Sujet : Entretien avec Malek Chebel
Date : 05/01/2006
Envoi de : Festival Francophone en France (info@francofffonies.fr)

                   

Le festival francophone
en France
16 mars - 9 oct. 2006
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Sitemestre
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Entretien avec Malek Chebel

 

fff :  On sait que vous êtes un intellectuel musulman d’origine algérienne, réformateur de l’Islam – vous avez créé la Fondation pour un Islam des Lumières – et un essayiste volontiers provocateur : en quoi l’organisation des  francofffonies !, où vous interviendrez comme membre du Comité d’honneur, répond-elle à vos préoccupations ?

M.C. :  Ce festival 2006 est pour moi la manifestation ponctuelle d’une communauté d’esprit pérenne : la communauté francophone. Quelle que soit la diversité des spectacles, des expositions et des rencontres inscrits à son programme, on y sera toujours confronté à cette même double question : comment inclure l’autre dans son territoire à soi, comment introduire sa présence dans un ensemble charnel et spatial partagé ? En disant cela, je ne joue pas sur les mots, je ne fais pas de rhétorique, je nomme une réalité : l’Algérie est la terre de mes parents ; la France, celle de mes enfants ; et mon pays à moi, c’est ma langue. C’est à la francophonie que j’appartiens pleinement, comme à un territoire vivant, en continuel projet…

 fff : Quels sont, selon vous, les principaux thèmes qui devront être abordés dans les débats ?

M.C. : « L’un et l’autre » : en réfléchissant sur l’autre, la francophonie s’interrogera aussi sur elle-même. Deux préoccupations antagonistes divisent aujourd’hui le monde : d’une part, la diversité, mise en danger par la globalisation mondialiste ; et, de l’autre, la sécurité, au nom de laquelle on élève des barrières qui nous séparent des créateurs venus d’ailleurs. On parque à la frontière ceux-là mêmes qui nourrissent nos pensées, inspirent notre musique, écrivent nos livres, dessinent nos tissus ! Ils sauront eux-mêmes profiter sans doute de cette occasion qui leur sera donnée de ne pas « laisser passer » de telles contradictions.

 fff  : La Francophonie doit-elle prendre en compte le fait religieux ?

M.C. : Résolument, oui. La Francophonie ne doit être ni élitaire, ni abstraite, mais prêter l’oreille à toutes les convulsions qui montent du monde francophone. La doctrine laïque n’a pas pour vocation d’éradiquer la religion de l’espace des débats. Quant à l’Islam, en l’occurrence, il ne doit pas connaître de traitement particulier : comme toutes les autres religions, il intéresse des créateurs qui sont issus de l’espace musulman.
Idem pour les débats, qui ont pris récemment un tour polémique, concernant l’histoire de la colonisation et ses soi-disant « bienfaits »: il n’est évidemment pas question que cette période se trouve escamotée dans le cadre d’une manifestation francophone, qui représente, à l’évidence, le lieu privilégié d’un dialogue plus nécessaire que jamais à ce sujet. Mais il ne s’agit pas non plus, pour autant, de sortir du champ qui délimite la légitimité des participants au Festival : ceux-ci devront veiller à ne pas déborder de l’échange humaniste et intellectuel qui leur incombe pour se retrouver dans l’arène politique !

 fff:  Comment concevez-vous votre mission de membre du Comité d’honneur de francofffonies ! ?

M.C. : Je verrais volontiers les membres du Comité prolonger leur action au-delà des dates et des emplacements de ce festival en devenant, en quelque sorte, des ambassadeurs itinérants de la Francophonie. Pour ma part, je suis tout à fait prêt à apporter mon grain de sel aux quatre coins de l’espace francophone en y répandant, non pas une quelconque « bonne parole », mais l’interrogation humaniste qui ne doit plus s’interrompre. Ne laissons pas le rideau francophone retomber quand la fête sera finie !

 

l'équipe du festival