Sujet :

Stratégie contre Carrefour qui nous anglicise

Date :

06/04/2005

Envoi de MAB (Paris)

                   

Anglomanie chez Carrefour 

 

De M. Marc Favre d'Échellens, administrateur à Défense de la Langue Française (DLF)

J'ai saisi au nom de Défense de la Langue Française (section de Paris et Île-de-France), le 22 janvier 2005, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes pour un cas d'anglomanie chez Carrefour. Il s'agissait d'un paquet de Riz Basmati où était imprimée (sur une photographie d'une cuillère remplie de grains de riz) en gros caractères la mention "BASMATI RICE" et au dos du paquet, il était indiquée en petits caractères la mention en français (avec d'autres langues) « ris basmati ».

  Après un échange de correspondances avec la direction de Carrefour, il ressortait que la présence de dénominations anglaises sur certains produits de base était une politique délibérée de Carrefour, j'avais alors adressé à la DGCCRF les échanges de courriers et l'emballage du paquet de riz pour suite à donner (une copie avait en son temps été adressée pour information à DDC)

  La DGCCRF vient de me répondre (lettre du 9 août 2005 signée M. Luc Valade) par un long courrier pour m'informer qu'elle ne considère pas cet emballage comme étant en contravention tant avec la loi du 4 août 1994 qu'avec l'article R. 111-8 du code de la consommation !

  La DGCCRF a dans son courrier précisé son argumentation, je cite : 

« Il reste que cet étiquetage doit être appréhendé dans son ensemble et qu'il comporte une photo très apparente d'une cuillère remplie de riz. En outre le paquet comporte, en façade principale, un rectangle transparent qui permet de voir à travers le paquet en carton et de visualiser le produit. Dans ces conditions, il apparaît que même si la dénomination de vente en français du produit ne figure qu'en petits caractères, la présentation de ce produit est parfaitement claire et compréhensible pour tout consommateur français et ne peut être source d'erreur ou de confusion. Il est vraisemblable qu'un juge national saisi de cette question serait amené à reconnaître que les éléments figurants sur l'étiquetage sont suffisants pour informer pleinement les consommateurs français. Dés lors, il ne me paraît pas opportun de procéder à une enquête sur ce produit.

Signature Luc Valade »

  C'est la démonstration que la DGCCRF ne veut rien faire pour la protection de la langue française et utilise les fonctionnaires de l'État pour formaliser et reprendre les arguments de la grande distribution.

  Cette position appelle une réaction vive de notre part.

Amicalement,

 

Marc Favre d'Échallens

Mfavredechallens@aol.com

 

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Réponse de M. Thierry Priestley, Président de Droit De Comprendre (DDC)

Une réaction « vive » : sans aucun doute ! Mais alors, vers qui et de quelle manière pour avoir un peu d'efficacité ?

Je commençais, il y a quelques jours, à rédiger le projet de lettre à Air France, relatif à "Blue Sky" et à l'absence croissante de personnel de bord francophone sur ses lignes, ainsi que le projet de communiqué à adresser à la presse anglo-saxonne pour vanter l'avantage offert par American Air Lines en ce domaine (nous en avions parlé ensemble à notre dernière réunion de DDC).

  Plutôt qu'une nouvelle lettre à la DCCRF, manifestement inutile à la lecture de ce que nous dit Marc, pourquoi ne pas adopter la même démarche pour les autres produits de consommation et ne pas essayer d'orchestrer une campagne de presse sur le thème « achetez plutôt francophone » en lui faisant prendre appui sur au moins une opération médiatisée de distribution de tracts à l'entrée d'un Carrefour ? 

Il faudrait alors commencer par regarder chez les concurrents de Carrefour (je veux dire les enseignes d'un autre groupe) quelle est leur politique linguistique pour la désignation des produits de base emballés sous leur marque et, si nous avons la chance d'y découvrir une pratique francophone, de commencer à la vanter. 

Peut-être même pourrait-on, dans cette hypothèse, les contacter pour leur proposer l'utilisation de nos commentaires dans leur publicité (du genre « chez Machin, tout est meilleur et moins cher et en plus nos produits sont vraiment faits pour vous : la preuve ? On vous les offre dans votre langue »). 

Ce qui n'empêcherait quand même pas (ça ne mange pas de pain) de cuisiner notre bouillie habituelle de gémissements pathétiques et de cris de colère indignés à adresser à tous ceux qui font semblant de nous gouverner. 

On ferait mieux, cependant, de solliciter aussi une rencontre avec les organismes de défense des consommateurs pour attirer leur attention sur cette tendance, semble-t-il très lourde, de normalisation linguistique anglophone des appellations de produits, liée à la mondialisation des groupes en question et à leur énorme concentration capitalistique. Et pour leur demander si, quand même, ils ne trouvent rien à y redire.

  De toute façon, il me semble que l'évolution du contexte politique et social, révélé par les résultats du dernier referendum sur la constitution européenne (quoi qu'on en pense, ils révèlent au moins l'énervement des Français contre certains effets de la dénationalisation de tout), est favorable à un accroissement sensible de l'intérêt de l'opinion et de la presse à une protestation de ce type. 

Ne vaut-il donc pas la peine d'en profiter et de tenter un infléchissement de notre stratégie d'action ?

Thierry Priestley