La marche (forcée) vers le bilinguisme poursuit son mouvement rapide en France (le lancement de « France 24 », la nouvelle télévision française d¹information internationale en continu, mi-publique, mi-privée, en étant la manifestation récente la plus spectaculaire). On remarquera que les collectivités publiques territoriales (communes, départements et régions) ne veulent pas être à la traîne et, surtout, ne pas se laisser distancer par les milieux d'affaires (grande est du reste l'endogamie entre les unes et les autres). Public ou privé, on se veut généralement à l'avant-garde du peloton anglomaniaque.
Cela dure depuis des années déjà. En témoigne, par exemple, ce panneau d'information vu dans un jardin public de Cesson-Sévigné, une petite commune résidentielle de la périphérie immédiate de Rennes. On explique, en français et en anglais, qu'une espèce végétale rare a été plantée là, en 1999, par le président de l'« Entente Florale Européenne ». C'était considérer, déjà, que tout ce qui touche un tant soit peu à l'Europe doit être exprimé en anglais, que la langue de l'Europe est l'anglais, que l'on ne peut plus s'adresser autrement qu'en anglais à un non-francophone (et surtout pas en français). À
l'heure de la mondialisation et du néolibéralisme, les collectivités
territoriales publiques doivent souffrir mille maux de leur cantonnement
à l'intérieur de limites territoriales plus ou moins étroites et des
contraintes légales (encore) imposées à leurs champs de compétence
par l'État (d'autant que ces derniers ont été sensiblement élargis
par les lois de décentralisation successives). En recourant, autant que
faire se peut, au bilinguisme (notamment sur leurs sites WEB), elles
pensent se doter, elles aussi, à bon compte, des instruments de
la puissance, de la modernité, de l'ouverture internationale qui sont
associés à l'anglais. Elles essaient de faire comme les entreprises
commerciales qui sont, plus qu'on ne le croit, leur modèle à bien des
égards. Sans doute certaines rêvent-elles déjà d'un affichage public
bilingue. Une conduite de mimesis qui n'épargne pas grand monde,
fréquente désormais au sein des administrations publiques, et pas
seulement locales.
|
||||||