Sujet :

Faut-il craindre une hégémonie de l'anglais en Europe ?

Date :

18/11/2004

Envoi de Germain Pirlot (courriel : gepir.apro(chez)pandora.be)

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« Faut-il craindre une hégémonie de l'anglais en Europe ?

Une table ronde réunissait Jean-Pierre Digard, directeur de recherche au CNRS, Philippe Van Parijs, professeur de sciences économiques et sociales à l’Université catholique de Louvain et Henriette Walter, linguiste, professeur à l’Université de Rennes, membre du Conseil supérieur de la langue française, et était animée par Alexie Lorca, journaliste au magazine Lire.

Jean-Pierre Digard, ethnologuePour Jean-Pierre Digard, l’hégémonie de l’anglais est sans équivoque et regrettable. Il s’insurge contre la publication du premier « Que sais-je ? » en anglais au motif que « cette publication inscrit la collection dans la modernité », selon son éditeur. Et aussi contre le fait que les demandes de subventions, à Bruxelles, sont faites en anglais, que les dossiers de candidature au CNRS sont bilingues depuis cette année, ou que dans La Recherche, les résultats français ne sont même plus cités. Pour lui, cette hégémonie risque d’atrophier la pensée d’un locuteur qui ne maîtrisera pas l’anglais. Le français doit demeurer une langue officielle de l’Europe et être ainsi le « bouclier » de la diversité linguistique.

Pour Philippe Van Parijs, à l’inverse, cette hégémonie, irréversible, est légitime parce qu’une langue véhiculaire unique est nécessaire. C’est celle parlée par le plus grand nombre et pour laquelle nous avons le minimum de connaissances communes, mais qui exclut, de fait, celui qui ne la maîtrise pas. « L’anglais est Lingua Franca ». C’est injuste, certes, parce que cela donne plus de confort à ceux qui ont l’anglais pour langue maternelle et qui ont déjà, aujourd’hui, le plus de chance d’être publiés, lus, traduits. C’est injuste parce que l’apprentissage de l’anglais a un coût pour les non-anglophones. Mais c’est un processus générationnel auquel il est vain de résister parce qu’une langue véhiculaire unique ne nuira pas aux langues locales et nationales et à la richesse culturelle dont elles sont porteuses. 

Et l’anglais « Lingua Franca » ne risque-t-il pas, en se simplifiant, de s’appauvrir ? L’anglais, futur latin ? La question est posée en conclusion de cette table ronde par Henriette Walter qui rappelle tout de même que le français est n° 2 dans 42 pays et que notre langue est encore parlée sur les cinq continents. Le français est encore une langue mondiale, mais sans doute le plurilinguisme doit-il être le modèle européen.

 

Émmanuelle Martinat-Dupré

 


Source : Lettre de la BIEF (Bureau International de Édition française), le 20 juillet 2004

http://bief.org/?fuseaction=Lettre.Article&A=115

 

 

 

 

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