À : contact@storyvox.com, le 6 avril 2003
Monsieur,
Ce
matin, je vous ai entendu sur France Inter. Ce courriel est une petite
réaction à ce que j’ai pu entendre. Cependant, je vous avoue qu’un point me choque grandement, c’est votre nom de domaine : storyvox.com Lorsque Éric Hauswald vous a questionné sur le pourquoi du choix d’un tel nom, en rhéteur habile, vous avez répondu que les mots « story » et « vox » provenaient du latin, que les Anglais nous les avaient empruntés, qu’il était légitime de le leur reprendre, et qu’il s’agissait en quelque sorte, d’une "private joke". Monsieur, sachez que votre « plaisanterie privée » ne me fait pas du tout sourire, bien au contraire, laissez moi vous dire pourquoi.
Dans
les années 60 régnait une discrimination raciale aux États-Unis : les
Noirs y étaient partout remisés au rang de
« sous-hommes
». Le plus
surprenant, c’est que lorsque l’on interrogeait les Noirs sur leur
perception de ce phénomène, ils répondaient en majorité qu’ils
pensaient eux aussi que les « Blancs
» incarnaient une race
supérieure ! Magnifique non ? Les « Blancs
» avaient intimement
persuadé les « Noirs » de leur infériorité intrinsèque ! Aujourd’hui, sur le même modèle, les Anglo-Saxons nous ont intimement persuadés que leur langue était supérieure, et, tout comme les « Noirs » d'hier, nous en sommes aussi intimement persuadés. Nous nous efforçons de nous élever à la cheville de la langue supérieure ! Nous sommes les acteurs masochistes de l’apartheid linguistique.Vous vouliez un nom latin, pourquoi n’avez vous pas pris le nom « boite à histoires » dans sa traduction italienne, espagnole ou portugaise ? Tout simplement parce que vous aussi êtes inconsciemment persuadés que l’anglais est bien supérieur aux autres langues : vous aussi, vous reproduisez le modèle masochiste.Ne vous gaussez pas, Monsieur, car ce phénomène est très préoccupant. Les conséquences en sont pour nous catastrophiques. Vous pourrez en évaluer très facilement la portée sur le site http://lingvo.org/fr/2/15, qui cite 500 demandes d'emploi de grandes institutions internationales, toutes réservées à des "English mother tongue only".Hier, aux États-Unis, des universités étaient interdites aux Noirs. Dans le monde que vous contribuez à préparer, les emplois à responsabilité seront bientôt interdits aux « non anglophones de naissance ». Si vous en avez le courage intellectuel, lisez donc www.geocities.com/c_piron. Claude PIRON, qui fut traducteur anglais-espagnol-russe-chinois-français à I’OMS et à l’ONU sait bien de quoi il parle ! Je ne vous demande pas de répondre à ce courriel, je doute même qu’il vous touche. Mais sachez juste que si ce masochisme linguistique arrange les Anglo-Saxons, il me dérange au plus haut point. M. Guillaume Martin
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