Si
cette question devait susciter chez nos juristes
francophones un toussotement embarrassé ou un coup d'œil
rapide aux notes figurant au bas de la présente
lettre, leur visite s'imposerait d'autant plus, les 22
et 23 septembre prochains, à l'Université Toulouse 1
Sciences Sociales. C'est là, en effet, sous l'égide
du CIFDUF et dans le cadre du Festival francophone en
France qu'on va tenter de définir la notion même de
«culture juridique francophone» avant de
s'interroger sur la réalité d'un concept qui déborde
largement la somme des droits positifs des pays
concernés pour englober l'ensemble des déterminants
– sociaux, humains, religieux, historiques,
linguistiques…- contribuant à l'émergence d'un
système juridique commun.
Le secrétaire général de l'OIF, Abdou Diouf, a précisé
en préambule de ce colloque les attentes de la
Francophonie. Sachant que « la structure de la
langue, qui traduit celle de la pensée, influence la
conception juridique », la Francophonie se
trouve aux avant-postes pour diffuser, expliciter et
faire respecter sur le plan du droit les valeurs héritées
de son histoire et véhiculées par sa langue.
La méthodologie choisie à Toulouse privilégiera
donc une approche pluridisciplinaire, évidente dans
les «Regards croisés» qui accompagneront chacune
des tables rondes et dont le rôle consistera à
confronter, sur un même thème («Langue et langages
du droit», «Construction normative dans l'espace
francophone», «Règlement des conflits dans l'espace
francophone»…) les contributions d'historiens, de
politologues, de philosophes, de sociologues, et
… de juristes de droit public et privé venus des
quatre coins du monde.
Ainsi débordera-t-on tout autant du droit positif au
sens strict que d'une réflexion trop étroitement
hexagonale pour traiter des moyens concrets – échanges
d'informations, coordination des formations,
construction d'espaces régionaux de la recherche,
etc. – susceptibles de faire évoluer l'ensemble des
dispositifs juridiques et judiciaires francophones
vers les objectifs de bonne gouvernance, de
démocratie et de développement qui sont au cœur de
la mission de la Francophonie.
À la veille du Sommet de la Francophonie qui sera
organisé en Roumanie à la fin de ce mois, sans doute
évoquera-t-on aussi, à Toulouse, l'Institut de droit
des affaires et de la coopération internationale de
Bucarest, ainsi que le Collège juridique
franco-roumain d'études européennes qui manifestent,
au-delà de la similitude des codes civils, la volonté
commune de dessiner, au sein de la Francophonie, le périmètre
d'un espace juridique partagé.
* CIFDUF : Conférence internationale des Facultés
de droit ayant en commun l'usage du français, réseau
institutionnel admis par l'AUF ayant pour vocation de
réunir l'ensemble des établissements d'enseignement
supérieur de la spécialité, utilisant le français
comme langue d'enseignement et de recherche.
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du droit des Affaires, créée en 1993 à
Maurice et rassemblant 14 pays de la zone CFA, la Guinée
et les Comores (la RdC est en cours d'intégration).
AHJUCAF : Association des Hautes juridictions de
Cassation des pays ayant en partage l'usage du français,
représentant les institutions judiciaires de 37
Etats, de l'Albanie au Cameroun, de la Suisse au
Rwanda, de la France au Cambodge et au Burkina.
ACCPUF : Association des Cours constitutionnelles
ayant en partage l'usage du français, créée à
Paris en 1997, dont sont membres 41 juridictions
constitutionnelles de pays participant aux Sommets
francophones de chefs d'Etat et de gouvernement.
AIPP : Association internationale des procureurs
et des poursuivants, ONG créée en 1995 à Vienne
sous les auspices de l'ONU pour répondre à la
croissance de la criminalité internationale
(notamment dans le domaine du trafic de stupéfiants
et du blanchiment d'argent), dont la dernière Conférence
annuelle a réuni plus de 300 participants de 86 pays.