre histoire sur laquelle il ne sera jamais trop tôt de commencer à débattre publiquement.

 

 

Pour écrire à Matteo Renzi :

centromessaggi@palazzochigi.it

 

 

 

 

 

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