Sujet : La parole à... Abdou Diouf
Date : 26/01/2006
Envoi de : Festival Francophone en France (info@francofffonies.fr)

                   

Le festival francophone
en France
16 mars - 9 oct. 2006
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Sitemestre
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La parole à … Abdou Diouf


fff : L’année qui vient de s’écouler a été une année charnière pour la Francophonie : la gestion des crises africaines, la refonte des institutions, la Convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle…Quel bilan en tirer ?

A.D. : 2005 a en effet montré une Francophonie active, une Francophonie en marche. Pour une organisation internationale comme la nôtre, qui n’est ni mondiale, ni régionale, qui mène une action politique dans son espace, axée sur la paix, la démocratie et les droits de l’Homme, en même temps qu’une action de coopération axée sur la solidarité, l’éducation et la diversité culturelle et linguistique, le véritable défi c’est de démontrer chaque jour son utilité, sa cohérence. Nous devons pour cela apporter nos réponses aux attentes de nos populations, aux déceptions, aux frustrations, aux inquiétudes engendrées par une mondialisation mal maîtrisée et trop souvent impitoyable avec les plus défavorisés.
L’OIF est forte de ses 63 pays et gouvernements membres répartis sur les cinq continents, elle est riche de sa diversité et de sa créativité, elle est fière de ses valeurs, elle est motivée par une réelle envie d’agir. Tout cela s’est construit, s’est mis en place pendant près de trois décennies, dans un monde d’abord contraint par la guerre froide, puis par de grands bouleversements et beaucoup d’incertitudes. Une période pendant laquelle la vision de nos pères fondateurs n’a pas toujours été comprise. Quand la nécessité d’un dialogue des civilisations, du respect des identités, du besoin d’échange et de partage s’est imposée, on n’a plus perçu la Francophonie comme une chose un peu étrange et désuète. On l’a redécouverte, on a compris sa modernité, le vrai sens de son ambition. C’est en réalité ce phénomène qui s’est révélé, qui s’est amplifié au cours de l’année 2005.
Nous avons agi et réagi en Centrafrique, au Togo, en Mauritanie, en Haïti en mettant très concrètement, très pragmatiquement nos réseaux, nos savoir-faire au service de la paix, de la démocratisation et de la reconstruction. Nous avons intensifié nos actions en faveur de la langue française et de la diversité linguistique en Europe, en Afrique, dans les organisations internationales, dans le monde du sport olympique.
Notre initiative en faveur d’une convention contraignante garantissant la diversité culturelle a abouti à une belle victoire politique à l’UNESCO. Nous avons su remettre nos institutions en ordre de marche en moins d’un an sans nous perdre dans les chemins sinueux d’un processus de réforme. Tout cela est prometteur et traduit bien le fait que la Francophonie s’inscrit parfaitement dans ce nouveau siècle.

fff : Le festival francophone en France sera l’un des points forts de l’année 2006 : quel est selon vous le sens de cette manifestation, et comment en faire le meilleur usage ?

A.D. : Je l’ai dit et je vous le répète : ce festival sera bien plus qu’une simple série de spectacles. Il s’inscrit dans un vrai projet politique, il exprime une certaine idée du monde. L’idée de ce festival, proposé par Jacques Chirac, est venue à un moment qui a été terrible pour le monde. Après le 11 septembre 2001, tous les Francophones ont exprimé leur inquiétude face à la haine et au repli identitaire. Ils ont réagi contre ces théories du choc des civilisations. Ce festival, c’est une grande manifestation des Francophones. Mais au lieu de descendre dans la rue pour protester, des milliers de personnes, des artistes, des créateurs, des universitaires, des journalistes, des entrepreneurs, des militants du monde associatif, mais aussi des États et gouvernements, et bien sûr nos institutions francophones se rassemblent pour faire la démonstration des vertus du dialogue, du partage de l’échange, de la joie de se rencontrer, de la fierté d’être ensemble, du besoin d’aller vers l’autre.
Ce festival se déroule principalement en France. C’est très important parce qu’il va, je l’espère, permettre de donner un bon coup de balai à cette image d’une Francophonie un peu pré-historique et repliée sur elle-même qui persiste encore. Il faut que ce festival soit l’occasion de démontrer que la Francophonie au XXIème siècle est porteuse d’une dynamique forte en faveur d’une mondialisation humaine, maîtrisée, qui refuse l’écrasement des identités, des cultures, des langues, de la création, de la pensée.
En deuxième lieu, ce festival doit s’adresser aux jeunes, à tous les jeunes vivant en France, les séduire, les intéresser, les mobiliser, les engager à participer à l’aventure francophone qui leur est avant tout dédiée.
Enfin ce festival doit servir d’exemple, de modèle. Il faut qu’après la France, le projet soit renouvelé dans d’autres pays membres de la Francophonie.

fff : Au fil des ans, l’Organisation internationale de la Francophonie gagne en visibilité, en cohérence et son Secrétaire général en autorité : quels objectifs avez-vous fixés dans le cadre de votre mission ? Quelles sont vos priorités ?

A.D. : Mon premier souci est de faire de l’OIF une organisation crédible, performante, utile. Le bon fonctionnement d’une institution est un travail ingrat, mais nécessaire. L’OIF n’est pas l’ONU, ce n’est pas non plus un bailleur de fonds, ni encore un club de Chefs d’État. C’est devenu une institution d’un type original qui intervient avec ses méthodes, ses savoir-faire, ses réseaux dans des domaines qui ne sont pas toujours correctement pris en charge par les autres institutions du système international. Nous avons fixé, pour les dix prochaines années, quatre axes prioritaires : le rayonnement de la langue française, la diversité culturelle et linguistique, clé du dialogue des civilisations ; la paix, la démocratie et les droits de l’Homme, défi essentiel dans notre espace ; l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche, déterminants pour les jeunes générations ; enfin la solidarité et le développement durable parce qu’une croissance économique inégalitaire est dangereuse et inacceptable.
C’est un vaste programme. Il est vrai que nos ambitions sont grandes. Mais nous ne sommes pas irréalistes. Nous ne résoudrons pas seuls tous les malheurs du monde. Mais nous savons que dans ces quatre domaines nous pouvons, d’une part, aider concrètement nos pays, et d’autre part, coopérer avec d’autres partenaires internationaux et apporter notre modeste contribution à un monde plus juste.

fff : Et quels sont selon vous les principaux obstacles qui restent à vaincre ?

A.D. : Sur le plan des méthodes : développer une culture des résultats, gagner en visibilité, multiplier les partenariats et les synergies avec tous ceux qui œuvrent dans le même sens que nous. Ce qui me tient aussi beaucoup à cœur, c’est la mobilisation de tous les acteurs de la Francophonie : les associations, les enseignants, les médias, les créateurs, les entrepreneurs…. C’est une nécessité vitale pour une cause comme la nôtre. Mais je ne veux pas voir l’avenir seulement comme un parcours semé d’obstacles, comme un chemin de croix. Je suis un optimiste….surtout quand je feuillette le programme du festival francophone en France….

 

l'équipe du festival