La
Roumanie en fanfares !
Le sentiment que le français et le roumain sont
des langues « sœurs » imprègne depuis toujours la
conscience collective d’un peuple que les rigueurs extrêmes du
système communiste n’ont jamais réussi à faire taire. Dès
l’époque des Lumières, quand l’élite roumaine avait coutume
d’aller faire ses études en France, puis au début du siècle
dernier, quand Bucarest était appelé « le petit Paris »,
et jusqu’au cœur des « années de plomb », la
diaspora des artistes et des intellectuels roumains a fait
essaimer son génie dans toute l’Europe, avec une préférence
marquée pour la capitale française, que ses descendants s’apprêtent
à retrouver l’an prochain. Constantin Brancusi, le pionnier du
renouvellement de la sculpture moderne, Eugène Ionesco, le créateur
du théâtre de l’absurde, Tristan Tzara, le fondateur de Dada,
le poète et plasticien Gherasim Luca qui apposa sa marque sur le
mouvement surréaliste, Emil Cioran, l’essayiste et moraliste
« passionné d’indifférence », le romancier et
l’historien des religions Mircea Eliade, parmi tant d’autres
qui sont venus nourrir notre commune culture, ont emprunté jadis
ce « pont de latinité » qui relie les rives de la mer
Noire aux bords de Seine.
Pour
nombre de participants aux francofffonies !, leur
venue à Paris sera donc moins à l’origine d’une découverte
que l’occasion de retrouvailles chaleureuses. Ainsi, la poétesse
Letitia Ilea, qui traduit elle-même ses œuvres dans la langue
française qu’elle enseigne à Cluj, invitée au Salon du Livre
2006, a-t-elle été déjà l’un des auteurs récemment sélectionnés
par les Belles Etrangères. A ses côtés, Matéi Visniec et
Virgil Tanase témoigneront de la vitalité de la littérature
francophone, célébrée notamment dans un numéro spécial de la
Revue Internationale de l’Imaginaire que publiera pour
l’occasion la Maison des Cultures du Monde.
En
ce même lieu, retentiront alors les cuivres de la fanfare de la
Moldova (région moldave de la Roumanie, à l’extrémité
Nord-est du pays) et les violons de l’orchestre tsigane de
Transylvanie, qui glissent avec une incroyable virtuosité sur les
notes et les rythmes glanés par les musiciens au pas de leurs
errances : morceaux bengalis, afghans, iraniens, ouzbeks,
turcs, arabes, grecs, hongrois ou… roumains, souvent joués avec
des instruments bricolés par les interprètes eux-mêmes, dont émane
le « dor », cette nostalgie indéfinissable d’une
Terre Promise, inaccessible, qui rend la musique tsigane tellement
poignante.
On
retrouvera celle-ci, en plus allègre, dans le cadre de Paris
Quartier d’été où se produira Mahala Raï Banda – littéralement :
« le noble orchestre du ghetto » -, un nouveau groupe
basé à Bucarest et formé par deux musiciens liés au Taraf de
Haïdouks : violons, accordéons, mais aussi cuivres confiés
aux vétérans des fanfares militaires, sur une rythmique qui
« déménage » en mélangeant les styles et les genres
avec un irrésistible entrain.
Si
l’on ajoute à ces scènes roumaines les espaces qui
s’ouvriront – dans le cadre de « Faites vos Jeux »
– au jeune plasticien roumain Mircéa Cantor, familier des
galeries parisiennes dont le Centre Pompidou a présenté les œuvres
pas plus tard que cette année, et les micros qui vont se tendre
pour le Prix Radiofffonies auquel la radio nationale roumaine
participera lors de la Fête de la Musique, on constate que
Bucarest n’a pas été choisi au hasard pour accueillir, en
novembre 2006, la soixantaine de chefs d’État et de
gouvernement des pays francophones qui participeront au prochain
Sommet de la Francophonie !