La
Francophonie, état des lieux...
Le plus beau royaume sous le ciel décrit à la fin du
XIXe siècle par Onésime Reclus s’est dilaté en une « vaste
république de l’esprit » (André Malraux), un espace géographique,
linguistique, économique et géopolitique aux dimensions de la
planète. Celui dans lequel francofffonies ! va,
en 2006, puiser ses créations, ses partenaires et ses
participants.
Soixante-trois États et gouvernements sont, à ce jour, membres,
membres associés ou États observateurs de l’OIF. Ils composent
un ensemble original, dynamique, ouvert - d’autres pays ont
vocation à entrer dans le « club » -, fondé sur la
libre adhésion de chacun. Plus rien à voir avec ces lambeaux de
l’empire français que certains croient encore voir flotter sur
la nouvelle organisation : la Moldavie, le Nouveau-Brunswick,
la Suisse, les Seychelles ou la Roumanie, par exemple, qui font
partie de la Francophonie, seraient bien étonnés d’apprendre
que leurs présences rassemblées ressuscitent le passé colonial
de la France !
Les cinq continents sont représentés dans cette mosaïque
dont « une certaine idée du monde » constitue le
ciment. Celui-ci n’a certes pas seulement pour fonction de bétonner
un conservatoire de la langue française. Les États qui ont
choisi le français comme langue officielle - Haïti, le Sénégal,
le Gabon -, les populations ayant le français pour langue
maternelle - 80% des Québécois, mais moins de 5% des Maliens et
un pourcentage infinitésimal d’Albanais - ou même celles qui
en disposent pour un usage courant sont en effet largement
minoritaires au sein de la Francophonie. Il s’agit donc bien de
promouvoir une « autre mondialisation » dont la première
richesse réside dans la défense des diversités culturelles et
linguistiques qui la composent.
Comment pourrait-il en aller autrement, alors qu’on serait évidemment
en peine de définir un critère d’appartenance unique à la
Francophonie ? Ni dominante historique exclusive - au
contraire du Commonwealth, directement issu des indépendances
concédées par la Couronne britannique -, ni configuration
politique homogène - le Royaume du Maroc y côtoie la République
tchèque ou libanaise, la Principauté d’Andorre y voisine avec
la Fédération canadienne et la République démocratique du
Congo - ou religieuse : l’Égypte, la Tunisie et le Tchad,
majoritairement musulmans, font ici cause commune avec la très
catholique Pologne, mais aussi avec le Laos bouddhiste et la
Grèce orthodoxe.
C’est bien sûr sur le plan économique que les disparités sont
les plus fortes : les pays francophones du Nord, avec un peu
moins de 10% du PNB mondial, recueillent à eux seuls plus des
trois quarts de la totalité des richesses produites par
l’ensemble des membres de l’OIF. Pour égaler le revenu annuel
moyen d’un Suisse, le Burundi ou le Niger doivent aligner… 190
habitants ! D’où l’importance cruciale d’un instrument
de coopération fondé sur les valeurs d’une solidarité
commune, qui permette de dessiner les contours d’un nouveau
partenariat entre les pays industrialisés et les nations les plus
démunies en guidant ces dernières sur la voie de la croissance
et du développement durable, tout en respectant leurs cultures
singulières.
Comme l’a écrit le président Diouf, « le monde
francophone n’a certes pas le monopole de ces valeurs ».
Il n’en constitue pas moins désormais l’espace fédérateur
d’une nouvelle cohabitation où tisser, en dépit ou à cause de
son extrême hétérogénéité, les liens privilégiés qui protègent
le patrimoine des peuples contre la mécanique implacable du
management et du marché.